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Fraude électorale : Portrait de huit ans de brouille électorale à la FÉUO

25 février 2013

– Par Philippe Pépin –

Une foule de plaintes et de critiques, présentées par les candidats indépendants et par certains des candidats d’Action étudiante et de Together Ensemble, auront marqué les élections de l’année 2013. Après huit ans d’évolution des règles entourant les élections étudiantes de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO), force est de constater que les bisbilles électorales de 2013 ne figurent pas parmi les plus mouvementées.

Les élections de 2006: conflits d’intérêts

Le directeur général des élections (DGE), Aurélien Leftick, a amendé de nouveaux règlements électoraux afin de s’autoriser le droit de modifier tout règlement pendant la période électorale. Ces modifications ont été instituées afin d’éviter et de corriger les anomalies. Il a également donné le droit aux candidats de faire campagne en ligne et les a autorisés à se positionner sur les questions référendaires. Il a enfin établi que le test de bilinguisme des candidats se fasse en partenariat avec l’Institut des langues secondes de l’Université d’Ottawa (U d’O).

Une première violation de l’article 9.3 de la Constitution impliquait un conflit d’intérêts. Une candidate à l’exécutif, Brigitte Noël, aurait eu accès à de l’information recueillie par un autre membre de la FÉUO en vue de l’utiliser au débat des candidats. La motion a été rejetée par le Comité d’arbitrage étudiant, car l’information transmise était considérée comme publique.

Les élections de 2007: affichage frauduleux, ingérence, invalidation douteuse de bulletins de vote et test de bilinguisme

La directrice des élections de l’époque, Sylvia Lewis-Havard, a accordé le droit aux étudiants de lancer leur propre site web et a imposé l’affichage de la date du scrutin sur les affiches des étudiants. Elle a aussi autorisé les candidats affiliés à la FÉUO d’utiliser leur bureau pour mener campagne, pourvu que ces derniers n’utilisent pas les ressources de la FÉUO à leur profit personnel.

D’abord, certaines infractions mineures incluaient l’affichage interdit de pancartes électorales sur les murs peints ou plus hauts que sept pieds. Aucune sanction n’a été jugée nécessaire par la DGE.

L’invalidation douteuse de bulletins de vote est venue jeter de l’ombre sur les résultats serrés à la présidence. De fait, Pam Hrick a été élue par seulement 15 voix. Les plaintes du candidat défait ont été rejetées par le comité d’arbitrage étudiant (CAÉ).

Certaines irrégularités ont été jugées mineures par la DGE comme la présence de certains candidats près des bureaux de vote et les tracts de campagne retrouvés dans les isoloirs. Certains candidats auraient aussi aidé à déplacer de l’équipement informatique entre les bureaux de vote. La DGE a également appuyé un candidat en « aimant » sa page Facebook.

Columbia Delano Washington aurait été évincé de la course à la présidence pour avoir échoué son test de français. Ce dernier est venu contester la légitimité du test, mais sans suite: le CAÉ, ainsi que le Conseil d’administration (CA), ont rejeté sa demande.

Les élections de 2008: présence d’appareils proscrits dans la salle de comptage des votes et bas taux de participation au second tour

Des plaintes ont été déposées contre des scrutateurs qui auraient communiqué les résultats des élections plus rapidement, par texto, à certains candidats. La DGE, Sylvia Lewis-Harvard, n’a pas donné suite à ces plaintes et a noté dans son rapport de transition qu’il est primordial qu’aucun appareil numérique ne puisse être présent dans la salle de comptage.

Aucun candidat ne s’était présenté pour la présidence. À l’élection partielle qui s’en est suivie, le taux de participation a radicalement chuté à 2 %.

Les élections de 2009: vote en ligne contesté et début de la saga des partis politiques

Pour la deuxième fois de l’histoire, un DGE, Wassim Garzouzi, a opté pour le vote en ligne. Un certain tollé s’est alors exprimé contre cette méthode, de peur de fraudes et suite à l’échec des votes de 2004, où plus de 150 votes ont été perdus dans des ratés informatiques. Devant le CAÉ, puis en appel devant le CA, la proposition du vote en ligne a été approuvée par les deux organismes.

