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reine Elisabeth II
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Décès de la reine : entre deuil et indifférence

Marina Toure
21 septembre 2022

Crédit visuel : Mark de Jong – Unsplash

Article rédigé par Marina Toure – Cheffe du pupitre Actualités

La reine du Royaume-Uni Élisabeth II s’est éteinte le jeudi 8 septembre 2022, après plus de 70 ans de règne. Au Canada, la période de deuil a coïncidé avec la campagne en vue des élections générales québécoises. S’en est suivie l’annonce d’un jour férié fédéral, ainsi que de nombreuses réactions des dirigeant.e.s politiques, qui n’ont pas échappé à la polémique. Cette nouvelle illustre la relation mouvementée entre le Canada et la monarchie britannique.

La reine Élisabeth II régnait sur le Royaume-Uni, l’Irlande du Nord et les royaumes du Commonwealth, dont le Canada. Elle occupait plusieurs rôles au Canada, comme ceux de cheffe de la monarchie canadienne ainsi que des armées. En pratique, ces rôles étaient symboliques, ce qui signifie que la monarque n’avait pas de pouvoirs sur le système politique et la gouvernance au Canada. « Elle règne, mais ne gouverne pas », résume Diego Elizondo, agent de projet au Réseau du patrimoine franco-ontarien.

Réactions mitigées

Suite à ce décès, les dirigeant.e.s politiques du Canada ont offert leurs condoléances et ont exprimé leurs réactions face à la nouvelle. Le Premier ministre fédéral, les larmes aux yeux, a fait référence à la reine comme étant « une présence constante dans nos vies ». Il a également annoncé, mardi 13 septembre, que le lundi 19 septembre serait dorénavant un jour de congé fédéral, en son honneur.

Cependant, tou.te.s ne partagent pas l’affliction de Justin Trudeau. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a exprimé son incompréhension face à la décision de mettre en berne les drapeaux au Québec. Celui-ci évoque une méconnaissance de « l’histoire [et du] rôle de l’Empire britannique dans l’histoire des Québécois et des nations autochtones ». Cette déclaration a par la suite été atténuée par ce dernier, qui a regretté des propos trop « spontanés ». Pour Elizondo, il s’agit d’une manière d’attirer l’attention des électeur.ice.s, « la campagne électorale [jouant un rôle] dans les déclarations ».

Contrairement aux dirigeant.e.s, l’opinion publique laisse voir une certaine ambivalence dans ses sentiments face à la mort de la reine. Robyn Lee Hotte, étudiante en sciences politiques et Juris Doctor à l’Université d’Ottawa (U d’O), explique : « je n’étais pas contente, mais pas attristée non plus ». Ses propos font écho aux résultats de notre sondage réalisé sur Instagram. En réponse à la question : « est-ce que la mort de la reine vous a attristé ? », 69 % des répondant.e.s ont répondu par la négative. 

Relation complexe

Afin d’expliquer la relation entre la reine Élisabeth II et le Canada, Daniel Claude Bélanger, professeur d’histoire à l’U d’O et auteur d’une monographie sur le loyalisme francophone, affirme qu’il s’agit d’un exemple de « l’ambiguïté du colonialisme au Canada ». Selon lui, les premières décennies du règne de la Couronne britannique au Canada français furent marquées par un fort attachement à la reine Élisabeth II. Celui-ci évoluera en hostilité au fur et à mesure de l’impérialisme britannique et des mouvements indépendantistes, continue-t-il. Elizondo nomme notamment le « Samedi de la matraque », en 1964, comme événement de proue.

Aujourd’hui, on retrouve une certaine neutralité au sein de l’opinion publique : « la reine ne dérange pas le Canada », déclare Elizondo. Cela s’accorde avec les sentiments du ou de la Canadien.ne moyen.ne face à cette nouvelle. Le rôle symbolique de la reine ne lui permettait pas d’agir au Canada, elle n’avait donc pas d’impact dans leur vie, poursuit-il. 82 % de nos répondant.e.s partagent cet avis.

Quel futur pour le Canada et la monarchie ?

Le décès de la reine Élisabeth II a entrainé une série de questionnement sur le futur du Canada. Celui-ci provoquera-t-il une remise en cause de la monarchie ? Qu’en sera-t-il de la relation entre la monarchie et les Premières Nations ? Ce questionnement se retrouve dans notre sondage, 45 % de nos répondant.e.s pensant que la mort de la reine sera susceptible d’entraîner des changements.

Pour Bélanger et Elizondo, la fin de la monarchie au Canada est impossible. Constitutionnellement parlant, cela requiert l’accord de sept des dix provinces, représentant 50 % de la population du Canada. Selon eux, mis à part le Québec, aucune autre province ne serait d’accord. Abolir la monarchie voudrait dire mettre en place un autre système politique au Canada, précisent-ils.

La question de la monnaie se pose néanmoins, la reine étant présente sur la majorité des dollars canadiens. Bélanger notifie que la production est en arrêt pour le moment et que la Monnaie royale canadienne est en attente des prochaines instructions du gouvernement Trudeau. Elizondo entrevoit quant à lui de prochaines rencontres avec le roi Charles III et prédit même un avenir de bonnes relations entre le nouveau monarque et le Canada.

Le jour férié fédéral en raison du décès de la reine a provoqué de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Certain.e.s utilisateur.ice.s expriment un mécontentement, car la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation n’est pas encore reconnue comme jour férié dans plusieurs provinces, dont le Québec et l’Ontario. Ces deux provinces ne reconnaissent pas non plus le jour férié pour la mort de la reine, qui ne s’appliquera qu’aux employé.e.s du gouvernement fédéral. « Je comprends la frustration […] on a un chef d’État purement cérémonial », déplore Hotte. Pour elle, il s’agirait d’avoir les deux jours fériés reconnus nationalement et par toutes les provinces.

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