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Éditorial

Éduquez-nous donc sur le plaisir sexuel !

4 novembre 2019

Crédit visuel; photo de courtoisie 

Par Emmanuelle Gingras – Rédactrice en chef

À quel point, l’année dernière, ce fameux retour en arrière de l’éducation sexuelle du système en l’Ontario a-t-il fait parler ? Malgré les dépenses exorbitantes effectuées pour ses modifications, il semblerait que celui-ci n’a pas tant changé. Toutefois, il va sans dire qu’ancien et nouveau système omettent tous deux de parler de tout ce qui concerne le plaisir dans la sexualité.

Désirs, fantasmes, préliminaires, parties érogènes, voici des termes dont on n’entend pas parler au secondaire en Ontario. L’on se contente de dire  ; « le meilleur moyen de contraception, c’est l’abstinence ». 

Le système d’éducation canadien est d’ailleurs intéressé, si l’on se fie à la théorie de Fernando Barragan, à un certain modèle préventif, mettant de l’avant les risques des rapports sexuels. Loin de celui plus progressiste, qui valorise le plaisir associé aux rapports sexuels.

Il n’y a pas à dire ; les enseignant.e.s d’ici font absolument tout pour aborder la sexualité avec précaution et en considérant les degrés de sensibilité d’absolument tout le monde. Ce qui est problématique, car cette précaution d’aborder les bienfaits de la sexualité est l’un des reflets de l’ambiguïté entourant la question du consentement aujourd’hui.

Qu’ai-je le droit d’aimer au lit ?

Magaly Pirotte, fondatrice de SEX-ED, affirme dans l’un de ses blogues ; « le consentement, ce n’est pas seulement apprendre à dire NON, c’est aussi apprendre à dire OUI, à exprimer ses désirs, à négocier ses pratiques et ses limites ».

Il semble primordial, avant de commencer à avoir une vie sexuelle, de connaître les possibilités qui mènent au désir, car n’est-ce pas pour cela que les gens ont des rapports ? Sarah Barmak, dans un entretien TED Talk, exprimait justement que : «comprendre [son] corps est crucial à la large question qu’est l’éducation sexuelle et le consentement ». Et, qu’en comprenant comment bien être approché.e, touché.e, sous quelque contexte, peut mener vers la confiance de s’exprimer au lit. Une confiance qui reflète la clarté dans la communication.

Que ce soit pour dire oui ou pour dire non à un rapport.

On ne peut nier que chaque humain est différent… puis, chaque enseignant.e aussi! Peut-être faudrait-il ainsi considérer engager des spécialistes pour aborder le sujet plutôt que des enseignant.e.s. « Une telle ouverture peut être déstructurante pour les intervenantes et intervenants, car elle interpelle leurs propres valeurs, attitudes et comportements  », tel qu’indiqué dans « La promotion de l’équité en éducation sexuelle dans les écoles secondaires de la région d’Ottawa » par Andrea Martinez et Karen Phillips.

Les jeunes peuvent bien faire leur recherche de façon autonome par Internet. Mais comment normaliser un sujet si on est seul pour en faire ses découvertes ? C’est sans mentionner à quel point la véracité des représentations médiatiques est douteuse.

Ainsi, que le curriculum du système d’éducation de l’Ontario de la 9e à la 12e année ne prône pas des cours qui aident à mieux connaître [les] forces et [les]  valeurs [des étudiant.e.s] et à utiliser cette information pour prendre des décisions sur leur santé physique et mentale », car il est tout sauf centré sur une recherche franche et approfondie.

Limite à la question des valeurs 

Dans le palier élémentaire du curriculum de l’Ontario, il est mentionné que « c’est aux parents qu’incombe la responsabilité première de l’éducation de leur enfant en ce qui concerne l’apprentissage de valeurs », permettant ainsi aux parents d’exempter leurs enfants des cours de sexualité. Entendons-nous toutefois là-dessus ; il y a une limite aux valeurs s’il est question d’enfreindre le respect des autres. Et ce respect est enfreint par le simple fait qu’il y a encore des ambiguïtés entourant les agressions sexuelles. 

Il semble évident que la « valeur » de ne pas enseigner à ses enfants tout ce qui entoure la sexualité n’a nul autre choix que de créer un débalancement dans la communication de chacun dans un contexte de rapport sexuel. 

Sinon, cette exemption des cours proposés dans le curriculum de la 1ère à la 8e année n’est qu’une façon de repousser une situation qui se rapproche de plus en plus des  jeunes. Rappelons-nous qu’au Canada, ceux-ci sont de plus en plus actifs sexuellement, tel qu’indiqué dans l’étude « La sexualité des jeunes Québécois et Canadiens. Regard critique sur le concept d’hypersexualisation ». 

 De plus,  il est question dans ce curriculum d’aborder l’identité du genre, l’orientation sexuelle, le sexe oral et anal, l’abstinence, le harcèlement en ligne, le vapotage et les opioïdes. Sujets qui, entendons-nous là-dessus, semblent des plus primordiaux à être abordé afin d’être correctement intégré dans une société diversifiée.

Outre ce fait, le nouveau comme l’ancien système omettent tous deux d’aborder les dynamiques de pouvoir qui sont à la source même du problème des agressions sexuelles.

Que la « politesse canadienne » de notre système éducatif ne soit pas surprise s’il y a tant de problèmes de communication entre partenaires sexuels encore aujourd’hui.

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