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Entrevue avec Gabriel Nadeau-Dubois : Démocratie et agoraphobie

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– Par David Beaudin Hyppia –

Gabriel Nadeau-Dubois, l’ancien porte-parole de la CLASSE et auteur du livre Tenir Tête, est venu faire une conférence au Cégep de l’Outaouais Félix Leclerc, jeudi dernier, ainsi qu’une présentation au Salon du livre de l’Outaouais, samedi dernier. La Rotonde s’est entretenue avec l’activiste étudiant pour lui poser quelques questions.

LR : Dans votre livre, vous faites référence au concept d’agoraphobie, qui est la peur de la masse ou des mouvements populaires. Comment ce concept a-t-il pris forme durant le printemps étudiant et quels sont les acteurs qui l’ont incarné?

Agoraphobie, ça peut sembler être un gros mot, mais c’est une idée assez simple. C’est une description de la démocratie qui est très restrictive, qui réduit la démocratie à une procédure privée et passive et très circonstanciée. On l’a vue de plusieurs manières. Par exemple, la réaction des médias face au fonctionnement des assemblées générales, qui a été décrit comme tout sauf démocratique. Le fait de devoir débattre et d’interpeller les différentes positions y était vu comme de l’intimidation. On l’a vue aussi dans la réaction face à la grève. Beaucoup de gens disaient « arrêtez de manifester, allez voter ». Moi je me suis fait dire littéralement : « la démocratie c’est le vote et entre les élections, il faut laisser le gouvernement gouverner et si vous n’êtes pas contents, vous avez juste à voter pour quelqu’un d’autre à la prochaine élection ». Ce sont ces deux réactions médiatiques qui ont le plus incarné l’idée d’agoraphobie. Tout cela a culminé sur l’adoption de la loi spéciale [La loi 78] qui venait concrétiser cette idée-là.

LR : Pourquoi utilisez-vous un ton narratif tout au long de votre livre?

Je voulais un livre qui était accessible. Je n’écrivais pas pour les militants, j’écrivais même pour tout le monde sauf les militants, mais surtout pour les gens qui n’étaient pas dans le mouvement et qui veulent réfléchir et qui veulent comprendre. Je n’ai pas envie de parler aux carrés rouges, on est déjà d’accord! Ça a l’air brusque, mais je voulais parler à ceux qui ne sont pas sûrs de leur position. C’est pour ça que je voulais que ce soit un livre accessible. Je ne voulais pas que ce soit un livre théorique, lourd ou aride, je voulais que ce soit fluide, pas comme un roman, mais pas loin. Je voulais mélanger l’essai à la narration, sans tomber dans la biographie. C’est un essai politique sur un ton personnel et narratif, ce n’est pas une ligne facile à trouver mais je pense que j’y suis pas si mal arrivé. C’était pour moi une stratégie d’écriture pour que les gens aient du « fun » à le lire.

LR : Comment fait-on pour ne pas tomber dans la nostalgie quand on écrit sur la période de la grève étudiante?

C’est sûr que c’est difficile, parce qu’il y a eu des moments tellement forts. C’est facile de tomber dans la nostalgie ou encore dans la commémoration, d’avoir un rapport presque muséologique du mouvement. Je me suis dit que l’important dans cette grève-là, c’est de comprendre ce qu’elle peut nous dire sur ce qui s’en vient, sur l’état du Québec, ce qu’elle nous dit sur nos médias, ce qu’elle nous dit sur notre système de justice, ce qu’elle nous dit sur nos universités, sur notre classe politique. C’est ça le fil conducteur du livre et donc de faire un diagnostic pour voir les forces en présence qui vont vers l’avant. Qu’est-ce que la grève nous enseigne pour aller de l’avant? L’idée ici c’est justement de dire que ce n’était pas parfait. Il ne faut pas devenir obsédé avec ce mouvement et il ne faut surtout pas tenter de le répéter de la même manière qu’il s’est produit à ce moment-là, parce que les enjeux seront nécessairement différents plus tard.

Lisez la suite dans la prochaine édition du 10 mars.

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