Sciences et technologie
Par : Molly de Barros
Dans le but de discuter des enjeux actuels de la santé, la Conférence de Santé de l’Université d’Ottawa (CSUO) a eu lieu le samedi 20 janvier 2018 dans le Pavillon des Sciences Sociales (FSS). Environ 210 délégué.e.s se sont présenté.e.s pour en apprendre plus sur le domaine multidisciplinaire qu’est la santé.
Le symposium était composé de quatre séminaires tout au long de la journée ; chaque délégué.e avait deux choix par catégorie. Victoire Kpadé, co-présidente de la CSUO, explique que « tous les délégués ne sont pas forcément intéressés à entendre parler des médecins ». Elle affirme que « cela permettait aux délégués d’avoir la possibilité de voir différentes carrières au sein du même domaine ».
Diversité du public
Contrairement à ce que le nom de la conférence pourrait suggérer, celle-ci est loin d’être limitée aux étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa (U d’O). Selon Kpadé, 40% des individus présents ne provenaient pas de l’U d’O, voire d’Ottawa. C’est le pourcentage le plus élevé de délégué.e.s externes à l’Université que cette conférence, à sa 8ème édition, n’ait jamais eu, selon elle. Les personnes présentes provenaient de milieux très divers : Bakhtawar Riaz, diplômée d’un B.A. en sciences de l’Université de Brock, a expliqué qu’elle était « intéressée par la santé mentale », et qu’ « Ottawa est une ville agréable ». Olivia Dupuis, étudiante de deuxième année en Sciences biomédicales à l’U d’O, pense quant à elle que c’est une bonne chose « d’être avec des personnes qui veulent la même chose : développer le régime de la santé ».
Comme sur des roulettes
L’événement a duré toute la journée. Selon Kpadé, cette année « est la meilleure édition qu’on n’ait jamais eue ». La conférence « grandit tous les ans », et son « futur est brillant », ajoute-t-elle. Pour la première fois cette année, l’équité homme-femme a été respectée pour les orateurs. C’est également la première fois qu’un « orateur principal est une femme ». Autre nouveauté cette année : les panels de discussions ont réuni quatre professionnel.le.s de la santé pour débattre du rôle des psychiatres et de la pharmacologie dans la création d’une société grande consommatrice de médicaments; ils ont présenté et défendu leurs arguments pendant 1h20. Stéphanie Perron, étudiante en deuxième année du programme de Sciences biopharmaceutiques à l’U d’O, explique qu’elle a « vraiment aimé le panel de discussions; le sujet était très intéressant et pertinent à [son] programme ». « J’ai vraiment aimé pouvoir connaître plus des deux côtés de l’argument. Chacun des côtés avait des super bons points et ils avaient des moments super intenses », continue-t-elle.
Le groupe d’organisateurs est « très organisé et les tâches sont bien définies » explique Gabrielle Giroux-Deslandes, vice-présidente aux affaires externes de la CSUO. Elle s’est impliquée dans le comité organisateur du symposium, car elle « veut connaître des personnes qui aiment le domaine de la santé ». Victoire Kpadé, quant à elle, raconte qu’elle s’est « impliquée dans la CSUO en première année », car elle s’ « intéresse au domaine de la santé ». « C’est sa quatrième année au sein de la CSUO, dont deuxième en tant que co-présidente avec Amanda [Quan] ». Dans le futur, la conférence pourrait devenir un événement « sur deux jours au lieu d’un », et étendre sa portée encore plus hors de l’U d’O.
Encourager la curiosité

Crédits : Rémi Landry
La curiosité, c’est le maître-mot du discours du Dr. Andrew Pelling, professeur à l’U d’O, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en mécanique cellulaire expérimentale et nommé Senior Fellow TED2017. Il ouvre le symposium en expliquant ce qui lui avait permis de développer une méthode pour faire croître du tissu musculaire sur une tranche de pomme. Il partage son expérience et ses échecs, et encourage les membres du public à être curieux, ainsi qu’à étudier les problèmes rencontrés rigoureusement. Selon lui, les échecs peuvent entraîner de grandes découvertes.
Il explique que cette idée est née du processus de décellularisation, qui consiste à retirer toutes les cellules d’un organe, ne laissant que la matrice extracellulaire. Après laver et stériliser une tranche de pomme, il n’en reste plus que la cellulose. Il s’est donc servi de celle-ci, taillé en forme d’oreille, comme échafaudage sur lequel des cellules humaines peuvent croître. Il a par la suite découvert qu’après implantation, les macrophages du système immunitaire nettoient cet échafaudage. Finalement, les cellules avoisinantes, notamment les fibroblastes, forment une nouvelle matrice extracellulaire, ainsi que des nouveaux vaisseaux sanguins, et l’implant devient partie intégrante de l’organisme. Il dit, en plaisantant, que ce sont « des parties de corps biologiques et faites à la main pour les hipster ». Les essais cliniques débuteront prochainement.
