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Entrevue avec Allan Rock : « Une minorité d’étudiants paient la totalité de leurs frais »

11 novembre 2013

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– Par Ghassen Athmni et Marc-André Bonneau –

Après quelques semaines d’indisponibilité, le recteur de l’Université d’Ottawa (U d’O), Allan Rock, a finalement accordé une entrevue à La Rotonde. Cette rencontre, lors de laquelle plusieurs volets ont été abordés, sera publiée sur deux semaines. La première ronde concerne des sujets traitant du rapport des étudiants à l’institution. Malgré le fait que la hausse de 3 % n’ait été adoptée que pour 2013-2014, en attendant de voir ce que le Bureau des gouverneurs décidera pour les prochaines années, M. Rock a considéré que le plan de hausse sur quatre ans ne rend pas l’éducation inabordable, avançant pour argument les bourses et les subventions dont peuvent profiter les étudiants.

La Rotonde : Pendant combien de temps l’exonération partielle accordée aux étudiants internationaux francophones sera-t-elle maintenue?

Allan Rock : Cela va dépendre des résultats. Nos objectifs avec cette démarche sont clairs. On veut attirer plus de francophones pour étudier en français, ce qui est un de nos objectifs stratégiques. Nous voulons également augmenter le nombre d’étudiants étrangers et renforcer la cohorte d’étudiants qui sont aux cycles supérieurs. Pour ces trois objectifs, nous espérons que le changement va rendre l’Université d’Ottawa plus concurrentielle dans l’effort de recruter des étudiants francophones. […] On va voir, au cours des années qui viennent, si cela a fait une différence considérable dans ces chiffres et si le changement nous aide à réaliser ces objectifs, nous allons continuer avec la politique. À ce jour, la réaction est très positive et nous avons suscité beaucoup d’intérêts dans les pays francophones. Après l’annonce de Madame Jean, faite en Afrique (au Sénégal), nous avons reçu des expressions d’intérêts d’un peu partout dans la francophonie, alors nous sommes très encouragés par cette réaction.

LR : Certaines voix considèrent que cette mesure est inéquitable pour les étudiants internationaux non-francophones. Qu’en pensez-vous?

AR : Je ne partage pas cette opinion. Je pense que nous avons le droit, et c’est astucieux pour une Université bilingue qui a comme mission d’avoir la formation universitaire en français de rendre les études universitaires plus accessibles aux francophones, en tant que population ciblée. Les anglophones ont tout un choix, ils peuvent choisir des universités un peu partout. C’est pour les francophones que nous sommes dans un vrai exercice concurrentiel. Avec les universités du Québec, par exemple, qui ont des frais de scolarité plus bas que l’Ontario. Si on veut réussir dans nos objectifs, il faut faire quelque chose, et c’est cela que nous avons décidé. Pour les anglophones, ils ont un choix énorme.

LR : Cette mesure n’est pas contradictoire au fait que l’Université tente de stabiliser le nombre d’étudiants et d’augmenter le ratio enseignants-étudiants?

AR : Non, car cette mesure changera la mixture d’étudiants, mais pas le total. Il y a quelques années, nous avions décidé de limiter le taux de croissance à 500 nouveaux étudiants par année. On va remplacer la cohorte qui a gradué en ajoutant 500 étudiants de plus. L’objectif avec le changement dans les droits de scolarité pour les francophones de l’international, c’est d’ajouter à l’intérieur de ce 500 plus de francophones et plus de francophones de l’extérieur du pays. Ainsi, le taux de croissance va rester le même, mais le type d’étudiants recrutés pour les 500 va être plus orienté vers les francophones venant de l’extérieur du pays.

LR : Comment pensez-vous que l’Université se positionnera sur le marché des universités francophones?

AR : Au cours des années, les droits de scolarité en Ontario ont monté, mais pas au Québec et la différence est énorme. C’est très difficile pour nous de recruter les francophones du Québec à cause de cette réalité. Le petit pas qu’on a maintenant pris avec le changement dans les droits de scolarité à l’international pour les étudiants qui sont francophones va nous aider, mais cela reste énormément difficile de faire compétition […] à cause de la différence qu’il y a dans les droits de scolarité. On n’a pas raison de croire que cela va changer dans les années qui viennent, parce que la politique de Mme Marois et de son gouvernement est de continuer dans le même sens.

LR : La FÉUO dit ouvertement que les frais de scolarité seront augmentés cette année. Allez-vous continuer avec le même taux?

AR : C’est au Bureau des gouverneurs de décider. Pour ma part, je peux vous dire que le cadre adopté, publié par le gouvernement de l’Ontario il y a quelques mois, permet aux universités ontariennes d’augmenter les droits de scolarité jusqu’à un maximum de 3 % chaque année jusqu’en 2016. […] Je suis certain que le Bureau va prendre en considération la situation financière de l’Université. On a prévu un déficit dans le budget universitaire pour l’année 2013-2014 et nous avons récemment publié des prévisions budgétaires pour 2014-2015 comme partie de notre consultation que nous avons amorcée sur le campus. Cette consultation concerne les éléments du budget pour l’année prochaine. C’est clair que nous avons des défis importants au niveau des finances de l’Université. D’après moi, on peut montrer un besoin de plus de revenus. C’est dans ce contexte-là que le Bureau doit décider, si oui ou non, il accepte la hausse de 3 %.

