– Par Léa Papineau Robichaud –
J’ai vécu une expérience plutôt spéciale la semaine dernière : un souper dans le noir. On nous met un bandeau qui nous bloque totalement la vue puis on nous guide à notre table. Ensuite, la rigolade commence. Avez-vous déjà essayé de manger du taboulé ou bien de vous verser un verre de jus sans voir ce que vous faites? Il s’agit d’une mission quasi-impossible.
Les yeux bandés, tu réalises l’ampleur du travail qu’ont à faire tes autres sens. On dit souvent qu’on mange d’abord et avant tout avec les yeux. Eh bien, avec un bandeau sur les yeux, c’est plutôt le nez qui fait le premier travail et qui nous indique si ce plat semble appétissant ou non. Puis, le goût fait la suite. Il détermine ce qui se trouve dans ton assiette. Croyez-moi, c’est assez impressionnant ce que ce sens est capable de faire. Quand on voit ce que nous mangeons, on prend souvent le goût pour acquis. Finalement, le toucher vient aussi jouer un rôle important. Si tu veux savoir s’il reste quelque chose dans ton assiette, pas le choix de te mettre la main dedans. Eh oui!
Je n’ai toujours pas parlé de l’ouïe, parce que durant ce souper une dame nous parlait. Sans la vue, il était extrêmement facile de se concentrer sur sa voix et s’imaginer ce qu’elle racontait. Cette dame, Kim Kilpatrick, est aveugle de naissance et aujourd’hui elle est conteuse et musicothérapeute.
Je ne l’ai entendue parler qu’une vingtaine de minutes et je ne l’ai même pas vue, mais je peux vous dire que Mme Kilpatrick est une personne inspirante.
Elle nous a raconté des histoires de toutes sortes, toutes plus farfelues les unes que les autres. Tout ce qu’elle racontait tournait autour de son handicap, des histoires banales de la vie de tous les jours, mais qui deviennent rigolotes lorsqu’il te manque ce sens important qu’est la vue.
Kim Kilpatrick, petite dame qui semble frêle et chétive (j’ai vu des photos), parle de son handicap avec tant d’autodérision qu’elle le transforme en épreuve de la vie totalement banale et facile à relever.
Pourtant, après avoir vécu un simple souper les yeux bandés, je crois que nous devrions réfléchir plus souvent à notre sort. Même si Mme Kilpatrick semble avoir une superbe vie, je crois que nous devrions nous considérer chanceux d’avoir nos cinq sens.
Ne serait-ce que de s’arrêter quelques secondes pour regarder les paysages et les sons qui nous entourent.