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Conférences sur l’autochtonie contemporaine : « Nos esprits ne sont plus définis par des étrangers » – Alanis Obomsawin

– Par Alex Jürgen Thumm –

Plusieurs conférences sur les enjeux contemporains qui touchent les Premières Nations, données par des membres de la communauté, se sont déroulées sur le campus. D’autres activités sont à venir, dont la présentation du livre Indigenous Interventions de Miranda Brady, la visite de la cinéaste Alanis Obomsawin et le visionnement d’un long métrage sur les pensionnats indiens. Une conférence par Claudette Commanda sur la condition des femmes autochtones aura lieu également le lundi 16 mars.

Le Café féministe a invité Miranda Brady, professeure en journalisme et communication à l’Université Carleton, le 4 mars dernier. La conférence se présentait surtout comme une présentation du livre Indigenous Interventions qu’elle a coécrit avec John Medicine Horse Kelly et qui paraîtra prochainement chez UBC Press. Ce livre, en considérant des occurrences telles que les pensionnats, la Commission de vérité et de réconciliation et les arts indigènes, explore les « manières dont les peuples indigènes travaillent en dedans des institutions culturelles afin de confronter les omissions historiques » et « les politiques d’une culture majoritaire ».

Mme Brady a présenté à une quinzaine d’universitaires les avantages et les inconvénients présents lorsque les institutions euro-canadiennes coloniales sont confrontées à celles des peuples indigènes. D’une part, la recherche académique peut grandement contribuer à faire avancer la politique, même si la méthodologie exigée par les universités est fondamentalement coloniale et non indigène, et puisque l’on y parle du besoin d’« accéder à telle ou telle communauté » en tant qu’entité externe, les comités d’éthique de la recherche servent pourtant à empêcher les projets de recherche peu respectueux et trop intrusifs.

D’autre part, il faut prendre le rôle des institutions avec un grain de sel. L’Office national du film a pour but, même s’il soutient les cinéastes indigènes, l’avancée « d’une souveraineté culturelle nationale » pour le Canada, selon Mme Brady, c’est-à-dire où il n’y aurait pas de peuples à part. Mme Brady s’est interrogée sur les projets de réconciliation du gouvernement, dont les intentions « servent au fond aux impératifs coloniaux » dans la mesure où la colonisation se permet de se justifier. D’ailleurs, on a tendance à considérer les Premières Nations comme une culture unifiée, alors qu’il y a infiniment de communautés différentes qu’il faudrait peut-être considérer individuellement.

Toutefois, elle estime qu’il y a eu des avancées importantes dans la dernière décennie. Plus simplement considéré comme un peuple mort et représenté dans des musées comme relique du passé, il y a eu un tournant de cette perspective anthropologique sur les Premières Nations vers une perspective participative qui parle des Indigènes et de leur vie contemporaine.

Alanis Obomsawin : une femme wabanaki

La cinéaste et graveuse autochtone renommée Alanis Obomsawin a rendu visite à l’Université le 6 mars dernier, deux jours avec la Journée internationale des femmes, pour donner la Conférence annuelle Shirley Greenberg en études des femmes. Mme Obomsawin a 82 ans et réalise des documentaires sur la culture et l’histoire des Premières Nations depuis 40 ans pour l’Office national du film, son dernier documentaire ayant paru en 2014 sous le nom de Trick or Treaty?.

Michael Orsini, professeur et directeur de l’Institut d’études féministes et de genre, l’a présentée en insistant sur l’importance de sa capacité d’écoute dans sa carrière cinématographique. En effet, Mme Obomsawin, dont le nom de famille veut dire « éclaireur », a offert une synthèse puissante et émouvante de l’histoire de sa nation, les Wabanaki, ou le peuple du soleil levant, et de sa portée sur sa propre enfance. L’isolation et la discrimination grandissant en tant que seule famille indigène à Trois-Rivières l’a façonnée de manière définitive. « Après y avoir déménagé, ma mère est devenue plus catholique que le pape », a-t-elle plaisanté.

Par le biais de ses propos et des extraits de quatre films qu’elle a réalisés, son message en était un d’espoir, d’opportunité, d’autodétermination et de changements importants. Depuis 1952, notamment, lorsque les Premières Nations pouvaient dorénavant fréquenter l’université, beaucoup d’avancées positives se sont réalisées. « Les années 1960 étaient une belle période. Nous n’étions plus comme des immigrés au Canada », a-t-elle constaté devant l’audience d’une cinquantaine de personnes. « Nos esprits ne sont plus définis par des étrangers ».

« Notre peuple a toujours dit que la septième génération sauverait notre peuple, celle-ci aurait été la mienne, mais je pense que c’est maintenant la vraie septième génération », estime-t-elle. Mme Obomsawin observe un éveil sans précédent chez les jeunes des Premières Nations. « Ils se reconnaissent et dans les deux derniers ans surtout, ils lâchent la boisson et la drogue ». Il y en a de plus en plus qui écoutent les aînés et qui trouvent du sens dans les traditions, « ils veulent vivre comme avant, changer leur vie et reprendre leur langue ». Qu’il y a des jeunes des Premières Nations dans tous les métiers et qu’ils ont de l’espoir et une présence politique vocale sont des manifestations très frappantes d’un « progrès vers la citoyenneté » qui se déroule depuis les années 1950.

L’héritage des pensionnats

Présenté par l’École de service social, un troisième atelier a eu lieu, intitulé « Rendez-vous avec l’héritage des pensionnats indiens ». Il s’agissait d’un visionnement du long métrage Nous n’étions que des enfants, suivi d’une discussion avec Katy Tanguay, Algonquine et membre de la communauté Abitibiwinni au nord du Québec. Elle est travailleuse sociale de formation, agente de liaison autochtone au Conseil des écoles publiques de l’est de l’Ontario et conseillère à la ligne de crise et de support des survivants des pensionnats indiens.

Une prochaine conférence, sur la condition des femmes autochtones, aura lieu le lundi 16 mars à 13 h au FSS 4007. Elle sera présidée par Claudette Commanda, Algonquine Anishinabe, membre du conseil des gouverneurs de l’Université des Premières Nations du Canada et professeure en droit à l’U d’O.

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