– Par Frédérique Mazerolle –
Alors qu’aborder la notion de la sexualité peut causer un malaise chez certaines personnes, d’autres voudraient en apprendre plus par le biais d’études postsecondaires. À ce jour, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) est l’unique université qui possède un département offrant aux étudiants au baccalauréat et aux cycles supérieurs la chance de poursuivre des études en sexologie. Certains arguent même que cela marquerait les débuts de la sexologie dans les salles de cours. Presque 50 ans après son inauguration, peu d’universités au Canada ont emboité ce chemin.
L’Université d’Ottawa n’offre pas de programme ou de cours proprement dit sur la sexualité. Par contre, quelques programmes de la Faculté des sciences sociales, comme le programme de psychologie et de sociologie, offrent des cours axés sur la sexualité.
« La sexualité tend à être un domaine très interdisciplinaire. Ainsi, certaines universités peuvent choisir d’avoir un programme de sexologie, mais je crois que la plupart des universités optent pour des cours offerts dans plusieurs disciplines », explique Heather Armstrong, professeure au département de psychologie de l’U d’O. « Je crois que les deux options peuvent avoir du succès et ont leur propre mérite ».
L’UQAM, quant à elle, offre une panoplie de cours portant sur la sexualité à ses étudiants. Dès ses débuts, le département opte pour une approche ouverte d’esprit, offrant aux étudiants les outils nécessaires pour non seulement bien s’informer sur les enjeux de la sexualité sur les plans psychologique, biologique et socioculturel, mais également pour informer les générations à venir dans leur rôle d’intervenant éducatif.
Depuis sa création, le département tente de se tenir à l’affut des nouvelles tendances et des nouveaux enjeux rencontrés en sexologie, comme la découverte potentielle d’un vaccin qui pourrait guérir les personnes atteintes du virus du SIDA, les droits liés à l’appartenance et l’identité sexuelle et les fausses informations divulguées sur le web.
Professeure à l’École de psychologie de l’U d’O depuis maintenant 15 ans, Lisa Henry est une ancienne de l’Université d’Ottawa et possède également une maîtrise de l’UQAM en sexologie clinique.
« Rien n’a changé depuis 20 ans lorsque je cherchais à poursuivre des études en sexologie après mon baccalauréat en psychologie en ce sens que l’Université du Québec à Montréal demeure à ce jour la seule université offrant des programmes de premier cycle et de cycles supérieurs dédiés entièrement à l’étude de la sexualité humaine au Canada. Il s’agit d’un programme qui est offert en français uniquement ».
Elle souligne toutefois qu’un grand intérêt est ressenti chez les étudiants qui prennent des cours de troisième ou quatrième année en psychologie, comme ceux qui se focalisent sur le comportement sexuel chez les humains. Comme la plupart des cours de l’U d’O, ces cours sont offerts dans les deux langues officielles. De plus, en 2010, le cours PSY4522 – Études approfondies en sexualité humaine, aurait été ajouté au programme dû à la forte demande et à l’intérêt croissant des étudiants inscrits au baccalauréat.
« Ce qui est différent d’il y a 20 ans, c’est que les étudiants ont plus de choix quant aux possibilités de poursuivre leurs intérêts de recherche en sexualité humaine, surtout au doctorat à l’École de psychologie », explique Lise Henry. « Le nombre de professeurs, de directeurs de laboratoire et d’étudiants doctoraux ayant pour objet d’étude les aspects de la sexualité sont de plus en plus nombreux et les projets de recherche sont diversifiés et innovateurs ».
Pourtant, même avec les avancements qui ont été faits dans le domaine, notamment avec l’aide du laboratoire de recherche sur la sexualité humaine de l’Université d’Ottawa (dont la professeure Heather Armstrong est membre), il existe toujours l’idée que de parler de sexualité, mais avec des étudiants au niveau postsecondaire qui le désirent, ne soit pas exactement acceptée par tous.
« Je crois que parler de sexualité en général est encore très tabou. Il y a plusieurs raisons pourquoi c’est ainsi, mais ce sont surtout pour des raisons d’ordre culturel», explique Heather Armstrong. « Je crois qu’en général nous vivons dans une culture plus ouverte, mais il y a encore un grand chemin à faire »
Pour sa part, Lisa Henry croit que le problème réside notamment dans l’idée que le travail de sexologue est peu reconnu ou même mal compris par le public, oubliant parfois la polyvalence des sexologues diplômés. Elle rajoute que le Québec, même s’il possède l’unique département de ce genre, a également dû vivre certaines difficultés avant d’être reconnu par ses pairs.
« La reconnaissance sociale des sexologues et de leur formation est importante pour les nouveaux diplômés cherchant un emploi. À titre d’exemple, si l’on considère que le seul département de sexologie au Canada (UQAM) produit des diplômés au Québec depuis plus de 30 ans, ce n’est que très récemment que nous nous sommes intégrés au système professionnel québécois [, soit en] septembre 2013. Cette victoire est une preuve que la société québécoise est prête à reconnaitre officiellement la légitimité de notre travail. Remarquez que les sexologues œuvrent en cabinet privé (bureau de consultation), dans le réseau de la santé et de services sociaux, dans le réseau de l’éducation (tous les niveaux), en établissement de services correctionnels et dans les milieux communautaires (maison de jeunes, centre d’hébergement, travailleur de rue, etc.). Dorénavant, le titre de sexologue ainsi que les activités réservées sont règlementés et protégés par les lois québécoises. Il n’y a aucun système pareil dans les autres provinces et très peu en Amérique du Nord », explique Mme Henry.