
Dossier sur la FCÉÉ : La débandade perdure, les candidats l’ignorent
– Par Samuel Lafontaine –
La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ) connait en ce moment plusieurs problèmes avec certaines de ses associations membres à travers le pays. L’organisation s’est d’ailleurs retrouvée à plusieurs reprises devant les tribunaux au cours des dernières années. Les deux syndicats étudiants de l’Université d’Ottawa (U d’O), soit la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) et l’Association des étudiants diplômés (GSAÉD) sont membres de la FCÉÉ. Celles-ci étant en pleine période électorale, La Rotonde présente un portrait de la relation entre le campus de l’U d’O et son syndicat étudiant à l’échelle nationale.
La FCÉÉ, une organisation controversée
La FCÉÉ est un organisme qui existe depuis octobre 1981 et qui représente environ 600 000 étudiants à travers le pays, en plus de gérer un budget annuel de près de quatre millions de dollars. Elle est gérée par un exécutif national composé d’un président, d’un vice-président, d’un trésorier, d’un représentant pour chacune des provinces, d’un représentant pour les étudiants des cycles supérieurs, d’un représentant francophone, d’un représentant féminin, d’un représentant autochtone et finalement d’un représentant pour les communautés culturelles. Les associations membres peuvent quant à elles se faire entendre lors de congrès nationaux organisés deux fois par année. Quatre-vingt collèges et universités sont représentés au sein de la FCÉÉ. Ces associations sont regroupées dans des ailes provinciales présentes dans chacune des dix provinces canadiennes. Ces ailes provinciales ont une structure semblable à l’échelle nationale, avec notamment un exécutif et deux assemblées générales annuelles.
Certaines de ces associations ne sont cependant pas très satisfaites du fonctionnement de la Fédération. Julien Ouellet est responsable des affaires externes pour la Post-Graduate Students Society (PGSS) de l’Université McGill. En entretien, il affirme que le conflit qui opposait son association et la FCÉÉ depuis 2009 provenait du fait que « plusieurs générations d’exécutants à [la] PGSS ont rapporté avoir eu énormément de difficulté à travailler avec la FCÉÉ ».
Citant des rapports datant de cette époque, M. Ouellet affirme qu’« il était extrêmement difficile, voire impossible, d’avoir un effet sur la ligne d’action de l’organisation en raison de la mainmise de l’exécutif et des employés permanents ».
Après avoir organisé un premier référendum qui n’a pas été reconnu par la FCÉÉ, la PGSS a refusé de verser les cotisations réclamées par la Fédération et a poursuivi celle-ci en justice afin de pouvoir se désaffilier. Un juge a d’ailleurs reconnu leur droit à la sécession à l’automne 2014 et en janvier dernier s’est déroulé un second référendum où une majorité des votants a décidé de quitter la FCÉÉ. Sur plus de 2000 bulletins de vote comptabilisés, seulement 56 ont exprimé un désir de rester membre de la Fédération. Cependant, la PGSS devra rembourser 270 000 $ à la FCÉÉ en vertu du jugement rendu à l’automne dernier. Des frais qui pourraient s’avérer beaucoup plus élevés puisqu’un autre verdict est attendu en 2017.
À propos de cette longue procédure, M. Ouellet tient à mentionner qu’« aucune des associations qui ont tenté de se désaffilier ces dernières années n’ont été capables de le faire sans l’intervention des tribunaux. Selon [la PGSS], ceci est fondamentalement anormal dans une société démocratique. Nous ne pouvons nier que la répercussion financière de nos litiges avec la FCÉÉ ait été importante. Toutefois, nous sommes extrêmement contents que les futures générations n’aient pas à investir temps et argent dans une organisation comme la FCÉÉ ».
Cette association n’est cependant pas la seule à connaitre un litige avec la FCÉÉ. La Cape Breton University Students’ Union’s (CBUSU) est également en conflit avec la Fédération suite à un référendum tenu en 2008 et qui a été l’objet d’une poursuite de la part de la FCÉÉ. Celle-ci ne reconnait pas la validité du scrutin et refuse à son association le droit de se désaffilier après huit années en tant que membre. Puisqu’un verdict doit être connu d’ici un maximum de six mois, Sarah Hines de la CBUSU n’a pas voulu commenter. « Je ne crois pas qu’il serait approprié d’entrer plus en détail à ce moment-ci », affirme-t-elle.
Enfin, une troisième association se retrouve en opposition à la FCÉÉ. En effet, la University of Manitoba Students’ Union (UMSU) refuse de lui verser 640 000 $ tant que l’organisme ne réponde à certaines de leurs demandes. L’antagonisme entre les deux organisations remonterait au début de l’année scolaire 2013-2014, nous apprend le journal étudiant The Manitoban. Au moment de mettre sous presse, l’UMSU n’avait toujours pas retourné notre courriel.
