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Budget à la loupe : La FÉUO contrainte de serrer la vis, qu’en est-il pour les étudiants ?

6 septembre 2016

Par Yasmine Mehdi

Le 16 août dernier, Rizki Rachiq, vice-président aux finances de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO), faisait adopter son budget auprès du Conseil d’administration (CA). Point saillant :  une réduction des dépenses réelles de près d’un tiers. Décryptage.

S’il est assuré médicalement par la FÉUO et qu’il utilise une carte U-Pass, l’étudiant lambda a mis, en s’acquittant de ses frais de scolarité pour cette session, 700$ entre les mains de sa fédération étudiante. Et si la majorité ne se préoccupe pas des modalités de la gestion de cette somme, il se trouve que quelque chose a changé cette année. Parce que 24 employés de la FÉUO ont perdu leur emploi d’été. Parce que 9 des 12 services de la FÉUO ont fermé leurs portes durant de la saison estivale. Parce que des étudiants exaspérés ont dû attendre des heures pour récupérer leur U-Pass. On dit que la FÉUO a des ennuis financiers; de gros ennuis financiers. Et les nombreuses mesures d’austérité dans le budget de cette année en attestent.

Récit de la plus grande crise budgétaire de l’histoire de la FÉUO

Aux yeux du monde, la situation financière de la FÉUO était totalement en règle jusqu’au 23 mars dernier, date à laquelle le CA a été convoqué pour une réunion d’urgence. Dès lors, le mot austérité est sur toutes les lèvres; des rumeurs comme quoi la FÉUO déclarerait faillite circulent même dans les couloirs de l’Université, sans que personne ne sache comment expliquer cette soudaine panique financière.

Un ancien membre de l’exécutif ayant souhaité demeurer anonyme a tenté de résumer les raisons de cette crise : « Le régime d’assurance médicale en est la cause principale. Au moment où il a été adopté par référendum, son coût ne prévoyait pas d’augmenter avec l’inflation », explique la source. « Au départ, ça ne causait pas de problème, puisque le coût inital était plus élevé que ce que nous devions donner à Greenshield [l’assureur, ndlr] ce qui a créé des surplus pendant quelques années. Sauf qu’éventuellement, avec l’inflation, les étudiants se sont mis à payer moins que ce nous devions à Greenshield. Pendant deux ou trois ans, il y a eu une erreur et les budgets ont été élaborés en considérant que le surplus provenant du régime de santé était toujours là. La FÉUO travaillait donc avec les mauvais chiffres, en croyant qu’il y avait toujours une pile d’argent, alors qu’elle avait disparu depuis longtemps. » Et c’est ainsi qu’en avril dernier, on découvrait que la FÉUO essuyait un manque à gagner de 1,6 million de $.

Concernant le régime d’assurance médicale et dentaire, rappelons que l’an dernier, un référendum a autorisé une hausse des frais de cotisation de 29$ ainsi qu’une hausse annuelle maximale de 8%. Malgré cela, le régime d’assurance médicale fera encore perdre 478 256$ à la FÉUO cette année. Francesco Caruso, actuel vice-président aux communications de la FÉUO explique : « L’augmentation [votée] n’est pas encore assez grande pour couvrir toutes les dépenses, mais a amélioré la situation ». Il assure qu’« à mesure que nous continuerons d’augmenter les prix dans les années à venir […], le régime ne sera plus dans le rouge. »

Une réduction de budget, certes, mais à quel prix ?

« C’est une situation déplorable, les membres de l’exécutif sont aussi frustrés que les étudiants », a déclaré Caruso au sujet des compressions budgétaires avant d’ajouter : « On ne veut pas que les étudiants le ressentent, ou du moins on veut qu’ils le ressentent le moins possible. »

Sauf que de dire que le budget ne changera pas grand chose pour les étudiants semble naïf étant donné la situation actuelle. En effet, mise à part les près de 300 clubs qui se retrouvent sans-le-sou du jour au lendemain et les nombreux postes demeurés vacants [la FÉUO n’a pas fourni de chiffres à cet effet], les étudiants en situation de handicap de même que les francophones pourraient se voir particulièrement touchés par les coupures.

