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Arts et culture

Avant d’acheter une poupée Barbie « inspirante »

Chronique

Par Gabrielle Lemire, Cheffe Arts et culture

La Journée internationale des femmes est chaque année une date à souligner. Non seulement c’est l’anniversaire de la merveilleuse femme qui m’a mise au monde, mais également c’est le temps de fêter les accomplissements de milliers de femmes qui, chaque jour, apprennent, innovent et transmettent leur savoir. C’est le temps de reconnaître les modèles accessibles de notre entourage. Le 7 mars, j’ai eu la surprise de constater que Mattel me facilitait la tâche en m’offrant, pour la modique somme de 29,99$ chacune, une gamme de poupées à l’effigie de l’aviatrice Amelia Earhart, l’artiste Frida Kahlo et la mathématicienne Katherine Johnson, parmi d’autres.

Malgré les efforts pour incorporer certains attributs caractéristiques des femmes qu’on essaie de représenter, je doute qu’une Frida Kahlo au torse du modèle « Fashionista Standard » ait convenu à l’artiste. Je doute aussi que Kahlo ait voulu que son essence soit coulée dans un corps mince d’une plasticité matérielle aux proportions loin d’être naturelles.

Rappelons-nous que dans les années 30, Frida voulait déjà dénoncer les standards de beauté et l’objectification du corps de la femme. En arborant le monosourcil et en accentuant le duvet sur sa lèvre supérieure dans ses autoportraits, la peintre rejetait la valeur matérielle constamment attribuée à son apparence. C’est pour son talent qu’elle voulait être reconnue.

Justement, pourquoi une femme devrait-elle être obligée d’arborer une beauté extérieure conventionnelle? Et n’y a-t-il pas une beauté dans ce qui est différent, ce qui se démarque? Ça, Frida l’avait déjà compris il y a 90 ans. Alors, elle est pour quand la poupée de l’athlète paralympique avec un membre manquant ou celle de la femme queer ou transgenre?

L’attente risque d’être longue.

Bravo à Mattel pour leurs poupées qui soulignent les femmes à succès. Cependant, j’aimerais savoir si les accomplissements de ces femmes exceptionnelles n’ont de valeur réelle que si elles dégagent aussi un certain sex appeal? Comme quoi, en tant que femmes, on se devait d’être et performante et jolie à la fois. C’est là que Mattel me perd.

Alors avant d’acheter une poupée Barbie de collection prétendument inspirante, je vous suggère de mettre votre 29,99$ à meilleur usage. Soit en achetant un billet pour un spectacle d’une humoriste, telles que Mariana Mazza ou Katherine Levac. Ces dollars peuvent aussi être remis en dons à des maisons venant en aide aux femmes à Ottawa, telles que La Maison de l’amitié, La Présence ou Harmony House.

Si 29,99$ excèdent votre budget, participez à un groupe de femmes tel que le regroupement hebdomadaire des femmes noires au Centre de ressources des femmes de l’Université. Inscrivez-vous à la liste d’envoi d’un blogue ou d’un média féministe, tels que Les trois brunettes ou Tapis Rose. Vous pouvez également dénoncer les stéréotypes et les injustices au quotidien et continuer de valoriser les accomplissements des femmes et ceux des hommes sur le même pied d’égalité.

Finalement, sans nécessairement porter le monosourcil, tentez d’offrir un compliment par jour à une femme sans faire mention de son apparence, mais bien en soulignant ses talents et ses compétences. Frida vous en serait reconnaissante.

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