Quatre candidats à l’exécutif de la FÉUO, soit Julie Séguin, Seamus Wolfe, Roxanne Dubois et Jean Guillaume, sont accusés de complot électoral par trois candidats défaits, menés par Renaud-Philippe Garner. On présente entre autres des courriels douteux d’offre d’aide, ainsi que le partage d’une machine à fabriquer des macarons. Les quatre accusés refusent de reconnaître la compétence du CAÉ. Le CA, sous la présidence de Federico Carvajal, écarte alors par vote la compétence du panel d’arbitrage. Cette décision du CA a été rendue avec un taux d’abstention de plus d’un tiers des membres votants. La constitution de la FÉUO exige pourtant la participation de plus des deux tiers des membres votants. Plusieurs étudiants se sont plaints du fait que Wolfe, Séguin et Dubois aient voté sur cette décision, alors qu’elle portait sur eux. Un nouveau CAÉ a éventuellement été formé. Il a tranché en faveur des quatre accusés dont l’élection sera entérinée.

Les élections de 2010: démission du DGE et conflit entre le DGE démissionnaire et le président Seamus Wolfe

Le début des élections est marqué par la démission du DGE, Julien de Bellefeuille. À l’origine sans justification, la démission du DGE ne sera pas comblée par une autre embauche. Les élections se sont déroulées sous la supervision du CA. Plus tard dans la campagne, Seamus Wolfe, candidat à la présidence, a déclaré ne pas connaitre les justifications de la démission du DGE. M. de Bellefeuille, le DGE démissionnaire, s’est enflammé des propos de M. Wolfe. Il a alors justifié sa démission, découlant de son désaccord face à la proximité entre certains candidats entre eux et avec certains membres de l’exécutif. Il donne l’exemple de la collaboration entre l’actuel président Wolfe et les candidates Amalia Savva et Roxanne Dubois. Qualifiant tout cela d’injustice, il aura préféré se désister.

Malgré la grande participation des étudiants grâce au vote en ligne, plusieurs soupçons de fraude seront évoqués. Ces soupçons non-confirmés vont mener à l’abandon, l’année suivante, du vote en ligne.

Les élections de 2011: disqualification de Tristan Dénommée et vents de protestations contre la FÉUO

Nathan Boivin, candidat à la présidence, a déclenché une protestation pacifique des résultats des élections, puisque de nombreux bulletins de vote auraient été apparemment égarés au Centre universitaire. Ne pouvant étayer  sa plainte, elle restera sans suite.

Dans un vote du CA, l’élection de Tristan Dénommée au poste de vice-présidence aux finances sera invalidée en raison des attaques directes qu’il aura porté à son opposante Sarah Jayne King, proscrites par les règlements électoraux. Sarah Jayne King, que plusieurs accusaient de proximité avec l’exécutif de la FÉUO, sera portée au poste sans toutefois avoir été élue. Trois membres de l’exécutif vont condamner les actions du comité des élections et du CA, dans une ambiance invivable, selon eux. Paige Galette, Amy Hammett et Sarah Jayne King ne commenteront pas l’affaire. En signe de protestation, des étudiants occuperont les bureaux de la FÉUO. Une manifestation réclamant  le « ménage de la FÉUO » mobilisera plus de 200 étudiants arborant le balai comme symbole de mécontentement. Les contestataires exigeront notamment la création d’un poste de vérificateur général indépendant des élections et de la FÉUO, sans succès.

Parmi les accusations d’ingérence, la candidate Amy Hammett sera accusée de faire campagne aux bureaux de scrutin. Aucun suivi ne sera apporté à cette plainte.

Les élections de 2012: abolition du CAÉ

D’importants amendements aux règlements électoraux et à la Constitution de la FÉUO ont été apportés. Dorénavant, le président de la FÉUO ne pourra plus trancher une élection en cas de bris d’égalité et le CAÉ, jugé désuet par le CA, a été aboli.

Julien de Bellefeuille, Katherine Li et Martin Schoots McAlpine, tous ex-membres de la FÉUO, sont nommés au Sénat, sans élections, dans une décision du CA.