Ainsi, les dépenses du fond d’accessibilité passeront de 51 100 à 15 700$, une réduction d’environ 70% qui ne permettra surement pas à la FÉUO de fournir à autant d’organisateurs d’évènements sur le campus des interprètes en langue des signes ou encore des rampes d’accès. Et c’est sans compter la réduction du budget du Centre pour étudiant ayant une incapacité de plus de 50%.

Pour leur part, les francophones sur le campus pourraient être touchés par la réduction drastique de 95% du budget alloué aux ressources humaines. En apparence secondaire, cette enveloppe est notamment dédiée à la formation des employés, ce qui comprend les cours de perfectionnement de langue seconde. Si Caruso a assuré à La Rotonde que la FÉUO avait fait des efforts cette année « pour que les employés soient bilingues dès l’embauche », il a admis qu’il y aurait « moins de fonds pour les employés unilingues déjà en poste ».

Benjamin Doudard, représentant étudiant de l’U d’O au Regroupement étudiant franco-ontarien ne cache pas son inquiétude à cet effet, lui qui estime que le bilinguisme semble déjà « secondaire à la Fédération étudiante. » « Une réduction de budget est une réduction de services […] pour l’ensemble des étudiants. Cependant, les francophones sont moins d’un tiers à l’Université d’Ottawa, donc malheureusement, c’est sûrement eux qui vont davantage en faire les frais », a-t-il déclaré.

Des compressions budgétaires anticonstitutionnelles ?

Adam Gilani, v.-p. aux finances en 2012-2013, soulève une autre inquiétude : la constitutionalité des compressions. En effet, dans l’article 2.3.1 de la Constitution féuosienne, il est indiqué que « tout changement au montant des [cotisations] […] doit être adopté par référendum. » Les cotisations dont il est question sont celles qui, après un référendum, font en sorte que chaque étudiant donne un montant x pour financer un service, la Centre d’entraide par exemple.

Selon Gilani, cela signifie que si les étudiants ont voté pour donner 1$ au Centre d’entraide, permettant d’amasser un revenu estimé à 87 083$, ce montant devrait être entièrement alloué à ses activités. Toutefois, dans le budget de cette année, seuls 57 101$ seront dépensés par le Centre, permettant à la FÉUO d’empocher les 29 982$ de surplus. L’étudiant en common law est inquiet que ces mesures créent un précédent : « Si l’exécutif peut aujourd’hui dire ‘Nous ne donnons pas d’argent à ce service malgré le référendum’ sans craindre de répercussions, qu’est ce qui empêcherait quelqu’un d’arrêter de financer un service pour des raisons politiques ? »

En réponse à cette inquiétude, Caruso a rappelé l’urgence de la situation : « Faisant face à une situation singulière et sans précédent, le v.-p. aux finances, en consultation avec le département de comptabilité, a décidé de ne pas épuiser la totalité des fonds alloués à chaque service pour cette année académique afin de s’assurer que nous ayons les fonds nécessaires pour garder les services ouverts l’été prochain. »

Ainsi, si une chose est sûre, c’est qu’il y aura moins de fonds, donc moins d’événements, moins de personnel et un personnel moins formé. Si tout se passe comme prévu, la FÉUO devra conclure l’année 2017 en empochant un surplus de 727 314$, assez pour commencer à se remettre à flot. Or, selon un membre du Conseil d’administration, il serait trop tôt pour crier victoire : « On nous a dit qu’il faudrait encore environ quatre ans avant un retour à la normale, donc les prochaines années seront un peu serrées. » À suivre.

7 Chiffres clés

Administration : 254 551 à 171 100 (-33%)

Campus life : 249 714 à 99 950 (-60%)

Fond d’accessibilité : 51 100 à 15 700 (-70%)

Marketing et promotion : 178 800 à 90 435 (-50%)

Ressources humaines : 189 340 à 10 300 (-95%)

Campagnes : 31 500 à 0

Contribution de la FÉUO (clubs, élections, conseil d’administration, marketing, vie sociale, campagne, philanthropie, Semaine 101) : 1 080 694 à 0

Les 4 020 930$ disparus

En regardant le rapport de l’auditeur indépendant de 2014-2015, on constate que la FÉUO avait 4 020 930$ d’encaisse, donc de liquidités, le 30 avril 2015. Où sont passés ces millions ? L’auditeur se serait-il aussi trompé ? Il faudra attendre le prochain rapport pour avoir des réponses.

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