Cette découverte pointe la direction pour le futur de la médecine régénérative, et le laboratoire Pelling est actuellement en train d’étudier l’utilisation possible d’autres fruits et légumes pour former d’autres organes, ainsi que les allergènes présents dans ceux-ci. Il rappelle que les légumes coûtent bien moins cher que le silicone présentement utilisé, et insiste une dernière fois sur le fait que l’ « échec [soit] primordial ».
Introduire la santé globale

Crédits : Rémi Landry
L’épidémiologie, soit l’étude des modèles de santé, et la santé globale ont un but commun : « d’améliorer la santé et de réduire les inégalités ». Tels sont les propos de la Dr. Alice Zwerling, épidémiologiste des maladies infectieuses, et économiste de la santé. Elle explique que les maladies infectieuses créent de l’inquiétude partout dans le monde, et en quelque sorte, rendent le « monde plus petit ». Par exemple, le virus Zika risque d’entraîner des anomalies congénitales, dont la microcéphalie avec un risque d’environ 1%, ce qui est 50 fois plus important que le risque normal, chez le fœtus d’une mère infectée. Celui-ci a été
Elle étudie plus spécifiquement la tuberculose (TB), actuellement la maladie infectieuse la plus mortelle au monde avec 1,5 million de victimes annuelles. Mycobacterium tuberculosis infecte plus de 9 millions de nouveaux individus par an. Ces données sont d’autant plus choquantes que la TB est curable avec des antibiotiques. Elle insiste alors sur l’importance de l’argent dans la santé globale. « Les conséquences économiques sont un argument très fort » pour convaincre des organismes de financer des recherches, selon Dr. Zwerling. Elle explique qu’un traitement doit être rentable. Par exemple, si un nouveau traitement est découvert et qu’il est plus efficace, mais plus cher que l’ancien, il ne sera possible de déterminer sa rentabilité qu’en comparant le coût et l’importance de l’amélioration du traitement. Elle affirme que « la propension à payer est de 50 000$ au Canada » par année de vie pondérée par la qualité. Dr. Zwerling insiste sur le fait que « la rentabilité et l’accessibilité sont différentes ». La TB a affecté de manière très importante les populations indigènes, notamment le peuple Inuit, et a créé un stigma. Contrairement au HIV, qui affecte des personnes célèbres, ce qui « incite à la recherche », la TB est un challenge. Il nécessite « une volonté politique et de l’engagement ».
Elle est convaincue que la « TB sera éradiquée », et espère que « cela se produira durant notre existence ». Cet événement lui a permis d’ « éduquer des étudiants de premier cycle sur la santé globale […], et [elle] aurait aimé qu’on [lui] parle de ces questions quand [elle était] étudiante au premier cycle ».
Diversité dans le monde de la santé
Deanna Schofield, Superintendante du Service paramédical d’Ottawa et chargée de liaison avec l’Hôpital d’Ottawa, explique que la clé de sa profession est l’ « instinct viscéral ». En effet, il est important de pouvoir déterminer rapidement si un individu est malade ou non. Elle rassure le public en affirmant que sa « carrière a été cahoteuse ». Elle encourage tous les futurs professionnels de la santé à admettre leurs erreurs médicales afin de les éviter dans le futur. Étant donné qu’elle est chargée d’éduquer la nouvelle génération de paramédics, elle explique qu’il est primordial d’ « adapter l’enseignement à l’individu ». Elle insiste également sur le fait que tous doivent faire preuve d’intégrité professionnelle, c’est-à-dire « de faire un bon travail même lorsque personne ne regarde ». Schofield lutte pour l’inclusion de tous au sein de la communauté des paramédics, notamment les trans.
Les inégalités homme-femme sont également quelque chose que Schofield s’efforce de combattre. Avant de devenir superintendante, elle raconte avoir subi de nombreuses oppositions, et que ses « efforts n’étaient pas reconnus ». Elle continue à lutter pour le droit des femmes, qui par exemple n’ont aucune position de superviseur à temps plein, à travers l’Association des Femmes paramédic.
Communiquer les sciences
« Faites en sorte que chacun de vos mots compte ». Jessie MacAlpine, Top 20 du Canada des moins de 20 ans et étudiante à l’Université de Toronto, introduit des qualités de communication que chaque futur professsionnel.le de la santé se doit d’avoir. Elle explique que bien le fait de parler de ses recherches soit très important à la diffusion du savoir, le faire incorrectement peut avoir de graves conséquences. Les médias ont tendance à « causer des inquiétudes chez la population » concernant les enjeux de la santé, et il ne faut qu’un article avec des informations incorrectes pour qu’une personne soit convaincue que par exemple la vaccination cause l’autisme, et qu’elle ne changera pas d’opinion en voyant la littérature scientifique. « Le domaine de la santé est politique », et il est donc important que chacun lise la littérature scientifique derrière un article, sur des sites comme NCBI, afin d’avoir toutes les informations pour analyser une étude ou un concept scientifique.