La FÉUO main dans la main avec la FCÉÉ
Anne-Marie Roy, présidente de la FÉUO, siège à l’exécutif de la FÉUO depuis trois ans, dont deux à titre de présidente. Elle est également représentante francophone à l’exécutif national de la FCÉÉ et en sera vice-présidente nationale l’an prochain. Elle croit que toutes les associations membres de la FCÉÉ sont libres de se désaffilier et insiste sur le caractère démocratique de l’organisation : « Toutes les associations étudiantes sont libres de quitter la FCÉÉ. McGill n’a pas respecté les règles qui ont été adoptées de façon démocratique dans le contexte d’assemblées générales et c’est pour ça qu’ils ont dû organiser un deuxième référendum. Je pense que c’est important d’avoir un processus clair et démocratique qui est appliqué de façon uniforme à toutes les associations ».
Si, selon elle, certaines associations ne travaillent pas en collaboration avec la FCÉÉ, ce n’est certainement pas le cas de la FÉUO. « On ne voit que des avantages à être membre de la FCÉÉ. La U-pass à la ville d’Ottawa, l’élimination des frais pour les étudiants qui payaient leurs frais de scolarité en deux versements ou encore l’octroi de permis de travail avec leur visa d’études pour les étudiants internationaux, ce sont de belles victoires », affirme-t-elle.
Chaque semestre, un étudiant à temps plein envoie un total de 8 $ à la FCÉÉ et à la FCÉÉ-Ontario. Pour Anne-Marie Roy, il s’agit d’un montant juste puisque les étudiants retrouvent leur argent sous forme de divers rabais avec, par exemple, la U-pass et la carte ISIC.
Des corps fédérés plus mitigés
Julia Riddle, présidente de l’Association des étudiants en science économique (AÉSÉ), n’est pas d’accord avec l’opinion de Mme Roy. Pour elle, ce « n’est pas un bon retour sur l’investissement. Nous leur envoyons beaucoup d’argent et nous ne voyons pas beaucoup de résultats ». Si elle reconnait qu’il y a de bons côtés à la FCÉÉ, elle croit que des améliorations sont nécessaires.
« La FCÉÉ est une organisation avec beaucoup d’utilités. Je pense que c’est important pour les étudiants d’avoir un réseau pour exprimer nos opinions, pour se battre pour nos droits, mais c’est tellement important d’avoir du contrôle sur cette organisation », indique-t-elle.
Moins modéré, Alexandre Lavoie croit quant à lui que les associations étudiantes de l’U d’O devraient quitter la FCÉÉ. « On leur envoie 16 dollars par année. On parle de réduire les frais de scolarité. Les frais inclus les droits de scolarité, mais aussi les frais accessoires. C’est 16 $ qu’on pourrait économiser », affirme le vice-président aux affaires universitaires de l’Association des étudiants en criminologie (AÉC) de l’U d’O. Selon lui, les étudiants ne se sentent pas interpellés par la FCÉÉ et il n’y a pas de raison de continuer à payer « en double » pour des services que la FÉUO pourrait fournir. Il se dit « déçu » que l’affiliation de la FÉUO avec la FCÉÉ ne soit pas un sujet pour les présentes élections.
Les deux candidats à la présidence réagissent
- Lavoie n’est pas le seul à croire que ce sujet n’est pas abordé dans la présente campagne électorale sur le campus. C’est pourquoi La Rotonde a demandé l’opinion sur la FCÉÉ des deux candidats à la présidence de la FÉUO.
Nicole Desnoyers, candidate pour le parti Impact, est la seule de l’exécutif actuel à se représenter. Comme la présidente sortante, elle croit que la FCÉÉ est une bonne organisation qui fournit plusieurs services et propose donc la continuité de la relation entre celle-ci et la FÉUO.
« Je crois que la FÉUO bénéficie de son affiliation avec la FCÉÉ. La FCÉÉ offre d’ailleurs une panoplie de services – que ce soit l’achat en vrac d’agendas, de t-shirts, de bouteilles d’eau, de cahiers de note, etc., ou la carte ISIS, habituellement obtenue au cout d’environ 20 $, cette carte est distribuée gratuitement aux membres de la FCÉÉ », affirme celle qui est également représentante des femmes à l’exécutif de la FCÉÉ-Ontario.
De son côté, David Gakwerere, candidat du parti Ici pour nous, ne dit pas autrement. « En tant que président, je serais dans la meilleure position pour promouvoir en premier plan les intérêts de nos étudiants et les enjeux qui leur tiennent à cœur face à la FCÉÉ, dans l’espoir que l’on puisse travailler ensemble dans le meilleur intérêt des étudiants. Je pense qu’il y a quand même bénéfice à travailler avec la FCÉÉ, par exemple en ce qui concerne l’achat et l’octroi de matériel à gros volume ».
La seule divergence entre les deux candidats à la présidence semble concerner l’implication des francophones. M. Gakwerere considère qu’« en tant qu’étudiant francophone sur le campus, je n’ai jamais vu ni entendu aucune campagne de la FCÉÉ concernant notre communauté », alors que Mme Desnoyers croit au contraire que « tout le travail de revendication de la FCÉÉ inclut des revendications pour les francophones ».
Les élections de la FÉUO auront lieu les 10, 11 et 12 février prochains.