La nomination de Sarah Jayne King membre par défaut de l’exécutif sur le comité des élections, a soulevé la colère de plusieurs. En effet, les plaintes affirmaient qu’il est nécessaire qu’un membre du comité des élections ayant pour objet de gérer le respect de la Constitution de la FÉUO se devrait au moins d’être élu par l’entremise des élections générales. La Rotonde a appris de source sûre qu’au moins un étudiant est allé voir ombudsman de l’U d’O, Lucie Allaire, pour discuter de l’éthique du comité. Mme Allaire aurait affirmé qu’elle avait été approchée l’année d’avant également, mais n’aurait pas donné suite à ces consultations.

Aujourd’hui jugé comme trop facile par plusieurs étudiants en raison du piètre français des candidats, des doutes seront soulevés sur la pertinence du test de bilinguisme. La Rotonde a pris la position éditoriale de condamner l’efficacité du test et n’a pas démordu de cette position depuis.

Les élections de 2013: conflits d’intérêts et partis politiques

La première source de frustration chez Together Ensemble  sont les pénalités imposées par le comité des élections qui sont privées. « Lors des élections, le comité des élections impose des pénalités et des conséquences lorsqu’on enfreint les règles électorales. Ces pénalités ne sont pas publiques, elles sont seulement communiquées au fautif », déplore Mme Tourangeau, candidate de Together Ensemble non élue aux affaires universitaires. Rendre publique ces infractions et les sanctions associées, selon elle, donnerait l’occasion aux étudiants de voir sous un vrai jour les candidats et partis.

L’ajout des noms des partis aux côtés des noms des candidats a été sujet à des critiques de la part de l’Association étudiante des études politiques, internationales et en développement (AÉÉPID), Together Ensemble, Chris Clarke et bien d’autres. « On a seulement su que les règles électorales allaient être changées en milieu d’élections », s’indigne Geoff Parent, candidat déchu à la présidence. Il soutient que Together Ensemble, depuis le début, s’est positionné contre cet amendement. Mme Tourangeau renchérit: « On était au courant des effets qu’aurait cet amendement et c’est pourquoi nous avons en tout temps défendu nos points personnels et non une ligne de parti. » Chris Clarke est allé encore plus loin dans ses critiques, alors que son directeur de campagne, Evan Lothian, déposait une plainte officielle contre Osama Berrada, directeur des élections, pour sa décision d’autoriser la présence des noms de partis sur les bulletins de vote. Anne-Marie Roy, élue présidente de l’exécutif cette année, n’est pas du même avis: « Je crois que ça rajoute de la transparence aux campagnes des candidats. Si certains candidats veulent travailler ensemble puisqu’ils ont certains points ou objectifs en commun, je crois qu’il est important que les étudiants soient au courant de cela en allant voter. »

Soulevée de part et d’autre, la nomination du comité des élections par le CA nécessite une révision des règles d’éthique et de conflits d’intérêts. Ces affirmations font suite à la légalité nouvelle de l’allégeance politique des membres du CA a un parti. « Il y a des doutes sérieux de partialité et d’éthique en rapport à la nomination du comité des élections, en même temps que l’implantation de partis politiques dans la FÉUO », remarque Jean-Philippe Dubé, candidat défait au CA pour la Faculté de génie. Il considère essentiel de réévaluer les critères d’impartialité dans la nomination du comité des élections. Le comité des élections de cette année, composé entre autres de Liz Kessler, était soupçonné conflits d’intérêts puisque Mme Kessler briguait aux côtés de Anne-Marie Roy l’an dernier, dans les élections de l’exécutif de la FÉUO. Chris Clarke a officiellement porté plainte contre la présence de Liz Kessler dans le comité des élections, en raison de ce même doute de partialité. Sa requête a été rejetée par le comité des élections, où siège Liz Kessler.

Marc Jan, candidat indépendant défait au poste de vice-présidence aux affaires del’équité, voit les choses autrement. Selon lui, il n’est pas question de fraude, la problématique se situe plutôt dans un manque de rigueur et de méthode dans les élections. Il blâme le trop-plein de pouvoirs du DGE et les failles institutionnelles de la FÉUO qui permettent à un CA biaisé de faire échouer les élections. Il blâme aussi les connexions entre les étudiants ayant travaillé dans la FÉUO et Action étudiante, de sorte que l’information était inégale pendant toutes les élections. Découragé, il présente la possibilité de se battre l’an prochain pour la désaffiliation de son association, tout en assurant sa participation à une Assemblée générale, si jamais Action étudiante respecte ses engagements sur cette question.

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