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Dossier Rancourt : Une évaluation controversée

25 février 2013

– Par Hamdi Souissi – 

À la source du conflit entre Denis Rancourt et Joanne St. Lewis se trouve le rapport du Centre de recours étudiant (CRÉ) intitulé « Racisme, injustice et mépris envers les étudiant(e)s à l’Université d’Ottawa » et publié le 12 novembre 2008. La conclusion la plus controversée de ce rapport était que plus des deux tiers des étudiants accusés de fraude académique et ayant fait appel au CRÉ appartiennent à des minorités visibles. Le 25 novembre 2008, Joanne St. Lewis, professeure de common law à la Faculté de droit, produisait une évaluation du rapport. Ses principales conclusions étaient que le rapport du CRÉ avait de sérieuses défaillances méthodologiques et que cela le rendait du coup invalide.

Dans la déclaration de poursuite du clan St. Lewis, on y apprend, au point 25, que lors de l’élaboration de l’évaluation du rapport du CRÉ, Mme St. Lewis a rencontré des représentants du CRÉ auxquels elle a demandé l’accès aux données et registres de l’organisme. Le CRÉ aurait refusé d’accéder à ses demandes. Or, selon Mireille Gervais, directrice du CRÉ à cette époque et encore aujourd’hui, tout cela est archifaux. Entre le 12 novembre et le 25 novembre 2008, elle n’aurait même jamais parlé à Mme St. Lewis. Sa seule communication avec Mme St. Lewis a eu lieu presque un an après les faits, le 23 septembre 2009, alors que cette dernière lui a fait parvenir un courriel lui proposant une rencontre dans le but de travailler conjointement à la rédaction d’un nouveau rapport. « Je n’ai jamais été contactée dans le cadre de la préparation du deuxième rapport, j’ai d’ailleurs un courriel de Mme St. Lewis démontrant que notre premier contact ne s’est fait qu’après la rédaction du deuxième rapport », soutient Mme Gervais.

Nous avons demandé à Richard Dearden, avocat de Mme St. Lewis, s’il maintenait la validité du point de litige. Il a esquivé notre question en considérant qu’elle reflétait un biais contre sa cliente de la part du journal (sic). « Il n’y a pas de mots pour exprimer à quel point le système est injuste, je ne me suis pas présenté en cour par choix, mais par obligation », se défend Mme Gervais. Elle soutient qu’il était de son devoir en tant que directrice du CRÉ, de répondre aux allégations en cour à son égard par Mme St. Lewis. M. Dearden a mentionné à La Rotonde qu’il ne comprenait pas pourquoi Mme Gervais jugeait qu’intervenir dans cette affaire faisait partie de son travail au CRÉ.

La demande de Mme Gervais fut rejetée dans une décision rendue le 7 décembre 2012. Le 10 janvier 2013, le juge Robert Smith la condamnera à payer des frais juridiques de 5300 dollars suite à sa motion rejettée.

Une évaluation indépendante?

« Le vice-recteur aux études m’a demandé de faire une évaluation indépendante du rapport annuel du Centre de recours étudiant (CRE) 2008 […]». C’est ainsi que débute le rapport rédigé par Mme St. Lewis. Mme Gervais conteste cette indépendance: « Des courriels rendus publics démontrent que Mme St. Lewis n’a pas agi de façon indépendante et qu’elle suivait les instructions de l’administration. »

En effet, les courriels disponibles sur le site du CRÉ et obtenus suite à une demande d’accès à l’information révèlent que Mme St. Lewis a envoyé le brouillon de son évaluation à l’administration en précisant qu’elle serait heureuse de répondre à toutes leurs suggestions. Une partie de la réponse d’Allan Rock peut être traduite ainsi:

« […] ma seule préoccupation quant à la première recommandation est le libellé qui semble sous-entendre qu’il y a déjà présence de racisme. Puisque la professeure St. Lewis conclut déjà qu’il n’y a pas de preuve à cet effet, un tel libellé est faux et ne concorde pas avec son propre rapport. […] Une dernière chose, j’aimerais que Robert [Major] soit le seul intermédiaire entre nous et la professeure St. Lewis. Même si son rapport est excellent, il pourrait être critiqué pour son manque “d’indépendance” de l’administration. Jusqu’à présent, nos communications ont été faites à travers Robert [Major]  et ont été scrupuleusement objectives. Nous avons simplement cherché à obtenir sa perspective sans pourtant lui imposer de limites, de contraintes ou de conditions. Elle était tout à fait libre de dire ce qu’elle voulait. Afin de garder cette relation professionnelle et objective avec elle, je veux que Robert soit le seul intermédiaire. Robert [Major]  pourrait simplement soulever que la première recommandation est incompatible avec ses conclusions. Il relèvera ensuite de la professeure St. Lewis de décider si elle y apportera des changements. Si plusieurs personnes lui envoient des courriels et l’appellent, notre sens du professionnalisme et de l’indépendance sera mis à risque.

Déjà dans une lettre envoyée par David Scott, avocat de l’Université d’Ottawa (U d’O), à M. Rancourt, on pouvait lire que Mme St. Lewis a rédigé son évaluation à la demande de l’U d’O dans le cadre de ses devoirs et responsabilités d’employée, et que ses efforts n’étaient pas personnels, mais dans l’intérêt de l’U d’O.

Nous avons tenté de rejoindre Mme St. Lewis, ainsi que l’administration universitaire afin d’obtenir des clarifications sur l’indépendance du rapport. Mme St. Lewis nous a renvoyé à son avocat, tandis que l’Université s’est refusée à tout commentaire comme pour tout dossier concernant Denis Rancourt.

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