
Femmes d’influence : communauté artistique selon Rose Clancey
Entrevue
Par: Maeve Burbridge, journaliste
Rose Clancey est une étudiante à la maîtrise en histoire se spécialisant dans le parcours des femmes transgenre dans l’histoire. En plus d’avoir fait partie de l’exposition Trans Genre en septembre dernier, Rose publie fréquemment des créations littéraires portant sur l’identité de genre. La Rotonde s’est entretenue avec l’étudiante.
La Rotonde : Pouvez-vous m’expliquer les enjeux auxquels vous faites face en tant que femme appartenant à la communauté LGBTQ2S+ dans la communauté artistique ?
Rose Clancey : J’ai toujours travaillé dans un domaine créatif, mais je trouve qu’avant ma transition, je me sentais plus confiante quand venait le temps de montrer mes oeuvres au public, parce que je ne pensais jamais que mon travail devait représenter tous les hommes. Maintenant, quand je travaille sur un projet, je me remets toujours en question. J’ai peur qu’en voyant mon travail, les gens vont mal l’interpréter et avoir une idée négative des femmes trans en général. Je sens la pression d’être porte-parole pour une communauté au complet. Ça fait que je me mets en doute constamment et je questionne tous les détails.
LR : Alors trouvez-vous que vos oeuvres sont souvent mal interprétées ?
RC : Je ne sais pas. Quand c’est un groupe de personnes qui apprécient mes oeuvres, j’ai aucun moyen de savoir s’ils m’ont mal interprétée. Si c’est une personne spécifique, je suis plus en mesure de voir comment on interprète les divers aspects. Ce doute a ses origines dans ma vie quotidienne, parce que j’ai constamment besoin de m’expliquer. Il y a beaucoup de gens qui ne savent rien de la communauté LGBTQ2S+ ou les enjeux auxquels font face les personnes trans. On frôle la ligne de ce qui est considéré normal pour beaucoup de gens et je ne veux pas leur donner de fausses idées sur notre communauté. Il faut trouver un juste milieu entre la création d’art qui parle à la communauté LGBTQ2S+ et trans, mais qui est accessible pour les personnes qui n’ont pas eu beaucoup de contact avec cette communauté, qui n’ont peut-être jamais lu d’oeuvres écrites par une personne ouvertement transgenre. C’est pas facile à faire.
LR : Croyez-vous que vos études ont influencés votre travail créatif ?
RC : Oui, sans doute. Mes études et mon travail créatif sont entremêlés. Avant ma transition, j’étudiais des journaux coloniaux du XVIIe siècle. Au fil de ma transition, j’ai commencé à me demander comment les gens comme moi ont vécu dans le passé, comment ça se fait que les gens trans sont capables d’être ouvertement, publiquement trans maintenant mais pas avant ? Ça m’intéressait beaucoup d’un point de vue créatif et académique.
LR : Trouvez-vous que la scène artistique est particulièrement ouverte aux femmes LGBTQ2S+ et transgenre ?
RC: Je ne peux pas parler pour tout le monde. En plus, presque tous les artistes avec qui je travaille font partie de la communauté LGBTQ2S+. Mais ils m’ont ouvert l’esprit à l’idée que je pouvais faire du travail créatif pour un public. Ils sont des gens incroyables, les artistes LGBTQ2S+ que je connais. J’ai aussi grandi dans une famille très artistique, et c’était les gens dans ma vie qui étaient les plus enthousiastes quand je suis sortie comme ouvertement transgenre. Ils étaient vraiment géniaux. Je dirais qu’en général, la communauté artistique est très dynamique. Il y a toutefois le côté un peu renfermé dans les galeries bourgeoises. Je n’ai pas vraiment affaire avec ces gens-là. Mais je connais bien des artistes LGBTQ2S+ qui doivent travailler dans ce genre d’environnement, et d’après eux ce n’est pas plaisant d’être une personne trans ou LGBTQ2S+ dans ce genre d’environnement. Mais je pense que c’est probablement mieux pour les personnes LGBTQ2S+ dans la communauté artistique que dans d’autres domaines. Les artistes sont généralement assez ouverts d’esprit, créatifs et ouverts aux nouvelles idées.