LR : Si on s’en tient au plan d’une hausse de 3 % sur quatre ans, en ces temps de crise économique, pensez-vous que l’éducation est abordable à ce prix?

AR : En analysant cette problématique, il faut faire attention aux faits et à la réalité de la situation. Pour les étudiants de premier cycle, c’est-à-dire la grande majorité de nos étudiants, le 3 % constitue une hausse de 170 $ pour l’année scolaire. Donc pour quatre ans, on parle de moins de 800 $. L’autre élément que je voudrais souligner est que même si le prix formellement c’est 6000 $ pour les études de premier cycle, c’est seulement le prix annoncé. La majorité d’étudiants ne paie pas le prix annoncé. Étant donné le 1600 $ de subvention payée par le gouvernement de l’Ontario aux étudiants à temps plein de la province, étant donné les bourses […], une minorité d’étudiants paie le prix annoncé. Il faut faire attention à cette réalité dans la discussion des droits de scolarité. […] On reconnait également que l’endettement de nos étudiants à leur départ est une autre considération importante. Mais presque 50 % partent sans endettement. Pour le reste, la moyenne est d’environ 20 000 à 25 000 $. Mais si vous considérez la valeur d’un diplôme durant la vie d’un diplômé, par rapport à ce niveau d’endettement, c’est une proportion qui favorise la valeur du diplôme. C’est une discussion vive, je sais qu’on a des opinions très fortes des deux côtés et nous avons reçu l’expression très forte de l’opinion de ceux qui ont participé au Bureau des gouverneurs de l’année dernière. Mais après tout, il faut regarder les faits et la réalité de la situation.

LR : Pourquoi y a-t-il seulement trois étudiants au BDG?

AR : Il y a deux ans, le Bureau a augmenté le nombre de sièges de deux à trois. Ça ne semble pas énorme comme changement, mais durant cette période-là, nous avons regardé la situation sur les campus du Canada et si vous analysez la représentation des étudiants un peu partout, trois membres au Bureau c’est à peu près la moyenne au Canada. […] On reflète la pratique canadienne. Ces personnes sont là pour exprimer leur perspective et celle des étudiants et nous trouvons que la contribution faite par ces étudiants est très importante pour le fonctionnement du Bureau. C’est important d’avoir toute une diversité d’intérêts représentée au Bureau, puisque c’est une institution publique. Nous trouvons qu’avec la formule actuelle, les étudiants ont le droit et l’opportunité de s’exprimer. Ils font une contribution très importante au Bureau.

LR : Pourquoi n’y a-t-il aucune période de questions pour les étudiants qui viennent participer aux réunions du BDG?

AR : Ce n’est pas un parlement ou une chambre des communes avec une période de questions, c’est un Bureau de bénévoles. À cause de leur sens des responsabilités, ils acceptent de passer deux ou trois heures ici [au BDG] à chaque mois et de siéger sur les comités du Bureau pour contribuer avec leur temps et leurs efforts. Moi, je suis disponible pour des questions, car je suis responsable de l’administration. Je tiens des séances publiques sur le campus de temps en temps pour répondre aux questions. […] Avoir une période des questions publique pour les membres du Bureau des gouverneurs, ce n’est pas le rôle du Bureau.

LR : Les représentants actuels souhaitent augmenter le nombre des sièges étudiants au Bureau.  Pensez-vous que le BDG serait ouvert à une telle évolution?

AR : C’est au Bureau de considérer cette question. Comme je l’ai déjà constaté, il semble que nous avons avec la formule actuelle quelque chose de comparable à ce que nous avons dans les autres campus canadiens. Les représentants contribuent largement aux discussions. Ils jouent un rôle important. Est-ce qu’il faut avoir plus d’étudiants? C’est au Bureau de décider. […] Si les étudiants qui sont déjà membres font cette proposition, on va voir la réaction du Bureau.

LR : Nous avons remarqué que certains membres du BDG ont des expertises dans des domaines peu en relation avec la vie universitaire. D’ailleurs, La Fédération étudiante estime que le BDG ne représente pas l’Université. Comment expliquez-vous l’impression générale que le BDG est étranger à l’Université?

AR : Je sais que le Bureau, ou le président du Bureau et les différents comités le composant, cherchent toujours une diversité d’expertises parmi les membres. Des gens avec des compétences en finances, [par exemple]. Nous avons un budget d’un milliard de dollars, c’est une institution complexe. Nous gérons cette institution, nous avons une période difficile financièrement, avoir des gens ayant de l’expérience en finances et en gouvernance, c’est important. […] Presque tous les membres du Bureau sont diplômés de l’U d’O, ils ont vécu l’expérience étudiante et ils reçoivent chaque mois des rapports concernant la préoccupation des étudiants, des professeurs et de l’administration. Même s’ils ne sont pas ici à chaque jour, ils sont sensibles aux problèmes et au devenir de l’Université. Je considère qu’ils sont à même de considérer la stratégie de l’institution. Je pense que les membres choisis pour le Bureau contribuent de [par] leurs perspectives, leurs talents et leurs expériences à prendre les décisions stratégiques pour l’Université.

 

La suite est à lire dans l’édition du lundi 18 novembre.

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