
Entrevue avec Aminata Farmo : Grève de la faim à l’U d’O pour l’éducation
– Par Alex Jürgen Thumm –
Activiste et artiste, la Gatinoise Aminata Farmo réclame la libération des 234 lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria, le 14 avril dernier, et fait la promotion de l’éducation des filles dans les pays pauvres. Présente à l’Université d’Ottawa, elle mène une grève de la faim depuis le 1er février, organise une pétition destinée au premier ministre et encourage les étudiants à prendre leurs propres actions. Mme Farmo aura une table au Centre universitaire du 23 au 27 février.
La Rotonde : Qu’est-ce que votre campagne?
Aminata Farmo : C’est à propos de l’éducation des filles. Le titre, c’est « Éduquer une fille, c’est éduquer toute une nation ». Il est prouvé par des statistiques de l’ONU qu’éduquer une fille, ça change vraiment toute une communauté parce que c’est la future mère, autant de garçons que de filles, et elle saura c’est quoi le bénéfice d’aller à l’école. L’éducation aide contre la pauvreté, l’ignorance et le taux de malades et d’épidémies. Partout dans le monde, les filles sont confrontées à une double discrimination en raison de leur sexe et de leur âge, les laissant au bas de l’échelle sociale. J’espère pouvoir un jour créer un plan pour que ces filles obtiennent une éducation, des compétences et le soutien dont elles ont besoin pour sortir de la pauvreté et entrer dans un monde qui leur offre des opportunités.
LR : Qu’avez-vous fait jusqu’à ce jour et pourquoi?
AF : Je suis artiste professionnelle, je fais de l’art pictural et étudie à la Ottawa School of Art, n’empêche que je suis très active. Je suis très touchée par les injustices dans le monde.
Comme tout le monde, j’ai su ce qui est arrivé le 14 avril dernier dans la ville de Chibok, au Nigéria. Il y a des terroristes de Boko Haram, qui sont d’ailleurs contre l’éducation occidentale, qui ont enlevé 234 filles, dont 76 ont pu s’enfuir. Ça m’a vraiment touchée. Je me suis dit : « en tant qu’artiste, qu’est-ce que je peux faire? ». Je suis performeuse. J’utilise mon art et ma personne pour faire des trucs. En juin dernier, j’ai fait une robe avec les photos qui sont reliées aux filles et j’ai passé 30 jours sur la Colline parlementaire [à] la porter. J’ai beaucoup aimé ça, mais je pensais qu’après ça, ils allaient les libérer. Je sais que le Canada y a envoyé des troupes, mais il n’y a rien qui est arrivé. Donc au mois d’août, je suis partie de Gatineau en compagnie d’un ami militant et on a fait six jours de marche, de Gatineau à Montréal, pour amener les médias à ne pas oublier.
Après cette marche, j’étais épuisée. Écoutez, c’était extrême ce que j’ai fait. On est rendu au mois de février et je voulais mettre plus d’emphase sur la situation. J’ai décidé de faire une grève de la faim d’un mois. J’ai faim! J’essaie d’avoir de la compassion avec ces filles-là, je prends juste des actions avec les moyens que j’ai pour inspirer. Si je peux faire une démonstration de ce qui est possible, avec l’intégrité, tout le monde est capable de faire ça. Juste parce que moi je suis capable de faire une grève de la faim, ça ne veut pas dire qu’on est obligé d’aller jusque-là.
Je fais aussi une pétition que je vais donner au premier ministre. Je collectionne des signatures au Centre universitaire ce mois-ci. Les gens sont très réactifs, surtout au pavillon des sciences sociales (FSS). La première semaine, mon Dieu, en plus les étudiants demandent toujours ce qu’ils peuvent faire. Ils m’ont donné plein de bonnes idées. […] Je tiens à dire que les étudiants ici m’ont vraiment inspirée. Je pensais les inspirer, mais ce sont eux qui m’inspirent. J’admire beaucoup Mandela, il est une démonstration de ce qui est possible quand tu as une vision et agis avec intégrité. On est tous capables de ça.
J’ai eu une table à FSS et au Centre universitaire avec ma pétition et des pamphlets pour expliquer pourquoi je fais ce que je fais, quels sont les bénéfices d’éduquer une fille et les actions que tout individu peut entreprendre. Ça peut être une promotion de sensibiliser les leaders mondiaux, ça peut être une marche, ou un événement. Je donne plein de conseils. Pourquoi est-ce que j’ai choisi l’université comme lieu de campagne? C’est parce que nous sommes jeunes, les futurs leaders de ce monde, et il faut commencer tôt.
Durant la semaine de relâche, il y a moins de gens sur le campus donc je vais continuer la pétition en la circulant un peu partout au centre-ville. C’est bien une grève de la faim, mais je ne tiens pas à m’asseoir derrière une table, je veux aller vers les gens.
LR : Travaillez-vous pour ou avec un organisme?
AF : Non, mais j’étais invitée par une association étudiante, WAYA (West African Youth Association), c’est grâce à eux que je suis ici. Mais je suis là de façon indépendante. Je fais avec ce que je peux.
LR : Qu’avez-vous prévu de faire après ce mois et votre grève de la faim?
AF : J’ai déjà une idée, mais je ne peux la partager. Je veux en tout cas que ça soit quelque chose d’humain à humain, je veux aider. On dit, avec les organismes charitables, que sur un dollar, ce n’est que deux cents qui y arrivent, parce que les produits sont achetés de l’extérieur, les employés viennent de l’extérieur, donc ça va être quelque chose de très ambitieux encore, mais concret.