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Debout citoyen.ne.s !

Par : Shérazade Faÿnel

Jonathan Durand Folco, professeur adjoint à l’Université Saint-Paul, a récemment présenté au Québec le municipalisme, un mouvement citoyen qui prône une gestion participative de la ville. Prenant forme à différents endroits du monde, il envisage une société plus inclusive, démocratique et écologique. Une ville aux mains des citoyens ? L’idée peine à émerger à Ottawa.

Vers une auto-gouvernance de la ville

Selon Durand Folco, spécialiste de la démocratie participative, les municipalités ne sont pas des lieux où les citoyens gouvernent. C’est pourquoi le professeur qualifie le municipalisme de « réappropriation des institutions politiques et économiques à l’échelle des villes ». Il lui semble important que « les gens aient une place dans le milieu où ils vivent ».

Ce mouvement considère qu’il est déjà possible dans le cadre actuel de mener une série de projets pour parvenir à un changement de société. Folco donne l’exemple des budgets participatifs qui existent aux quatre coins du monde ainsi que le projet de rendre abordables voire gratuits les transports en commun. « Les villes pourraient aider à créer une économie durable et ancrée dans le territoire », ajoute-il avant de préciser qu’« on peut utiliser le municipalisme comme levier pour propulser des initiatives contraintes par les systèmes de concurrence, les gros joueurs dans la ville ».

Dans un horizon plus large, Folco fait part du projet de réformer la démocratie par la base avec éventuellement une forme d’auto-gouvernement des villes. À plus long terme encore, les villes pourraient créer des coalitions pour voir émerger « un système politique et économique citoyen à grande échelle ».

Le rôle primordial des mouvements sociaux

En Espagne, tout comme sur d’autres parties du globe, des mairies ont intégré des logiques participatives importantes. Plusieurs villes ont décidé de se joindre à des associations et à des mouvements sociaux tels que les Indignés. Des coalitions entre des plateformes de citoyens et des partis politiques se sont alors mises en place pour gérer les institutions municipales. En Amérique du Nord, Durand Folco explique que « le mouvement n’a pas été accueilli en tant que tel car même le terme est peu connu ».

Malgré tout, aux États-Unis, des villes se distinguent et tentent d’apporter un renouveau municipal. La ville de Jackson a vu naître un mouvement afro-américain de gauche engagé, ce qui a abouti à une démocratisation de son économie. Au Canada, les municipalités ont un pouvoir plus tenu qu’aux États-Unis où elles bénéficient d’une reconnaissance dans la Constitution. D’autre part, la situation socio-économique au Canada n’est pas aussi critique que dans des pays comme l’Espagne, la Grèce ou encore la ville de Jackson qui a subi un ouragan et où la population noire est sous-représentée dans les institutions.

L’auteur précise : « S’il n’y a pas de crise socio-économique, à moins d’une grande ouverture d’esprit, il est plus difficile de remettre les règles du jeu en question ». En revanche, on décèle au Québec des événements qui vont dans le sens du municipalisme. A Montréal, Plante a proposé un projet progressiste. De manière générale, on a assisté dans la province à un renouveau municipal qui s’est couplé d’un intérêt croissant pour les villes. Pour cause, une histoire des mouvements sociaux et une politisation des élections municipales plus importante qu’ailleurs au Canada.

Un budget participatif à Gatineau

Les processus de participation citoyenne à la municipalité semblent minimaux. D’après Caitlin Salter, gestionnaire à la ville d’Ottawa, les citoyens sont consultés chaque année par rapport au budget et siègent dans des commissions à thèmes. De plus, cinq comités consultatifs rapportent des avis au conseil municipal.

Même si le but est de faire davantage participer les citoyens, Louis Simard, professeur en études politiques à l’U d’O, relève que « le diable est dans le détail en ce qui concerne les processus participatifs ». Bien que les villes mettent en place des processus de consultation « car c’est au goût du jour », il note qu’ils ont « un poids léger rendant les effets peu appréciés ».

Tout près d’Ottawa mais néanmoins du côté du Québec, Gatineau a mis en place un budget participatif. Selon Simard, « ces expériences sont d’autant plus concluantes que les enveloppes sont amenées à prendre de l’ampleur ». Il souligne qu’« il est particulièrement intéressant de voir des budgets participatifs ciblés, destinés à des populations souvent écartées de la scène municipale ».

Pourquoi pas à Ottawa ?

La question qui nous taraude… Pourquoi ce genre d’initiatives n’émerge-t-il pas à Ottawa ? S’il précise ne pas être spécialiste des questions municipales à Ottawa, Louis Simard a plusieurs hypothèses. Tout d’abord, la mise en place d’une gestion participative est souvent le fruit de luttes et de mouvements sociaux récurrents et significatifs. Or, il souligne qu’« on n’a pas vu ces dernières années de partis politiques municipaux inscrire les processus participatifs dans leurs programmes et agendas politiques ».

D’autre part, il note la forte présence de la Commission de la Capitale nationale (CCN) qui bénéficie de pouvoirs importants et réduit les marges de manœuvres de la ville. Simard explique qu’« on a la ville d’Ottawa d’un côté et de l’autre la capitale fédérale qui la supplante ». Enfin, il y a ce que certains ont appelé « Ottawa, planète Canada ». Les acteurs influents qui pourraient structurer la vie municipale sont souvent de passage et ils sont tournés vers l’échelle nationale ou internationale car Ottawa est la capitale.

« S’engager pour la ville, construire la ville, développer ce sentiment d’appartenance » est donc plus compliqué selon le professeur. Tout cela est additionné au peu d’intérêt des médias pour les questions municipales en comparaison à ce qu’il se passe aux échelles provinciale, fédérale ou internationale.

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