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En tête-à-tête avec Allan Rock : « Ma plus grosse déception est l’insatisfaction des étudiants avec leur université »

9 novembre 2015

Par Frédérique Mazerolle et Clémence Labasse

Mardi 3 novembre, il fait particulièrement chaud pour une journée d’automne. La Rotonde pénètre dans Tabaret et entre dans une partie du bâtiment protégée par de grandes barrières de verre. Dans un bureau aux murs grenat, nous rencontrons Allan Rock, recteur de l’Université d’Ottawa. Cinq thèmes préapprouvés et 30 petites minutes : c’est tout ce qui nous est accordé. Trente minutes durant lesquelles nous interrogeons la tête de l’U d’O sur son mandat, la hausse des frais de scolarité et l’accessibilité aux services de santé mentale.

La Rotonde : Vous avez été recteur de l’U d’O pendant sept ans et dans quelques mois, un autre prendra votre place. Faisons un bilan de vos années ici : quels sont les objectifs que vous vous étiez fixés en arrivant, que vous avez réussi à accomplir, et vos plus grosses déceptions ?

Allan Rock : « Comme j’étais moi-même étudiant, ici, à l’U d’O, j’avais déjà internalisé les idéaux de l’Université. J’ai toujours pensé que nous avions un potentiel énorme. De ce fait, nous avons adopté un plan stratégique avec des objectifs ambitieux, le plan 2020. Au niveau de la recherche, nous sommes maintenant classés parmi les universités avec l’une des plus grandes intensités de recherche au Canada, selon les classements internationaux, et à l’international, nous sommes très bien connus. Pour ce qui en est de la francophonie, nous avons fait du bon travail à nous assurer que nos étudiants profitent de services de qualité.

Ma plus grosse déception, je pense, est quand je lis des sondages qui recensent le niveau d’appréciation de l’expérience étudiante de nos diplômés. Si vous regardez dans les pages du Maclean’ s, du Globe & Mail ou de n’importe quel autre sondage, lorsqu’on demande aux étudiants s’ils sont satisfaits de leur expérience à l’Université d’Ottawa, la réponse est majoritairement négative !

Malgré la création de nouveaux programmes, la construction de nouvelles résidences, l’embauche de plus de professeurs, l’amélioration des services, les étudiants ne sont toujours pas satisfaits.

Je ne suis pas certain du tout pourquoi les étudiants gardent cette impression. Je n’ai pas de réponses. »

LR : Pensez-vous que la hausse des frais de scolarité est inévitable dans notre contexte économique et qu’il n’existe pas de manière différente pour trouver du financement ?

AR : « Le financement de l’Université est inévitable. Soixante-quinze pour cent de notre budget annuel est dévoué aux salaires et aux avantages sociaux de nos employés, et bien sûr au recteur !

L’argent doit arriver de quelque part ! Il y a deux ans, le pourcentage de revenus arrivant de l’Ontario est tombé à 47 %. C’est une question de logique : lorsqu’une source de revenus baisse, il faut aller chercher l’argent ailleurs. Le gouvernement a permis aux universités de hausser les frais de scolarité de 3 % par année, alors c’est ça qu’on a fait. »

LR : Alors, est-ce véritablement inévitable ? Est-ce que ça va continuer ?

AR : « Le financement de notre université doit continuer. Sinon, il va falloir couper des postes, des programmes, ou des services. Il y a trois sources de financement : les dons privés, les frais de scolarité et le gouvernement provincial. La quatrième solution, c’est quoi ? On peut acheter des billets de loterie tous les jours, ou encore envoyer le recteur à Las Vegas avec les fonds de dotation. (Rires).

Par contre, nous avons observé que chez nous 40 % des étudiants terminent leurs études sans dettes et la dette moyenne est de 20 000 $, pour un étudiant qui sort d’ici avec un diplôme et la possibilité de se trouver un emploi qui payera bien. »

LR : Vous avez écrit une lettre à la communauté racontant votre expérience de dépression lors de vos études. Aujourd’hui en 2015, un membre de la communauté universitaire doit attendre plusieurs mois avant d’avoir un premier rendez-vous avec un psychiatre de la clinique psychiatrique de l’U d’O. Les services de santé mentale sont-ils suffisamment accessibles selon vous, et si non, pourquoi ?

AR : « Il y a une épidémie au sein de la population de 18-25 ans. Et sur le campus, c’est évident que nous partageons ce fléau avec le reste de la société. En écrivant cette lettre [NDLR. Lettre que La Rotonde publiera dans sa prochaine édition], je voulais non seulement informer les gens que même moi, j’avais dû faire face à ce genre de problèmes, mais je voulais également les rassurer, et leur dire qu’il est acceptable d’en parler, d’aller chercher de l’aide. Peu importe le délai d’attente, je peux vous dire que si quelqu’un fait affaire avec le Service de santé mentale sur le campus, il y aura une réponse.

Il y a quelques années, nous avons regroupé toutes les personnes offrant des services qui touchent à la santé mentale sur le campus. Nous avons décidé qu’une meilleure coordination était nécessaire pour plus d’accessibilité. Le plus gros problème est qu’on manque de personnel. Il serait important d’investir dans ces services. Pourtant, une question se pose : quel est le rôle de l’Université dans le système de santé ? Les étudiants ont déjà accès à bien plus de ressources sur le campus qu’une personne du même âge qui travaille. Est-ce qu’on veut réellement remplacer les services qui sont déjà offerts dans la communauté ? Cette réflexion est nécessaire ? »

 

 

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