Les profs en communication nous répètent souvent que sur le marché du travail, il faut pouvoir gérer les imprévus, alors qu’entre les murs d’une salle de cours au rez-de-chaussée de l’édifice Desmarais, tout est mesuré, calculé, encadré. Chaque mot est pesé pour ne pas excéder une charge de 75 minutes et quelques grammes qui seront testés de manière cumulative en fin de session. Sur les bancs de La Rotonde, il n’y a pas de syllabus. Il y a des marches sous la pluie, sous la grêle, sous la neige pour aller tremper son micro dans les eaux de la FÉUO, ou dans celles tout autant saturées de frustration, d’un concert de Niska à – 4000 degrés Celsius.
Au 109 Osgoode, l’imprévisible dépasse les 4000 caractères, déborde au-delà des réunions et côtoie le va-et-vient des journalistes, photographes, vidéastes et autres spécimens carburant au café du Circle K.
Qu’on adhère ou non à l’esprit rotondien, on finit par être gagné par les citations d’anciens employés du journal qui ont été collées sur les murs de la salle de production à des heures beaucoup trop matinales pour un lundi. On finit aussi par vivre pour les rencontres les plus enrichissantes de nos courtes vies d’étudiant.e.s, pour les entrevues qui durent plus d’une heure entre les murs du Café Alt, pour les concerts gratuits et les conférences de presse (dîners inclus) où on ne parvient pas à dissocier les médias des ambassadeurs de l’Union européenne (ceci est un cas fictif, bien entendu).
Même si mon entourage m’a peut-être découvert des tendances masochistes d’édition en édition en me voyant m’infliger un travail d’équipe hebdomadaire perpétuel, à La Rotonde, c’est un système de soutien que j’ai déniché. Un amalgame de jeunes dépareillés qui se tiennent les coudes en apprenant de leurs erreurs et en mettant tout de côté pour le Saint Graal d’une production réussie avant 23h le dimanche (merci au couvre-feu de notre cher imprimeur). C’est à bout de souffle, la plume vidée de tout son vocabulaire, écrasée par la lourdeur des cernes qui ornent à présent mes yeux tout de même pétillants de fierté, que j’entame une été pour me recharger.
Mon année à La Rotonde m’a permis de retrouver mon côté fonceur, qui s’était égaré en première année d’université. J’ai passé deux semestres à essayer de rattraper le rythme de vie que je m’étais imposée, lorsque je me suis pointée à l’entrevue sans savoir que c’en était une qui allait me convaincre qu’en plus de lire les horoscopes, j’avais maintenant le droit de les écrire ! (Désolée Maria pour la révélation). Merci à tous les artistes qui ont suscité chez moi toutes ces remises en question, merci de m’avoir nourrie de vos folies et de votre passion débordante pour votre travail.
J’aimerais souligner qu’au début de l’année scolaire, une ancienne du journal m’avait dit que nous n’étions pas du tout une équipe « rotondienne ». Après huit mois infusés aux articles et aux artistes, je me permets d’affirmer que La Rotonde est vivante par l’essence que lui insufflent les individus qui oeuvrent, fidèles au poste, pour assurer sa lisibilité et sa pertinence chaque semaine.