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Essai controversé : Le congé de maladie de Couture sème des doutes

– Par Élise Vaillancourt –

Coécrit par Jean-Pierre Couture, professeur à l’École de sciences politiques à l’Université d’Ottawa (U d’O) et Jean-Marc Piotte, professeur retraité de sociologie à l’UQAM, l’essai Les nouveaux visages du nationalisme conservateur au Québec, a fait couler beaucoup d’encre depuis sa publication en septembre dernier. Mal reçu par certains membres de l’intelligentsia québécoise, l’ouvrage serait à l’origine de plusieurs plaintes à l’égard des deux auteurs, notamment de la part du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités de l’U d’O (CIRCEM). Cette semaine, La Rotonde apprenait que M. Couture prenait un congé de maladie jusqu’au 14 mars prochain. Plusieurs rumeurs suggèrent que ce congé serait associé à la mauvaise réception de l’essai par la communauté universitaire.

La dénonciation d’une « maison » d’intellectuels nationalistes conservateurs au Québec

La thèse défendue par Jean-Pierre Couture et Jean-Marc Piotte est la suivante: un réseau d’intellectuels nationalistes conservateurs tenterait, « au nom d’un passé mythifié et d’une nation surplombante et divinisée, [de] liquider l’héritage des multiples luttes pour la liberté, l’égalité et la solidarité qui ont traversé le Québec. »

Cinq critères permettent de définir le nationalisme conservateur, tel que conçu par les auteurs: le passéisme, la critique conservatrice de la modernité, le rejet ou l’oubli des sciences sociales, l’épistémologie idéaliste et l’euphémisation du vocabulaire conservateur. Ces critères permettent d’identifier les six têtes d’affiches de la « maison » de pensée qui seraient Jacques Beauchemin, Joseph-Yvon Thériault, Éric Bédard, Marc Chevrier, Gilles Labelle et Stéphane Kelly.

Un débat qui n’a pas eu lieu

 Selon Xavier Dionne, candidat au doctorat supervisé par M. Couture, l’objectif de l’ouvrage était de préparer le terrain à un débat d’idées. En réalité, ce débat n’a pas eu lieu: « Plusieurs des personnes identifiées ou des gens qui évoluent autour de ces derniers ont perçu [l’ouvrage] comme une attaque envers [les six individus]. Il y a un climat malsain qui s’est installé [à l’Université] à la suite de la publication du livre », ajoute-t-il. «À la discussion et au débat, ils préfèrent des démarches de répression. C’est une chasse aux sorcières», dénonce M. Piotte.

En septembre dernier, le CIRCEM a publié une réplique aux auteurs. Dans l’ouvrage de M. Couture et de M. Piotte, le directeur de recherche du CIRCEM, Gilles Labelle, avait été identifié comme un des penseurs de la « maison idéologique ». « Nous sommes en présence d’un pamphlet polémique voire falsificateur par endroits, qui non seulement fait dire un peu tout et n’importe quoi aux auteurs incriminés dans le seul but de les discréditer, mais se porte même parfois au-delà de la limite de l’acceptable allant jusqu’à accuser certains – sans gêne ni preuve autre que des interprétations pauvres, tordues et faussées de leurs écrits – de flirter avec l’autoritarisme», peut-on lire dans la critique faite par le CIRCEM.

Par le truchement de l’Observatoire des nouvelles pratiques symboliques (ONOUPS), les auteurs ont répondu aux critiques du CIRCEM et ont appelé à débattre publiquement du discours tenu dans leur livre. « Si […] les auteurs trouvent que cette mouvance est hautement condamnable et qu’ils s’en dissocient, nous serions très heureux de lire leur propre critique du conservatisme », peut-on lire.

Marc Chevrier, professeur au département de science politique de l’UQAM, serait le premier à avoir critiqué le travail des deux auteurs, selon M. Piotte. À l’UQAM, M. Piotte a dû se présenter à trois reprises devant l’Assemblée départementale de sciences politique, où M. Chevrier ne’auraitreçut aucun appui dans son processus de plainte. « [M. Chevrier] s’est alors tourné du côté de l’U d’O pour faire une plainte au doyen de la Faculté des sciences sociales. [Depuis octobre dernier, il réitère sa plainte] à toutes les trois semaines», explique M. Piotte. « C’est dur à prendre et c’est du harcèlement », martèle le sociologue québécois. À l’interne, plus récemment, un collègue se serait plaint que M. Couture montait les étudiants contre lui, selon M. Piotte.

Un congé de maladie préventif à un renvoi?

« Il y a beaucoup de rumeurs qui courent à l’Université et qui viennent faire le lien entre les plaintes et le congé de maladie de Jean-Pierre [Couture]. Je ne peux pas dire si c’est relié ou non et je ne connais pas la raison pour laquelle il est en congé de maladie», explique M. Dionne.

Cela laisse supposer que les plaintes faites à l’administration étaient suffisamment importantes pour que M. Couture risque de perdre son emploi et choisisse plutôt de prendre un congé de maladie de quelques semaines, afin de réduire les tensions.

« Je comprends que c’est très difficile pour lui d’enseigner avec ses patrons sur le dos. Si vous regardez dans les normes de l’Organisation du travail, ce qui se passe avec Jean-Pierre Couture en ce moment, c’est du harcèlement », prétend M. Piotte.

L’administration de l’école de sciences politiques ne s’est pas prononcée sur la situation, puisque l’absence pour cause de maladie recèle de la vie privée de l’individu.

« Qu’on critique le travail de Couture est tout à fait souhaitable, mais qu’on critique le fait qu’il a écrit ce livre, ça vient limiter la liberté académique. Évidemment qu’il a des positions controversées, mais c’est le rôle de l’Université de permettre un débat d’idées. S’il s’avère que l’Université a une approche plutôt répressive à la publication du livre de Jean-Pierre [Couture], c’est dommage [pour ce que] représente l’institution universitaire », dénonce M. Dionne. Ce dernier a repris l’enseignement du cours Conservatisme et néoconservatisme (POL 4540) suite au départ de M. Couture, lundi dernier.

Il n’est pas possible de contacter M. Couture avant la fin de son congé de maladie. De plus, l’accès aux procès-verbaux du syndicat des professeurs est restreins aux membres du comité exécutif.

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