– Par Lysane Caouette –
Marcher d’un pas pressé dans un centre commercial, puis s’arrêter pendant un court moment dans la librairie du coin. Revisiter la librairie que l’on affectionne particulièrement, ou bien découvrir celle où l’on n’a jamais mis les pieds. Laisser sa curiosité nous guider vers ces couvertures qui attirent notre œil. Plonger tranquillement dans les livres de nos sections préférées. À qui n’est-ce jamais arrivé? Malgré l’emploi du temps chargé des étudiants, la plupart aiment bien s’octroyer un instant pour se détendre d’une longue journée. Pour certains, c’est un véritable lien d’amour que de fréquenter les librairies qui se trouvent sur leur passage. Pour d’autres, ce ne sont que des visites passagères.
Le marché littéraire a pris de l’expansion depuis les dernières décennies. Les points de rencontre ne se limitent plus aux bibliothèques municipales ainsi qu’aux petites librairies de sous-sol dirigées par la dame du village passionnée de littérature. Avec les années, ces petits magasins qui ont commencé avec très peu de moyens ont su répondre aux besoins de leur communauté. Ils ont débuté avec la distribution de dictionnaires, de grammaires, et d’autres livres scolaires aux écoles environnantes. Puis, changement de local : on transfère ces étalages de livres du sous-sol à un petit local. Tranquillement, la librairie fait sa renommée : elle devient une source où les citoyens parlant la langue de Molière peuvent puiser.
C’est ainsi que la fondatrice de la librairie francophone indépendante Du Soleil a fait sa place sur le marché littéraire québécois ainsi que franco-ontarien. Aujourd’hui, les étalages de la librairie se retrouvent à la succursale connexe, celle située au 33 rue George, dans le Marché By. « À l’époque, c’était intéressant puisque c’était la deuxième librairie francophone à Ottawa. », raconte Keira Garneau, une jeune étudiante qui travaille au commerce.
Les librairies francophones d’Ottawa-Gatineau comme celles du Centre, du Soleil, Réflexion, et d’autres petites librairies spécialisées comme l’Essence-Ciel, font face à un marché vaste sur le plan linguistique et culturel. Les grandes surfaces, comme Chapters, Wal-Mart ou bien Costco, occupent une grande place sur le marché de vente de livres, éclipsant les librairies locales, et par ricochet, les auteurs franco-ontariens.
Cependant, cela ne doit pas demeurer une raison de les bannir, puisque les prix offerts encouragent les gens à pratiquer la lecture, soutient le président de l’Association des auteurs et auteur(e)s de l’Outaouais, Gaston Therrien.
Le directeur général de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français, Yves Turbide, croit que les institutions francophones devraient passer leurs commandes de livres chez les librairies indépendantes. Cela aiderait les librairies à se faire connaître plus facilement sur le marché, en plus de leur donner des ventes sûres. Cependant, le directeur ajoute que si ces commandes sont passées dans des magasins où le coût des fournitures est moindre, les librairies ne pourront pas se faire valoir contre les rabais qu’offrent Wal-Mart ou Costco.
M. Turbide souhaite que l’Ontario puisse se doter d’une politique du livre. Cela permettrait sur plusieurs plans la protection de l’identité franco-ontarienne, par exemple en incluant la littérature franco-ontarienne dans les institutions scolaires, en encourageant la promotion des auteurs d’ici, ainsi qu’en incluant un minimum d’étalages de livres francophones de l’Ontario. Il affirme que les librairies sont une véritable source identitaire et culturelle pour une communauté, spécifiquement pour les francophones d’Ontario qui baignent dans un bassin majoritairement anglophone. Yves Turbide se réfère au rapport de Lord Durham de 1840 à l’égard des Canadiens-Français comme raison de lutter pour protéger la culture franco-ontarienne.
« C’est la raison pour laquelle il est important d’avoir des librairies. On ne veut pas que de telles paroles surgissent encore. On a une littérature, il faut qu’elle rayonne, il faut qu’il y ait des librairies, et elles doivent être accessibles.
Pour la librairie Du Soleil, c’est le vaste choix de produits offert aux clients qui la distingue des magasins à grande surface. « Dans une librairie comme Archambault ou Renaud-Bray, ils ne peuvent pas avoir un éventail aussi poussé qu’ici. Ils s’en tiennent aux grands titres. Ils ne peuvent avoir un éventail aussi large qu’une librairie comme nous pouvons nous permettre. »
Il y a des décennies, personne ne pouvait prévoir que le moyen diffuseur du livre, c’est-à-dire le papier, ne serait plus seul. En effet, le livre électronique a apporté une approche différente quant à la lecture d’un ouvrage. Pour David, étudiant de l’École de technologie supérieure, le livre électronique, dit « liseuse », a révolutionné son passe-temps. « J’étais le premier à avoir des préjugés sur le livre électronique. Pourtant, je ne peux plus m’en passer. […] J’ai été surpris d’aimer utiliser une liseuse, car je me suis toujours dit que j’avais besoin de mes pages à tourner. »
L’opinion n’est cependant pas partagée du côté de la jeune libraire Keira Garneau, qui entame un Baccalauréat en littérature française à l’Université d’Ottawa. « Pour moi, les livres électroniques ne me disent rien. », avoue-t-elle. Elle ajoute qu’une majorité de gens ont été, comme elle, habitués au livre copie papier, et aussi attachés à l’odeur des livres, et au fait de collectionner les bouquins dans la bibliothèque du salon. Selon elle, la génération d’adolescents ne ressentira peut-être plus ce lien d’intimité qu’apportent les livres. « Pour les jeunes, ce sera plus difficile à les convaincre de la beauté du livre. »