Par Emmanuelle Gingras
Il n’y a pas bien longtemps, le monde entier a été bouleversé par le retour de certains doutes envers des actes de pédophilie de la part de Michael Jackson avec la sortie du documentaire Leaving Neverland, présentant l’histoire de deux soi-disant victimes, Wade Robson et James Safechuck. La question est depuis dans l’air : faut-il faire la distinction entre l’artiste criminel et son art ?
On apprenait récemment la cessation de diffusion de musique du Roi de la pop sur plusieurs stations radiophoniques québécoises telles que CKOI, The Beat et Rythme FM, acte qui ne change concrètement rien, selon moi.
À qui appartient l’art de l’artiste ?
L’art n’appartient plus à l’artiste à partir du moment où le public se l’est approprié. Ce que je veux dire, c’est que l’artiste, oui, se distingue de ce qu’il fait. Si punition a été donnée à l’artiste, la qualité de son travail n’en est pas amoindrie.
Certains diront que son art est un reflet de sa personne, mais en quoi son crime, concrètement, se reflète en son art si celui-ci n’est en aucun cas un rappel à l’acte criminel ?
Toutefois, attention : je crois toutefois que de défendre Michael Jackson en raison d’attachement émotif n’est pas mieux. Continuer d’écouter sa musique par le simple fait d’apprécier son art et réfuter les actes de Michael Jackson par simple culpabilité n’est pas la même chose. Être dans le déni qu’une idole soit capable de commettre un crime est la représentation que je crois être la plus nuisible dans l’équation.
Encore, assumer la consommation d’une œuvre pour le bien qu’elle nous apporte est justifiable. Rejeter le crime de quelqu’un en raison d’une trop grande impartialité est problématique dans la mesure où l’on ne confronte pas la possibilité que cette réalité se soit produite.
Redirection vers le réel problème
Je trouve entre autres perturbant des remarques comme celle du rappeur T.I. qui, le 6 mars dernier sur Instagram, affirmait que le documentaire était raciste et « détruit une autre forte légende historique noire ». Celui-ci souligne qu’il ne faudrait pas oublier de mentionner d’autres artistes responsables de crimes similaires tels qu’Elvis Presley, Hugh Hefner, par exemple. Je ne crois sincèrement pas que cette redirection de problème soit pertinente dans le cas échéant. Ce n’est pas complètement faux mais…
Bon, il ne faut pas être dupe : le cas Michael Jackson rouvre la discussion sur la prise de défense par idolâtrie. Il est des plus pertinents, puisqu’il informe sur le phénomène même de la pédophilie, il ne faut pas trop tenter de trouver d’autres justifications. Dans un article avec Newsweek, Nadia Wager, experte en abus chez l’enfant, affirme : « Vraies ou fausses [histoire des deux victimes de MJ], elles élèvent un problème important que nous avons besoin de mieux comprendre afin d’éviter que cela arrive à nouveau à l’avenir ».
Celle-ci affirme que la société semble toujours avoir eu de grandes difficultés à croire en la possibilité d’agressions sexuelles pédophiles en raison d’un besoin de croire en l’impossibilité du rapport sexuel entre enfant et adulte.
Je crois ainsi qu’il faut certes faire une constatation sur le passé, mais ensuite le mettre derrière soi et trouver comment ce genre d’actes peut être évité à l’avenir, sans avoir à s’y accrocher ou le tordre de façon absurde. Qu’une discussion sur le phénomène soit entamée, mais à ne pas confondre l’art de l’artiste et encore moins un problème d’un autre.