Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe
Éditorial rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef
Logements insalubres ou surpeuplés, pénurie d’habitations, problèmes d’itinérance ; nombreux sont les effets néfastes de la crise du logement qui sévit dans la région d’Ottawa-Gatineau, accentués par la pandémie. Et puisque les principaux responsables se rejettent tour à tour la faute, la situation ne semble pas prête à changer.
Le droit au logement n’est pas uniquement défini comme étant le « droit à un abri », mais plutôt comme « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence », selon le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.
Lorsqu’un tel droit n’est pas respecté pour une quelconque raison, la situation peut engendrer la mise en danger de tous les autres droits humains, et ainsi mettre la vie des citoyen.ne.s en péril. Nul besoin d’être un.e génie pour comprendre la relation de causalité entre la pandémie, l’absence de logement adéquat, et les risques encourus.
Devoir communautaire
Avoir un logement sain favorise l’égalité des chances et donc de la réussite. Mais avoir accès à un logement décent semble aujourd’hui relever du véritable coup de chance. Entre les nombreuses arnaques qui fleurissent sur Internet, les prix exorbitants des loyers, et les aménagements parfois insalubres, les étudiant.e.s se retrouvent souvent dans un réel état de précarité ; c’est à l’Université d’Ottawa (U d’O) de veiller à ce que cela n’arrive pas.
Il est facile de rabâcher à qui veut l’entendre de prendre soin de sa santé mentale, de trouver le parfait équilibre entre cours, travail et vie personnelle. Mais quelles ressources met-elle en place pour pouvoir alléger la charge mentale de sa communauté étudiante ? Si la provost et vice-rectrice aux affaires académiques Jill Scott annonçait vouloir « voir au moins deux tiers des résidences pleines » en septembre prochain lors de la dernière réunion du Bureau des gouverneurs, l’Université devra mettre les bouchées doubles pour convaincre la communauté de s’y installer.
Celles-ci ont beau constituer une solution facile en première année, les avis à leur égard semblent plutôt mitigés. Les tarifs sont dits démesurés pour un service de si faible qualité, tarifs qui sont d’ailleurs supérieurs à l’an passé, alors même les frais de scolarité et les prestations offertes demeurent inchangés. Les étudiant.e.s seraient-ils.elles perçu.e.s comme de simples client.e.s, des poules aux oeufs d’or ?
Certes, les raisons derrière une telle augmentation peuvent être multiples. Mais réclamer plus d’argent en plein milieu d’une pandémie n’est définitivement pas le meilleur moment. Un soutien au financement des logements étudiants serait donc plus que jamais le bienvenu dans ce contexte sanitaire. L’Université a pour devoir d’accommoder ses étudiant.e.s et de leur fournir les ressources nécessaires à un cadre d’apprentissage propice.
Problème national
Mais cette crise s’étend bien au-delà de la communauté étudiante. Ottawa a été la première ville du pays à déclarer l’état d’urgence concernant le logement et le sans-abrisme en janvier 2020, suivie de près par Toronto à la même période.
Le maire de la capitale, Jim Watson, avait affirmé que le logement abordable est une priorité pour le conseil municipal, qui avait investi 30 millions de dollars sur deux ans pour construire de nouveaux logements abordables pour les résident.e.s dans le besoin. De plus, la lutte contre le sans-abrisme dans le capital a coûté aux contribuables près de 80 millions de dollars en 2018.
Selon le compte instagram ottawablackdiasporacoalition, environ 2000 personnes dormaient dans un foyer à Ottawa le 25 février dernier, 12 000 étaient sur liste d’attente pour obtenir un logement social, et 3200 ménages risquaient d’être expulsées de leur logement. Expulsé.e.s, alors même qu’un foyer sain, surtout en pleine pandémie, est essentiel. Il est important de se rappeler que tout avis de résiliation de bail doit être ordonné par la Commission des propriétaires et des locataires, et que le.la locataire a le droit de se présenter à une audience et d’expliquer pourquoi il.elle s’oppose à ce choix.
Certains foyers pour les sans-abri d’Ottawa avaient cessé d’accepter de nouvelles admissions en raison du nombre élevé de cas COVID-19 dans leurs installations. Comment des foyers mis en place pour les communautés les plus vulnérables, déjà placées dans des situations extrêmement précaires, en sont arrivés à devoir fermer leurs portes ?
Gatineau a finalement rejoint les deux grandes villes dans cette crise, alors que Maxime Pedneaud-Jobin, maire de la ville, déclarait l’état d’urgence. Le coût moyen pour un logement de deux chambres étant passé de 540$ par mois en 2000, à 950 $ en 2020, représentant alors une hausse de 74,6% sur 20 ans partageait Le Droit. La situation est si préoccupante, que la Ligue des droits et libertés a fait appel à l’Organisation des Nations Unies sur la situation du logement et son influence sur les droits de la personne.
Issues nombreuses
La crise du logement est présente depuis des années déjà, voire même une dizaine d’années. Pourquoi a-t-il fallu attendre une épidémie mondiale, qui l’a effectivement aggravée, pour que la situation soit enfin mise en lumière ? Certes, le gouvernement de l’Ontario a adopté une loi visant à geler les loyers au niveau de 2020, impliquant que les loyers n’augmenteront pas en 2021 pour la grande majorité des locataires, mais ce n’est pas assez devant les nombres astronomiques de foyers nécessitant de l’aide.
Il est possible d’agir de façon concrète sur d’autres points ; de nombreux hôtels avaient été convertis pour abriter des itinérant.e.s au début de la pandémie. Les frontières étant toujours fermées, pourquoi ne pas continuer ? Il existe maintenant des méthodes de construction plus rapides, moins onéreuses, et fiables qui pourraient permettre la construction de nouveaux foyers. Il serait possible de réexploiter des endroits laissés à l’abandon, ou de construire sur des zones de friche, ou dans les vastes zones sauvages qui s’étendent aux alentours des grandes villes.
De plus, il est impossible de tenir responsables les compagnies privées ou les particulier.ère.s qui louent leurs biens dans ce contexte capitaliste aggravé par la pandémie, puisqu’elles n’outrepassent aucunement les règles. Restent ces sociétés qui n’hésitent pas à pratiquer des rénovictions, ces évictions liées aux rénovations, pratique désormais commune à Ottawa.
Le 2 mars prochain aura lieu une réunion du comité des finances et du développement économique et du comité des services communautaires et de protection, dans le but d’approuver et de recommander un plan de travail décennal sur le logement et les sans-abri au conseil municipal d’Ottawa. Le gouvernement aidera-t-il la ville à lutter contre cette crise ? Il semble être la seule entité capable de faire face à la profonde pénurie de logements pour des millions de personnes.
Le Canada a les moyens de faire plus pour lutter contre la pauvreté et améliorer les conditions de logement ; c’est l’un des pays les plus riches du monde. Il serait peut-être temps de commencer à se préoccuper de ce problème qui sévit depuis bien trop longtemps déjà, et de commencer à se préoccuper de la population. En attendant, des milliers de foyers attendent patiemment que ce contre-la-montre prenne fin.