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Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste
Alors que le mouvement La vie des Noir.e.s compte (Black Lives Matter) prend de l’ampleur, le syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) souhaite faire sa part. Son président, Babacar Faye, a partagé une déclaration réaffirmant l’engagement du SÉUO dans la lutte antiraciste, tout en livrant son expérience du racisme en tant qu’homme noir. Comment le SÉUO offrira-t-il son soutien à la communauté noire afin de lutter contre le racisme systémique à uOttawa ? Voici un portrait des différentes actions qui seront mises en place.
La déclaration est d’abord née de la nécessité pour Babacar Faye, de prendre la parole. En tant qu’homme noir, il raconte que dès la jeunesse il a été conscient des difficultés et du racisme auquel il ferait face. « J’avais envie de prendre [la parole] depuis le début des derniers événements, mais je ressentais un sentiment de mutisme devant l’événement. D’un côté, j’avais un sentiment de colère, de frustration et de fatigue qui me poussait à m’exprimer, de l’autre, j’avais l’impression que tout avait été déjà dit, que l’horreur des images parlait d’elle-même, et il me fallait reprendre mes esprits. Toutefois, je ressentais également un sentiment d’inconfort face à mon propre silence », confie-t-il.
Tout en rappelant qu’il ne peut se prononcer face aux sentiments de toutes les personnes de couleur, et que les ressentis entourant les événements sont multiples, Faye souligne que les tragédies racistes qui sont survenues dans les semaines passées ont donné naissance plusieurs conversations importantes à aborder en société. Ces conversations doivent mener à des actions concrètes, réitère-il.
Ce que propose le SÉUO
Suite à la déclaration, le SÉUO a mis en ligne une page web de ressources pour et par la communauté noire de l’Université d’Ottawa.
Le syndicat travaille activement à la mise en place d’événements pour la communauté. Prévu pour la mi-juillet et créé en partenariat avec l’association des leaders étudiants noirs (l’ALÉN), un spectacle mettra en valeur des artistes noir.e.s de la cohorte étudiante. Les artistes seront rémunéré.e.s pour leur participation.
En août, un autre événement sera organisé : une série de conférences sur la santé mentale pour les noir.e.s, autochtones et personnes racisées, dans laquelle le SÉUO investit 1500$.
Faye ajoute que le SÉUO divise les fonds de sa campagne entre des « événements pour la campagne shinerama et une campagne de levée de fonds pour des groupes engagés dans la lutte contre le racisme antinoir. » Il ajoute également qu’ils tenteront d’obtenir des dons de la communauté tout en poussant pour que l’université égale leurs dons.
Racisme systémique à l’Université d’Ottawa
Selon Faye, l’administration de l’U d’O doit d’abord reconnaître qu’il existe du racisme systémique sur le campus. « Les réponses de l’Université aux incidents de racisme et de discrimination sur le campus peuvent parfois donner l’impression qu’il n’y a pas de racisme systémique dans notre communauté ou que le racisme sur notre campus est un fait nouveau ou issu d’événements isolé. […] Il nous faut une reconnaissance des systèmes et facteurs sous-jacents au racisme de notre campus pour pouvoir l’éradiquer », poursuit-il.
Le Nguyen, coordinatrice des campagnes du SÉUO, donne en exemple les derniers événements de profilage racial, et notamment l’arrestation de Koulmiye-Boyce sur le campus en juin 2019.
Ce mois-ci, « les exécutifs du SÉUO ont adopté une motion pour soutenir la pétition pour rendre un cours sur l’antiraciste obligatoire à uOttawa », explique Nguyen. La pétition a d’ailleurs recueilli pas loin de 6700 signatures.
La coordinatrice précise cependant que le SÉUO reconnaît les préoccupations soulevées par Sam Yee dans une lettre ouverte du Fulcrum, à l’encontre de cette pétition. « Nous reconnaissons les préoccupations soulevées par Sam et nous soutiendrons les formations ou tout autre mécanisme alternatif qui garantit de ne pas victimiser ou rendre mal à l’aise nos membres des communautés noires, autochtones et racisées », ajoute-elle.
Les craintes comprennent la victimisation des personnes racisées, un espace non sécuritaire dans les classes pour les Black, Indigenous, and People of Color (BIPOC) et donner le fardeau aux personnes de couleur d’enseigner ce qu’est le racisme. Yee recommande donc de commencer bien avant l’université les cours sur le sujet tout en ajoutant des cours spécifiques à l’université, qui abordent en lien plus spécifique avec le programme d’études des étudiant.e.s.
Soutenir la communauté
Un des enjeux important pour les communautés BIPOC est celui de la santé mentale. Suite à un sondage mené sur les effets de la COVID-19, 63% des répondant.e.s ont confirmé que le virus a eu des effets négatifs sur leur santé mentale, partage Nguyen.
« Le SÉUO demande avec insistance à l’université de faire plus pour résoudre la crise de la santé mentale et le racisme systémique sur le campus, et l’une de nos suggestions est d’avoir des conseillers en santé mentale de la communauté BIPOC », affirme la coordinatrice des campagnes du SÉUO.
Une autre solution centrale est celle de la cueillette de données démographiques. Faye et Nguyen appuient que l’université ne dispose pas de données démographiques significatives pour comprendre les manques de représentation ainsi que l’expérience des individu.e.s racisé.e.s.
« Il est évident qu’il existe du racisme sur notre campus, mais on a souvent l’impression qu’il s’agit d’incidents isolés. La cueillettes de données serait une simple étape visant à confirmer une réalité que nous connaissons déjà et pousserait les acteurs nécessaires à agir concrètement. », affirme Faye.
L’université d’Ottawa a aussi lancé une enquête sur la diversité et l’inclusion « Campus Climate Survey on Diversity and Inclusion », qui a recueilli 6000 réponses.
Le SÉUO exprime la nécessité de publier les résultats de ce sondage afin « de mettre en œuvre des politiques inclusives pour promouvoir la diversité sur les campus. » Nguyen affirme qu’ils espèrent travailler avec le Sénat nouvellement élu pour lutter contre le racisme.
Agir au niveau national
Le SÉUO explique aussi avoir travaillé avec l’association des étudiant.e.s internationaux.ales pour élargir les critères d’admissibilité de la prestation canadienne d’urgence pour les étudiant.e.s (PCUE) aux étudiant.e.s internationaux.ales.
Aussi, les actions antiracisme ne doivent pas aussi pas se faire que sur le campus. « Nous devons reconnaître les privilèges dont nous bénéficions et examiner comment ces derniers peuvent servir à perpétuer ou démanteler les systèmes racistes. Cela se fait dans nos amphithéâtres, de même que dans nos bureaux et nos propres foyers. », raconte Faye.
« Nous devons étendre ces apprentissages et appliquer ces leçons dans toutes nos actions, de sorte que ce réapprentissage commence à s’intégrer dans les différents aspects de notre institution. »
Pour démanteler des siècles d’injustice, l’éducation reste centrale, pour désapprendre les biais d’un système raciste. L’éducation permet aussi de s’outiller à une société plus juste.