
Explorons Ottawa : Orléans | Carrefour historique d’une francophonie perspicace
– Par Samuel Poulin –
Selon plusieurs, Orléans, banlieue orientale de la capitale nationale, se veut le théâtre d’une communauté partagée à l’amiable entre francophones et anglophones, où priment la sécurité, l’épanouissement culturel et l’harmonie. Jadis une paroisse canadienne-française, le village d’Orléans ne s’est pas développé de bric et de broc pour autant, étant maintenant un secteur de la ville d’Ottawa en pleine croissance paisiblement effervescente. Historique et portrait d’une banlieue bilingue d’une part et d’autre justifiée par la tradition et la prospérité.
Au dernier recensement, Orléans jouissait d’une population de près de 110 000 habitants. À l’image de sa métropole, sa qualité multiculturelle fait montre d’une expansion prometteuse, où commerces et industries fleurissent de plus en plus. Au seuil de l’agglomération d’Ottawa et à cheval entre le quartier de Gloucester à l’ouest et le village de Cumberland à l’est, ses horizons au sud sont toujours vierges, de quoi établir qu’Orléans n’a point fini son développement.
« Je me rappelle lorsque je suis me suis installée ici, Orléans n’était qu’un petit village avec une rue principale », confie Julie Desbiens, résidente de la communauté depuis 1982, en référant le boulevard St-Joseph. Or, si celui-ci agissait à titre d’artère principal il y a 30 ans, c’est bien car c’est là que tout a commencé.
De paroisse à banlieue de choix
À ses tout débuts, Orléans était mieux connu sous le nom « Saint-Joseph d’Orléans ». C’est François Dupuis, natif de Lorraine en France, qui, en 1827, fonda la Paroisse Saint-Joseph d’Orléans, sise sur la rue qui portera le même nom. Officier de l’armée britannique, Dupuis obtint du Colonel By une concession au sud de la rivière des Outaouais et y établit une des premières communautés francophones à l’est de Bytown. Alors que les seigneuries basse-canadiennes commençaient à déborder, mi-XIXe siècle, et que la construction du canal Rideau attirait plusieurs Canadiens-Français du Bas-Canada puis du Canada-Est, certains francophones optèrent de s’établir à Orléans. Parmi ces premiers colons, plusieurs familles, notamment les Drouin, les Dupuis, les Major, les Rocque, les Charbonneau, les Potvin, pour ne nommer que ceux-là, étaient originaires de l’île d’Orléans, justifiant le nom que portera leur communauté.
Pour un siècle et demi, Orléans demeura ainsi le berceau francophone de la région. Mais les années 1960 seront celles de changements définitifs. L’arrivée d’anglophones et d’immigrants contribuera à ce dépaysement. Rapidement, ce qui était naguère un village francophone devint une banlieue en plein essor. En 1979, le grand centre commercial de la Place d’Orléans ouvre ses portes et agira à titre de moteur économique de la communauté. Puis au tournant du siècle, alors que les quartiers résidentiels se multiplient, la rue Innes a pris le relai dans les activités commerciales de la région, témoignant de l’expansion sud de la banlieue.
Des institutions francophones bien ancrées
De par sa localisation entre la région francophone de Prescott-Russell et la ville d’Ottawa, il reste qu’Orléans était la banlieue de choix pour plusieurs francophones de la capitale nationale. Toutefois, la survie du fait français était loin d’être assurée. Ne représentant qu’un tiers de la population, les francophones d’Orléans ne sont plus en position dominante. Il y a une vingtaine d’années, une lutte opposant les francophones d’Orléans à son gouvernement provincial a été remportée afin que l’accent aigu du « e » d’Orléans soit officiellement reconnu.
« C’était très importants pour certains Franco-Ontariens », raconte Mme Desbiens au sujet de cette bataille, qui a d’ailleurs obtenu mention dans l’hymne franco-ontarien de Paul Demers, « Notre place ». « Grâce à cela, en 2015, même si les francophones n’occupent pas une place aussi importante à Orléans, c’est comme si on préservait notre qualité francophone. Pour plusieurs, je suis sûre qu’Orléans restera toujours dans leur esprit une ville francophone, peu importe le pourcentage de francophones par rapport aux anglophones », concède-t-elle.
La présence francophone à Orléans se fait également ressentir dans les organisations propres à la communauté francophone de la région. Au fil des années, Orléans s’est munie de plusieurs institutions nécessaires à la collectivité francophone. Parmi celles-ci, nulle n’est aussi reconnue que le Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO). Créé en 1979 pour renforcir les intérêts francophones alors que les anglophones occupaient une place de plus en plus prédominante, le MIFO n’a jamais eu de cesse d’assurer l’épanouissement de la communauté qu’elle représente, organisant une panoplie d’activités et de ressources en matière artistique et culturelle.
Récemment construit, le Centre des Arts Shenkman vient s’inscrire dans la liste d’institutions soutenant la communauté francophone d’Orléans. À quelques pas de la Place d’Orléans, des spectacles francophones, plusieurs organisés par le MIFO, font foi des talents artistiques en la langue de Molière.
« L’avenue du Centre Shenkman fait du bien », souligne Marc Castonguay, également résident d’Orléans. « Les gens n’ont plus à se déplacer bien loin pour apprécier des spectacles en français. Nous avons accès à des prestations culturelles présentées dans notre cours ».
Si la présence du MIFO et du Centre des Arts Shenkman s’occupent des activités artistiques de la région, les francophones jouissent également d’institutions civiles importantes qui ne sont pas près de partir. L’Hôpital Montfort, une gamme d’écoles francophones et la venue d’une deuxième paroisse, celle de Sainte-Marie d’Orléans, témoignent du fait que la francophonie fait bel et bien partie de l’avenir prometteur de la communauté.
La dualité linguistique d’Orléans n’empêche qu’il y règne dans la banlieue une harmonie propice à l’épanouissement. D’ailleurs, la grande majorité des francophones y sont bilingues. Mais il ne faut pas croire qu’ils ne sont pas fiers de leur qualité linguistique. Orléans continue d’être un centre efficace dans l’épanouissement de la francophonie en Ontario et contribue grandement au renouvellement de la communauté franco-ontarienne.