Crédit visuel : Andrey Carmo – Directeur artistique
Par Marguerite Friend – Secrétaire de rédaction
Les activités humaines semblent mener l’humanité à sa propre extinction. Des experts en matière environnementale affirment que le scénario à venir pour la Terre ne s’annonce pas rassurant. Les prédictions qui, autrefois, s’étendaient à quelques siècles, se rapprochent maintenant à quelques décennies seulement.
Encore une fois, si l’humanité ne se décide pas à faire un virement drastique vers un mode de vie plus simple et plus équitable, les statistiques inquiétantes pourraient augmenter. Comment modifier les habitudes de huit milliards d’individus d’un coup ?
Avec l’actualité et le sentiment d’urgence qui sollicitent l’attention de tou.te.s ; il peut paraître difficile d’analyser l’ensemble de la situation de manière détachée.
Les conseils de Locke
Le philosophe anglais de la fin du 17ième siècle, John Locke, offre son portrait idéal de la société et des échanges humains.
Il décrit dans son Traité du gouvernement civil paru en 1690, les bases du comportement humain qu’il imagine pour assurer la liberté et la survie d’une société. Il aborde entre autres, l’état de nature, l’état de guerre, et la notion de propriété. Ces angles proposent des limites à l’humain.e pour éviter la situation excessive actuelle.
État de nature
Selon Locke, l’humain.e débuterait l’expérience de la vie complètement libre et nullement influencé.e par un groupe social. Seul.e l’humain.e et les lois de la nature agiraient comme influence de son existence.
Sa liberté ne permettrait cependant pas « le droit de se détruire lui-même non plus de faire tort à aucune autre personne ». L’humain.e aurait donc la responsabilité d’assurer que sa liberté ne nuit en aucun cas à sa vie et à celle de ceux et celles qui l’entourent.
Locke considère donc que tou.te.s peuvent exiger à un individu de cesser toutes activités dangereuses ou nuisibles à la liberté de vie d’autrui. Il propose précisément, dans son ouvrage, que lorsque « quelqu’un viole les lois de la nature […], il se conduit par d’autres règles que celles de la raison de la commune équité ».
Locke considère également que le conflit entre les humain.e.s et les lois de la nature proviendraient d’un « amour-propre [qui les rendraient] partiaux et les [feraient] pencher vers leurs intérêts ».
Liberté équitable
Ainsi, Locke semble voir l’humain comme libre à la base et semble proposer un monde où tout.e humain.e possède les ressources dont ils et elles ont besoin pour survivre.
Il semble aussi imposer une équité de base qui lui aurait été inspirée par une observation des lois de la nature. Dans cet ordre d’idées, tou.te.s ceux et celles qui nuisent donc, consciemment ou inconsciemment, à la liberté d’autrui pourraient, en tout temps, être contraint.e.s à cesser leurs activités dangereuses ou négatives pour la communauté.
Dans le cadre de la crise environnementale cela impliquerait une régularisation des actions de chacun.e.s sur la liberté d’autrui. Par exemple en imposant des règles interdisant l’exploitation de ressources, le gaspillage ou l’exploitation d’autrui.
État de guerre
Chez Locke, lorsqu’un humain demande à un autre individu des dédommagements pour le mal causé, cela correspond à une forme d’état de guerre.
La raison présente chez tou.te.s, dans cette lignée, permettrait d’imposer des punitions à ceux et celles qui nuisent, en étant conscient.e.s des conséquences.
Pour le philosophe, ces pratiques sont justifiées par la défense légitime face à celui qui aurait causé nuisance. Le but est, dans ce cas-ci, d’assurer que l’humain.e utilise sa raison le plus honnêtement et justement que possible.
Cet état de guerre est vu comme utile seulement si la liberté et les lois de la nature sont menacées par un.e autre individu.
Propriétés et environnement
Enfin, Locke reconnaît empiriquement que la propriété s’acquiert d’abord avec le travail. Selon lui, « tout ce [que l’humain.e] a tiré de l’état de nature, par sa peine et son industrie, appartient à lui seul », souligne-t-il dans son Traité.
Le travail sur une chose extérieure à soi offre ainsi un droit de propriété sur cette chose. Il voit en la Terre une abondance presque infinie.
Toutefois, le philosophe n’approuve pas l’appropriation excessive des ressources qui ne sont pas durables. Plus précisément, s’approprier des ressources qui dépassent les besoins de soi et de sa famille nuirait à la liberté d’autrui et mériterait une réglementation.
En effet, il affirme dans son ouvrage que « ce serait une grande folie, aussi bien qu’une grande malhonnêteté, de ramasser plus de fruits qu’on n’en a besoin et qu’on n’en peut manger ».
Le rôle de l’argent
L’argent, selon lui, encourage l’accumulation inutile de ressources. Il décrit, dans son Traité, que l’argent serait « une chose durable, que l’on peut garder longtemps, sans craindre qu’elle se gâte et se pourrisse », contrairement à la majorité des ressources naturelles.
Pour Locke, « il est facile […] de concevoir comment le travail a pu donner, dans le commencement du monde, un droit de propriété sur les choses communes de la nature ».
Ainsi, lorsque l’humain.e accumule trop pour ses intérêts personnels, ceci ne contreviendrait pas aux lois de la nature proposées par le philosophe.
La convention de l’argent encouragerait donc, pour Locke, l’accumulation excessive de ressources afin d’assurer un revenu plus grand et de servir ses intérêts. Cela impliquerait ainsi que la liberté d’autrui se voit affectée et, selon Locke, comme proposé précédemment, cela mériterait d’être régularisé et voir même puni.
Conclusions environnementales
Locke, proposerait donc aujourd’hui, un mode de production plus simple, voire-même plus individuel, où chacun.e se procurerait le strict nécessaire pour survivre.
Le philosophe propose à la société de veiller à ce que tou.te.s ait la liberté d’accéder à l’abondance offerte par la Terre. Aujourd’hui, cette abondance semble se faire de moins en moins durable.
Des changements drastiques au niveau de libertés plus superficielles pourraient orienter l’humain.e vers l’essentiel et une liberté de survie équitable, telle qu’idéalisée par Locke.
Laisser aller le superflu
Le philosophe anglais est habité par un contexte et une époque radicalement différente de l’époque actuelle. Cependant, certains de ces concepts s’appliquent encore à la politique d’aujourd’hui et, donc, aux problématiques qui habitent l’actualité.
L’approche de Locke sur la crise environnementale actuelle s’annonce comme une approche qui souligne les effets dévastateurs de celle-ci sur la liberté équitable ainsi que sur l’un des principes de base que le philosophe voit en l’état de nature : la survie.
Celui-ci ferait probablement appel à l’état de guerre pour permettre aux défenseurs de l’environnement d’assurer la liberté équitable de tou.te.s.