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Critique du Bureau de la traduction : Les étudiants de traduction debout en soutien à Le Blanc.

– Clémence Labasse

Un nouvel outil de traduction est depuis quelques semaines au cœur d’une confrontation entre un professeur de l’Université d’Ottawa (U d’O) et la présidente-directrice générale (PDG) du Bureau de la traduction (BT) du gouvernement fédéral. Après que Charles Le Blanc, professeur en traduction, ait exprimé sa virulente opposition à l’outil dans les pages du journal LeDroit, Donna Achimov aurait contacter les superieurs du professeur pour exprimer sa désapprobation. Derrière ce conflit en apparence ponctuel et relativement bénin pour l’U d’O, se cacherait cependant une frustration bien plus grande de la part des étudiants, des membres du département et de la profession. Retour sur un conflit médiatisé.

Des pressions bien réelles…

La Rotonde a pu obtenir des informations sur l’échange de courriels entre Achimov et Luise von Flotow, la directrice de l’École de traduction, révélé par Radio-Canada.

Dans son premier message, la PDG explique à la directrice que le professeur Le Blanc a fait des erreurs factuelles dans sa lettre, et rappelle que « le gouvernement du Canada est le plus grand consommateur de services de traduction, d’interprétation et de terminologie au pays ». Elle insiste par la suite sur l’importance pour le département et les étudiants de comprendre que le futur de ce qu’elle appelle « l’industrie de la langue » passe par l’usage de technologies innovantes. Beaucoup des diplômés de l’école pourraient, selon elle, contribuer à « la sophistication » de ces outils.

Si elle ne conteste pas la qualification de sa gestion du BT comme celle d’« une entreprise privée » par Charles Le Blanc, Achimov assure que cela n’est pas pour autant synonyme d’irresponsabilité. « Les technologies ne remplaceront pas les traducteurs et interprètes professionnels », affirme-t-elle, avant de conclure en réitérant les liens forts qui unissent l’Université d’Ottawa et le Bureau de la traduction.

En réponse, Luise von Foltow a tenu à lui assurer de la bonne foi du Département. Se dissociant des propos du professeur titulaire, elle assure que « le maintien de [notre partenariat avec le Bureau] est très important pour l’École de traduction et d’interprétation, car elle assure une expérience enrichissante pour ses étudiants, favorisant l’apprentissage de divers outils/approches de traduction, ainsi que de stage lors de leurs études et de possibilités d’emploi futur ».

… Mais une frustration qui l’est encore plus

Pour les étudiants cependant, la pilule ne passe pas.

Bastien Zara, étudiant de 4e année en traduction français-anglais et chef de la délégation de l’Université d’Ottawa aux 4e Jeux de la traduction, a, comme ses camarades, suivi l’affaire de près. « Nous avons lu la lettre de monsieur Le Blanc dans notre cours de révisions, tous les étudiants ont applaudi », raconte-t-il. « Selon moi, la réponse de la Faculté était inappropriée. »

Aline Maurel, professeure à temps partiel de traduction, a travaillé 19 ans au Bureau de la traduction. Elle était présente quand les étudiants ont applaudi la lettre de Charles Le Blanc : « S’il est vrai que le Bureau de la traduction a toujours été le plus gros employeur de nos diplômés, depuis 3 ans ils n’embauchent plus personne, même pour des stages, ou des opportunités Co-op. »

« Quand j’ai entendu parler du nouvel outil qu’ils utilisaient, j’ai cru que c’était une blague », explique Zara. « Achimov, une anglophone venue du monde des affaires, ne comprend pas que la traduction ce n’est pas un produit qu’on peut faire à la chaine. C’est un service qui est nécessaire. Elle ne comprend pas que l’enjeu, c’est avant tout la francophonie et le respect du français. »

Un combat : le français

Dans sa lettre ouverte, Charles Le Blanc explique que son indignation, au-delà du simple outil de traduction, tient au mépris de la langue française. Selon lui, les nouvelles décisions du Bureau sont politiques et la démonstration que « le français est langue officielle, mais que l’anglais est, lui, langue “nationale”. »

Au-delà des couloirs de l’Université, ce sentiment est aussi partagé par des professionnels à travers le pays. Geneviève Sauvé, traductrice dans le domaine de la santé à Val-des-Monts au Québec, a, depuis le début de l’affaire, démarré une pétition en ligne pour demander la démission de Donna Achimov. À ce jour, celle-ci ne compte cependant que 188 signataires.

 

Le Blanc contre Achimov : chronologie d’une controverse

3 février 2016   Radio-Canada révèle qu’un outil de traduction nouvellement mis en place au BT du gouvernement fédéral serait inefficace. Malgré le fait que celui-ci n’ait été développé que pour les communications internes, la mauvaise qualité des traductions inquiète les fonctionnaires, qui craignent que la langue française soit la première à en pâtir.
9 mars
2016
Un professeur titulaire de l’École de traduction et d’interprétation de l’U d’O, Charles Le Blanc, publie dans le journal LeDroit, une lettre intitulée « Donna Achimov doit démissionner ». Il s’indigne face au manque de respect pour le métier de traducteur, et pour la langue française en générale, que représente selon lui la gestion du bureau par la PDG comme « une entreprise privée », et la mise en place de cet outil dans la fonction publique.
13 mars 
2016
Radio-Canada apprend que la PDG n’a pas apprécié la critique, tant et si bien qu’elle a fait savoir sa désapprobation en envoyant un courriel à la directrice de l’École de traduction et d’interprétation de l’U d’O, Luise von Flotow ; avec en cc le doyen de la faculté des Arts et le sous-ministre de la sécurité publique et champion de l’Université d’Ottawa auprès du gouvernement, François Guimont. Le professeur a alors dit se sentir « victime d’une tentative intimidation ».
14 mars 
2016
L’U d’O se prononce sur l’affaire en cours. Néomie Duval, gestionnaire des relations avec les médias de l’U d’O explique qu’il faut savoir faire « la part des choses entre la mission académique de l’Université et les débats qui ont cours sur notre campus, » et que si l’Université soutient la liberté d’expression de son professeur, le maintien du partenariat avec le BT reste très important pour l’École.

 

 

 

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