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Francophonie à l’U d’O : Une minorité invisible aux yeux de la FÉUO

– Charlotte Côté –

Le mois de mars est le mois de la célébration de la francophonie. C’est en tout cas ce que l’Université d’Ottawa (U d’O) tente de faire en y organisant des activités pour souligner la culture francophone. Pour autant, il semblerait que les étudiant.e.s soient moins concerné.e.s par cette célébration : aucun évènement n’a été purement organisé par la Fédération étudiante de l’U d’O (FÉUO). Cette semaine, La Rotonde a donc décidé de s’interroger sur l’importance qu’accorde le syndicat, qui se targue de militer pour les droits des groupes minoritaires, au 32% d’étudiants francophones qui cotisent à son organisation?

Lorsqu’on demande aux étudiants leur avis sur les activités de la FÉUO en lien avec le mois de la francophonie, une seule réponse revient : « Quels évènements ? » En effet, même si 11,200 étudiants sur le campus ont pour langue d’usage le français, aucun évènement n’a été proposé pour eux par la FÉUO ce mois-ci.

Même dans le courriel mensuel envoyé à ses membres, où la Fédération fait la promotion de ses initiatives, pas une seule mention du mois de la francophonie.

Il semblerait cependant que la FÉUO ait aidé pour un évènement. Néomie Duval, gestionnaire des relations avec les médias de l’U d’O, a confirmé que le syndicat étudiant aurait aidé à l’organisation du festival de la poutine, avec le Service de vie communautaire (SVC). Mais la francophonie, vous diront plusieurs, ne se résume pas à la poutine.

Les leaders francophones découragés

Pour Jocelyn Leblanc, représentant de l’U d’O pour le regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), cette situation n’a rien de surprenant : « La FÉUO milite pour plusieurs causes de justice sociale, que je reconnais et que j’appuie, mais elle en laisse d’autres de côté. Les élus ne reconnaissent pas que les francophones en situation minoritaire sont opprimés: c’est vraiment déplorable. »

Le problème est beaucoup plus grand qu’un simple manque d’activités ce mois-ci. Selon lui, il existerait une réelle frustration étudiante : « Il n’y a aucune offre active du service bilingue à l’U d’O. Il ne suffit pas d’employer des gens qui peuvent parler français. Il faudrait que ceux-ci veuillent parler français. » Selon Leblanc, le bilinguisme est perçu comme un fardeau par l’exécutif de la FÉUO : « Une fois le test de bilinguisme passé, ils n’ont plus du tout besoin de s’en préoccuper », affirme-t-il.

« Le bilinguisme, ce n’est pas trop leur fort », renchérit Mariko Sumi, présidente de l’Association de la culture francophone (ACF), un des rares clubs destinés à l’épanouissement des francophones sur le campus. « Le gala des clubs il y a quelques semaines par exemple s’est déroulé uniquement en anglais. En fait, la majorité des activités de la FÉUO sont organisées en anglais. »

Francophones: étudiants de seconde zone

Jonathan Marleau, étudiant en 3e année en développement international et mondialisation, a souvent relevé ce manque de considération pour le français sur le campus de l’U d’O. Ancien membre élu de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FÉCQ) pendant la grève étudiante de 2012, il est particulièrement au fait de la mobilisation étudiante et de ces lacunes : « Sur ce campus, on nous présente le bilinguisme comme cette grande richesse… en anglais ».

La semaine dernière par exemple, au conseil d’administration de la FÉUO, les administrateurs ont débattu pendant une vingtaine de minutes, presque entièrement en anglais, sur une motion pour mieux inclure les francophones dans les corps fédérés. « We need to remember that we have such a large community of francophone on campus », a d’ailleurs remarqué le vice-président aux communication bilingue, Roméo Ahimakin.

« Au début de chaque événement, on se contente de mentionner ‘feel free to express yourself in the language of your choice’ », rappelle Marleau. « Paradoxalement, cela nuit plus qu’autre chose. En tant que franco, à part si on est militant, on ne veut pas être la personne lourde qui ralentit tout le groupe en demandant d’être accommodée. »

Selon Sumi, cette conception de l’anglais en tant que langue universelle et l’organisation de quelques activités uniquement dédiées aux francophones par année aliènent les étudiants francophones et rendent le reste de la population étudiante passive. « Hors des regroupements formels ou informels francophones, personne n’a l’opportunité d’entendre le français, personne n’a besoin de communiquer en français. »

Selon Marleau, il existe un réel « tabou de la francophonie » : tout en étant fier de vivre le bilinguisme formel à l’U d’O, aucun effort concret n’est mis en place pour encourage ou mettre en place un bilinguisme réel. Leblanc acquiesce : « Avec cette culture à l’U d’O, les francophones deviennent des étudiants de second ordre. »

Ce manque de considération a des conséquences. Le représentant du RÉFO émet l’hypothèse que les difficultés de la FÉUO à atteindre le quorum lors de ses Assemblées générales (AG) proviennent en partie de son incapacité à rejoindre les étudiants francophones. « En ignorant nos préoccupations, c’est un tiers de sa population étudiante qu’elle perd », ajoute-t-il.

Quelles solutions possibles?

Un environnement plus bilingue s’organiserait autour d’une plus grande compréhension, selon Marleau : organiser des assemblées, conseils ou congrès une fois sur deux en français; présenter des évènements avec des conférenciers qui s’adressent à l’auditoire dans les deux langues; écrire des courriels aussi précis en français qu’ils le sont en anglais, etc.

Pour Leblanc, l’unité ne fonctionne plus : « On ne se fait pas respecter depuis des années. » Il ajoute : « Je pense que dans les prochaines années, l’élite francophone va commencer à songer à créer une fédération étudiante indépendante où les besoins de la minorité linguistique de l’U d’O seront réellement entendus et respectés. »

Tout au long de cette semaine, La Rotonde a contacté Roméo Ahimakin, vice-président aux services et communications, à maintes reprises pour parler des évènements et initiatives féuosiennes sur la création d’espaces où la culture francophone peut s’épanouir. Ces demandes ont été ignorées. C’est à croire que lorsqu’il est temps de parler de la francophonie, personne au sein de la FÉUO n’est « en mesure » de répondre aux questions, et le seul à l’être disparait.

 

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