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Arts et culture

Critique de film : La Vie d’Adèle

24 février 2014

– Par Ludivine Magand –

Bleu des cheveux d’Emma, bleu du bus, bleu des vêtements qu’elles portent toutes les deux dans les bois, bleu des ongles de leurs amies ; il semble que le regard d’Adèle se fasse de plus en plus présent au travers de la caméra, à mesure que le film avance. Bleu, la couleur des garçons pour un film sur un couple lesbien. Bleu comme pour signaler la présence du réalisateur et nous rappeler que la beauté des corps, l’émerveillement d’Adèle est transmis par le regard d’un homme qui regarde ces femmes, les scrute et les sublime. D’où l’ambiguïté. Peut-on être juste lorsqu’on parle d’homosexualité? Il semble que ce film trouve sa balance dans cette discrète plurisexualité assumée. Les femmes ne sont pas simplement objet de désir, elles sont belles, touchantes, justes, humaines. Ici, on sent que le sexe n’est pas une provocation, qu’il est tout simplement question d’une histoire d’amour comme il en est tant d’autres. Nous ne sommes pas Adèle, mais bien Thomas : Kechiche décortique tout, les moindres émotions de la jeune femme, de son quotidien, comme de son corps. Et c’est grâce à ce dévoilement absolu qu’il parvient à rendre une belle manière d’être au féminin. Un féminin qui se découvre dans les yeux d’une autre femme (cf. l’attention portée au baiser qu’Adèle donne au sein d’Emma comme pour signifier que c’est grâce à elle qu’elle nourrit sa féminité, mais également le fait qu’elle s’apprête finalement pour se rendre à l’exposition de celle qu’elle chérit). Adolescente brute, diamant naturel, Adèle est de plus en plus féminine, lumineuse. Elles trouvent en cette femme autre, une définition d’elles-mêmes, une féminité et une maturité nouvelles. Et de bleu, l’écran se teinte progressivement de lumière pour sortir de ce monde essentiellement masculin ; il se pare d’une féminité évanescente, non sans douleur. Aussi, outre l’engagement politique de montrer un couple homosexuel au temps des polémiques sur le mariage gai, Kechiche dépeint également la difficile problématique de trouver son identité en tant que femme dans le regard d’une autre, au sein d’un univers où le discours paternaliste/du père prime (cf. la discussion familiale lors de la première rencontre entre les parents d’Adèle et Emma). L’affirmation du désir au féminin est ainsi une épreuve identitaire et sociale à laquelle Adèle fait face, avec ses doutes, sa sensibilité et ses larmes qui touchent unanimement un public conquis par sa justesse.

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