
Conférence sur le pluralisme : Tunisie : où est passée la Révolution des jeunes?
Le 22 octobre dernier, un forum organisé par le Centre mondial du pluralisme avait lieu à la Délégation de l’Ismaili imamat. Parmi les panélistes, Mehdi Jomaa, ancien premier ministre tunisien, et Marwan Muasher, ancien ministre des Affaires étrangères jordanien.
Par Yasmine Mehdi
Des serveurs aux tabliers immaculés interrompant les conversations de diplomates chevronnés pour leur proposer des hors-d’œuvre; voilà où en est arrivée la Révolution des jeunes Tunisiens, quatre ans plus tard. Une question demeure : les fruits de la Révolution ont-ils été récoltés par ceux qui l’ont amorcée?
La conférence
« Les perspectives du pluralisme après le printemps arabe : la Tunisie propose-t-elle une voie à suivre? » Voici la question à laquelle les panélistes ont tenté de répondre devant une salle particulièrement remplie, comme l’atteste un organisateur de l’évènement : « Je pense que c’était uniquement quand monsieur Kofi Annan est venu qu’on avait autant de monde! »
Mehdi Jomaa, premier ministre tunisien de 2014 à 2015, était l’invité d’honneur de la soirée. Pendant celle-ci, l’ancien chef d’État a évoqué les raisons du succès tunisien, tout en rappelant les difficultés qui pavaient le chemin vers la démocratie.
Pour pallier ces difficultés, Jomaa a invité la communauté internationale à investir dans ce qu’il a qualifié de « start-up de la démocratie ».
Marwan Muasher, ancien ministre des Affaires étrangères jordanien a, quant à lui, profité de l’occasion pour dresser un portrait global de la politique dans les pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, tout en félicitant l’exception tunisienne.
Et les jeunes dans tout ça?
À plusieurs reprises, la déception des jeunes Tunisiens a été mentionnée. « La Révolution a été menée pour que les jeunes aient plus d’opportunités, mais quand on regarde la situation aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’elle est meilleure qu’avant », a avoué Jomaa.
Ce constat est partagé par Soumaya El Kamel, étudiante en science politique à l’Université d’Ottawa. Mme El Kamel a rappelé que le taux de chômage était moins élevé sous Ben Ali, tout en déplorant que plusieurs jeunes « se retrouvent dans les cafés à ne rien faire alors qu’ils ont des doctorats ».
Pour Jomaa, la solution à ce désillusionnement serait d’expliquer aux jeunes que le processus démocratique sera long et qu’ils doivent être patients. Muasher a pour sa part déclaré que les jeunes devaient être plus organisés s’ils voulaient récolter les fruits de leur Révolution.
Cependant, pour Mohamed Ourya, expert de la politique arabe et professeur à temps partiel à l’Université d’Ottawa, demander à la jeunesse de s’organiser serait déraisonnable.
« Comment la jeunesse peut-elle être organisée comme une force politique ou syndicale? […] Ça ne signifie rien de mettre tous les jeunes Tunisiens dans un seul panier et de leur dire ‘Vous n’êtes pas organisés, donc vous ne pouvez pas récolter les fruits de votre révolution’ ».
Au-delà de ces divergences d’opinions, Soumya traduit mieux que quiconque le ressentiment de la jeunesse tunisienne en déclarant : « On a l’impression que la Révolution nous a été volée. »