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Débat : « une aide financière insuffisante »

2 Décembre 2013

– Par Nicolas Gauvin –

Le gel n’est pas une option

Dans l’article publié la semaine dernière dans La Rotonde appelé « une aide financière insuffisante », on faisait référence à une lettre publiée par Éric C. Girard dans The Globe and Mail et dans laquelle il dénonçait les coûts imposants. Je crois que certaines rectifications s’imposent.

Dans un premier temps, je suis totalement en accord avec le fait que le régime de prêts et de bourses du gouvernement est nettement insuffisant : une aide financière maximale de 12 000 $ n’est pas suffisante. Par contre, la phrase suivante de l’article m’a fait tressaillir : « peu a été dit sur l’idée de réduire les frais de scolarité et empêcher une nouvelle hausse ».

En quoi est-ce que l’histoire de monsieur Girard constitue un argumentaire pour le gel des frais de scolarité? Quand allons-nous comprendre que les hausses de frais de scolarité sont inévitables? Le gel n’est pas une option à moins que l’on veuille des universités similaires au réseau d’universités du Québec : sous-financées et en décrépitude.

L’idée du gel est bâtie sur une prémisse un peu innocente : un gel des frais de scolarité engendrera une meilleure accessibilité et une meilleure fréquentation du réseau universitaire, or il n’en est rien. La Nouvelle-Écosse a les plus hauts frais de scolarité du pays et pourtant, c’est dans cette province qu’on retrouve le plus haut taux de fréquentation universitaire. L’Ontario a augmenté drastiquement ses frais de scolarité durant les années 90 et pourtant, son taux de fréquentation universitaire a également augmenté. Quant au Québec, celui-ci a les plus bas frais de scolarité au pays… Et l’un des plus bas taux de fréquentation universitaire.

Il n’y a donc aucun lien de causalité entre bas frais de scolarité et fréquentation, sans compter qu’étant constamment en compétition avec les autres universités, comme le fait remarquer très justement madame Des Rosiers dans l’article, l’Université d’Ottawa se doit d’offrir de meilleurs services. La bonification de cette offre par la contribution de chacun, c’est à dire l’ensemble des contribuables, des étudiants et des entreprises donatrices (il n’y a aucun mal à ce que des entreprises offrent des dons, loin de là contrairement à ce que pensent certains).

Cependant, toute hausse éventuelle devra selon moi s’accompagner d’une bonification progressive du régime de prêts et de bourses afin que celui-ci soit plus généreux et vienne soulager le fardeau financier de plusieurs étudiants.

 

– Par  Nicholas DuBois et David Beaudin Hyppia –

Ce qui semble vous échapper sur ce sujet… 

L’histoire d’Éric C. Girard est l’histoire de centaines d’étudiants qui, très souvent, n’osent pas se lever contre l’absurdité de leur situation.

C’est très simple : son histoire vient faire apparaitre (une fois de plus) le lien fastidieux entre l’argent et l’éducation. Son statut d’étudiant tient beaucoup plus sur des facteurs économiques que sur des facteurs académiques. Nos institutions universitaires aiment bien déclarer que nous possédons un système éducationnel abordable pour tous. En réalité, les barrières économiques se dressent de plus en plus alors que la logique d’austérité s’impose dans nos sociétés et que l’université s’y conforme rigidement.

Comme Éric C. Girard le dit, il ne pouvait plus être étudiant car il n’avait pas les moyens de payer. On parle ici plus particulièrement de l’étude du droit, qui coute beaucoup plus cher que les autres programmes universitaires. Les frais exorbitants qu’avait à payer M. Girard le poussèrent dans une position précaire, celle d’une portion croissante d’étudiant.e.s : dépendre d’un bord des prêts universitaires et de l’autre, du crédit des banques privées. L’étudiant qui cherche à développer ses capacités et son savoir devient une source de profit pour le capital financier, tandis que ses frais de scolarité subventionnent des recherches dont les retombées ne sont plus publiques, mais la propriété d’entreprises privées. Dans le discours néolibéral, chacun et chacune deviennent une mini-entreprise, qui perfectionne ses capacités selon le gré du marché, et qui porte le fardeau de la dette comme une médaille d’honneur démentie. Injustice, voilà ce que c’est.

Éric C. Girard représente bien le combat de plusieurs gens à faible revenu qui veulent s’intégrer et qui se font rejeter pour ce qui leur manque le plus, l’argent. Il s’agit beaucoup plus que d’un argumentaire pour le gel des frais de scolarité. C’est un appel à l’humanisation de la bureaucratisation « économisante » de l’université. « Quand allons-nous comprendre que les hausses de frais de scolarité sont inévitables? », dites-vous. On pense à la hausse quand on est dans la logique de la marchandisation du savoir, on y réfléchit quand on ne voit pas, en quatre ans de hausses, la différence dans les services, dans la qualité des cours, dans l’efficacité de l’administration, etc.

Vous semblez affirmer un lien de causalité entre l’augmentation des frais de scolarité et le taux de fréquentation, ce qui est bien évidemment aussi faux que son contraire. La vraie différence entre les deux, c’est que lorsque les frais de scolarité sont bas, la majeure partie de la population qui fait en dessous de 50 000 $ par année peut y accéder. La possibilité d’avoir une éducation est accessible. Lorsque le contraire se produit, la possibilité n’y ait qu’à moitié. Il est toujours possible d’y accéder, mais il faut s’endetter. La possibilité devient tout à coup envenimée d’un facteur monétaire qui néglige complètement le caractère personnel, l’intelligence, la vocation, bref l’humain que l’université cherche tant à avoir. Certes, le sou-financement est un grave problème des universités québécoises, mais en Ontario le problème prend forme de façon contraire. Aventurons-nous sur le terrain de l’économisme, tant réclamé par ceux qui s’opposent au gel ou à la gratuité. Les hausses qu’ont subies les étudiant.e.s ne représentent pas, quantitativement, ni qualitativement, un meilleur retour sur leur investissement. L’université profite de la réalité que très peu d’entre nous mettraient fin à notre relation d’affaires avec cette dernière puisqu’il est insensible de perdre les milliers de dollars déjà investis dans l’éducation. Donc lorsque l’université propose une hausse des frais, l’étudiant.e moyen.ne ne peut pas simplement refuser l’achat du produit et chercher ailleurs ; l’inégalité écrasante entre ces deux acteurs pousse l’étudiant.e. à accepter la hausse. Un refus aurait comme conséquence non seulement la perte d’accès à l’année académique elle-même, mais aussi de l’argent déjà investi dans les années précédentes.

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