Endettement des étudiants en droit : Une assistance financière insuffisante
– Par Marc-André Bonneau –
Après deux années d’études, Eric Girard a failli se retirer de la Faculté de droit, en raison de difficultés financières. Il a fait part publiquement de sa situation dans une lettre ouverte. À la suite de la publication de ce texte, la doyenne de la Faculté, Nathalie Des Rosiers, a animé une discussion sur l’assistance financière.
Mme Des Rosiers a répondu à de nombreuses questions des étudiants dans cette rencontre qui a eu lieu le 21 novembre. Elle s’est montrée ouverte aux suggestions des étudiants, qui ont critiqué le manque de soutien de la Faculté concernant les difficultés financières.
Un récit, plusieurs étudiants
C’est son indignation devant un manque de soutien de sa Faculté qui a poussé Eric Girard à rédiger sa lettre. « Tout ce que j’ai écrit dans le Globe and Mail, je l’avais déjà écrit dans une lettre que j’ai envoyée à l’administration. Ils étaient donc au courant des circonstances de mon histoire, et ils m’ont simplement dit non. C’est après cela que j’ai écrit mon texte », après leur refus de trouver un arrangement qui lui permettrait de continuer ses études.
L’étudiant a expliqué à La Rotonde que trois idées étaient centrales derrière son manifeste. « Premièrement, c’était au sujet de ma propre histoire et de la façon dont j’ai été traité par l’Université. Deuxièmement, c’était aussi parce que je savais qu’il y avait d’autres gens [dans ma situation], mais qu’ils étaient trop intimidés pour en parler. Troisièmement, cet enjeu reflète un problème systémique ». Ainsi, M. Girard a perçu le besoin de faire quelque chose.
Au sujet des dernières hausses des frais de scolarité, Eric Girard a précisé que « la conversation n’avance plus depuis longtemps, au moins 10 ou 15 ans. Ainsi, peut-être qu’une solution plus radicale mettrait de la pression sur le problème avec plus de vigueur. […] Mais même si l’on applique ces pressions, le choix demeure entre les mains des individus qui ont le pouvoir. »
Cosignataire recherché
Plusieurs étudiants qui sont aux prises avec des difficultés financières sont confrontés à la difficulté d’obtenir un prêt d’une institution bancaire. Les individus dans cette situation ont souvent besoin d’un cosignataire, ce qui n’est pas toujours à leur portée. Mme Des Rosiers a indiqué que de possibles arrangements entre les institutions bancaires et l’Université facilitant les prêts aux étudiants qui n’arrivent pas à obtenir une marge de crédit devraient être envisagés dans le futur.
Devant la possibilité de devoir renoncer à son éducation à cause d’un manque d’argent, Eric Girard a avancé que « l’Université devrait annoncer clairement que les étudiants qui ne peuvent avoir du crédit ne devraient pas venir étudier ici. Ils devraient dire directement, dans leur lettre d’acceptation, que l’Université ne va pas soutenir dans leur tentative d’obtenir leur diplôme [les étudiants] qui n’ont pas accès à un crédit ou à un surplus de 30 000 $. » Les étudiants sont éligibles à une aide maximale de 12 000 $ du régime d’aide financière aux étudiants de l’Ontario, alors que les seuls frais de scolarité d’une année se rapprochent de 15 000 $.
Le risque que les étudiants de droit ne remboursent pas leur dette est très bas, selon Eric Girard, puisque ceux qui décrochent leur diplôme ont un grand potentiel de gains financiers. De plus, les individus qui déclarent faillite ne peuvent pratiquer le droit par la suite.
Plusieurs propositions ont été faites par quelques étudiants, telles que la possibilité que l’Université cosigne certains prêts ou plus simplement que l’Université prête des sommes qui permettraient aux étudiants d’atteindre la remise des diplômes, et qui seraient remboursées par la suite. Toutefois, la discussion a montré que l’Université priorise d’autres scénarios.
La doyenne a aussi affirmé que la Faculté tente d’augmenter les opportunités de travail pour les étudiants dans leur domaine d’études. Cette approche permettrait aux étudiants de payer leurs frais de scolarité, tout en gagnant de l’expérience de travail.
Hausse des frais inébranlable
Bien que les problèmes financiers des étudiants aient été l’unique objet de cette rencontre, qui a duré plus d’une heure, peu a été dit sur l’idée de réduire les frais de scolarité et d’empêcher une nouvelle hausse. Mme Des Rosiers a plutôt parlé « d’assistance financière », puisque la hausse est entre les mains du Bureau des gouverneurs.
La doyenne a souligné que « les coûts de l’éducation sont en hausse puisque la compétition [entre institutions] augmente. Nous sommes maintenant classés internationalement. » Il demeure que « c’est la responsabilité de l’institution de développer un programme d’assistance financière. » Mme Des Rosiers a rappelé que l’Université a distribué 89 bourses d’admission à l’intérieur de la Faculté de droit l’année dernière. Concernant l’assistance financière, Mme Des Rosiers a souligné que la Faculté se doit de donner « une meilleure réponse à ces questions ». Elle a aussi indiqué aux étudiants que ceux-ci pouvaient l’aider dans ses démarches, en rappelant qu’ils sont dotés d’une voix forte.
Dons et privatisation
Le manque de subventions venant du gouvernement provincial a, selon Mme Des Rosiers, conduit à la privatisation, ce qui accroit l’importance des donateurs. « L’Université a eu à se privatiser davantage. Ainsi, ils ont commencé à faire plus de collecte de fonds, comparativement à ce qui se faisait avant. Dans le passé, les doyens ne s’occupaient pas de collecte de fonds. Maintenant, je fais cela deux jours par semaine, voire même trois. »
L’oratrice a indiqué, en comparant le système universitaire canadien au système américain, que l’aide gouvernementale a toujours été notre façon de financer les universités. Maintenant que ce financement est réduit, l’Université doit collecter plus de dons. Mme Des Rosiers a d’ailleurs fait un appel aux étudiants présents, dans le but d’identifier de possibles donneurs. Elle a indiqué que « si vous avez des idées de gens que je devrais consulter et rencontrer », cela serait possiblement bénéfique.
Eric Girard a rappelé que « beaucoup de gens sont forcés de quitter. C’est un peu différent avec le programme de droit, parce que les étudiants investissent tellement d’argent, soit près de 15 000 $ par année. » Ainsi, lorsque des étudiants doivent partir après deux années perdues, c’est une perte énorme. Mme Des Rosiers a indiqué qu’une réponse à la lettre d’Eric avait été envoyée au Globe and Mail. L’histoire demeure à suivre.