– Par Léa Papineau Robichaud –
En exclusivité et avant la première à Ottawa de la pièce de théâtre Visage de feu, mise en scène par le professeur du Département de théâtre de l’Université d’Ottawa, Joël Beddows, La Rotonde vous présente une entrevue avec Joannie Thomas, l’une des comédiennes de le pièce.
Cette pièce est le résultat d’une collaboration entre le Théâtre Escaouette du Nouveau-Brunswick, le Théâtre Blanc de Québec et le théâtre français du Centre national des arts (CNA). Elle sera présentée du 30 octobre au 3 novembre au studio du CNA.
La Rotonde : Peux-tu me parler un peu de ton expérience dans ce projet?
Joannie Thomas : C’était un stress de travailler avec des gens qu’on ne connait pas et des gens qui travaillent beaucoup dans le milieu et qui ont de l’expérience. Aussi, ni moi, ni Diane, n’avions travaillé avec Joël [Beddows], qui est d’Ottawa. Ça été une belle découverte, parce qu’il a une technique et un style très différent. Juste la pièce a un univers vraiment particulier. L’univers est vraiment poétique aussi. Chaque mot a sa place, chaque mot est voulu. Toutes les idées sont fermées, donc c’est très précis et en même temps très poétique dans sa précision. On s’est rencontrés toute l’équipe pour la première fois au Carrefour théâtre à Québec et pendant une semaine on a travaillé le texte et on a essayé de voir ce que c’était. Quand j’ai passé les auditions, je me disais vraiment : « C’est quoi cette affaire-là? Qu’est-ce que je dis? » C’est vraiment hors de notre monde. En même temps, c’est ce qui m’intéressait, parce que c’est un projet qui est vraiment différent. Ce n’est pas du théâtre conventionnel. C’est un style qui choque et c’est le genre de pièce que j’aime voir, donc c’est l’fun de pouvoir participer à ce projet-là.
LR : Comment s’est déroulée la collaboration entre les différentes compagnies de théâtre?
JT : Toutes les pratiques se sont déroulées à Moncton. Comme c’est une coproduction, et c’est ce qui est bien des coproductions, c’est qu’il y a plus d’argent. Ça permet d’avoir du financement pour héberger des comédiens d’ailleurs. Veut, veut pas, il y a tellement de coupures dans le milieu des arts. Je ne sais pas ce que c’est pour les autres domaines artistiques, mais en théâtre, je crois que les subventions n’ont pas changés en 15 ans. Ce sont les mêmes montants qui sont donnés, mais le coût de la vie a augmenté. Joël [Beddows], ça fait je crois sept ans que ça lui trotte dans la tête ce projet-là et il ne voulait pas que l’argent devienne un problème. Il voulait vraiment pouvoir se laisser aller dans ce projet-là et l’apporter où il voulait l’apporter.
LR : La pièce va avoir été présentée plusieurs fois et dans trois différentes villes. Comment trouves-tu le fait de jouer plusieurs fois la même pièce?
JT : C’est bien. Quand tu pratiques un show comme ça, tu veux que ça dure longtemps. Ma première production, on l’a faite seulement trois fois. C’est un peu dommage parce que tu mets tellement de temps là dedans et tu t’investis. C’est de l’énergie, parce que c’est physique, mental, psychologique et émotionnel. Tu te dévoues là-dedans pendant environ un mois, même des fois plus, puis tu fais un show. Tu te dis souvent que ça aurait valu la peine d’en faire plus. Aussi, le show change à force de le faire. Quand on le rode longtemps, on peut voir ce qui marche et ne marche plus, donc le show évolue en même temps que nous on évolue.
LR : Tu viens tout juste de graduer de l’Université de Moncton en art dramatique. Comment te sens-tu de participer à cette importante coproduction?
JT : Je suis aux anges! Je n’aurais pas pu demander mieux. Je suis vraiment chanceuse. Je n’aurai pas toujours des conditions de travail aussi bonnes. C’est une chance en or de faire ça maintenant et j’espère que ce projet-là va en faire débouler d’autres et que je vais continuer de faire ce que j’aime. Ce n’est pas un milieu qui est facile et c’est très compétitif.
LR : Selon toi, quel serait le message que l’auteur a essayé de passer en écrivant cette pièce de théâtre?
JT : Je pense qu’il y a plusieurs messages qui se rapportent à la pièce. Premièrement, c’est une critique de la société. Pour reprendre ce que Joël disait, c’est que la normalité a un danger. On voit grandir Kurt et Olga dans un univers normal, la maison normal, les parents normaux, la ville normale. Tout est beau, tout est parfait. La pièce raconte le danger que ça peut avoir cette normalité-là. La pièce se rapporte aussi à la sédentarité. Le rêve de personnes « normales » c’est d’avoir une maison, une famille, une belle auto, un petit jardin. Le rêve de la société, si on peut dire, c’est ce parfait petit monde-là. Kurt et Olga, ce sont deux adolescents comme les autres qui veulent quelque chose de différent, qui ne veulent pas vraiment adhérer à cette version normale de la vie, à ce monde parfait, parce que c’est un monde qui est plate. C’est une critique aussi de la façon d’éduquer ses enfants. Parce qu’il y a plusieurs choses qui se passent entre Kurt et Olga qui ne sont vraiment pas supposées se passer dans une famille. Il y a quand même une relation incestueuse et les parents c’est comme s’ils ne veulent pas agir. Ils ne veulent pas voir ce qui se passe. L’inaction des parents va aggraver la situation.