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Concilier antiracisme et francophonie avec Elie Ndala

Emily Zaragoza
29 mars 2024

Crédit visuel : Courtoisie

Entrevue réalisée par Emily Zaragoza — Journaliste

Février est le mois de l’histoire des Noir.e.s. Mars, celui de la francophonie. Ce sont deux thématiques chères à Elie Ndala. Élève en doctorat à la Faculté d’éducation, cet étudiant engagé, notamment au sein de l’Université d’Ottawa, est revenu, pour La Rotonde, sur son parcours dans l’antiracisme en contexte francophone.

La Rotonde (LR) : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous engager ? Un évènement en particulier a-t-il servi de déclencheur ?

Elie Ndala (EN) : J’ai fait un baccalauréat en éducation avec une majeure en biologie puis en anglais. Au départ, je n’étais pas impliqué. Les questions d’équité, de diversité et d’inclusion n’étaient pas encore mon fort. Pendant mon parcours, j’ai constaté que des étudiant.e.s racisé.e.s — moi y compris — avaient plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail. À ce constat se sont ajoutées les questions qui me préoccupaient en tant qu’immigrant de génération 1.5. Mes parents, originaires de la République démocratique du Congo, avaient eu, eux aussi, du mal à trouver un emploi.

En parallèle de ces réflexions personnelles, un évènement mondial a déclenché mon engagement : l’assassinat de George Floyd. Cette vidéo était la preuve visible du racisme qui persiste dans nos sociétés. J’ai ressenti, comme le reste de la communauté, la nécessité d’avoir un espace pour m’exprimer.

LR : Vous êtes l’un des membres fondateurs du Groupe d’action contre le racisme anti-noir.e.s (GaCran). Pourquoi et comment a-t-il vu le jour ?

EN : La mort de George Floyd a touché la communauté noire, sauf que du côté francophone, il n’y avait pas de plateforme pour échanger. Avec ma directrice de thèse, Phyllis Dalley, nous avons constaté que des étudiant.e.s, incluant moi-même, avaient besoin de se manifester et de discuter de ces vulnérabilités en français. Après trois rencontres, avec l’aide d’autres participant.e.s, nous avons décidé de fonder le GaCran. Depuis quatre ans, nous essayons de combler ce besoin de réflexion sur le racisme qui a tardé à arriver au Canada, surtout en comparaison avec les États-Unis où l’antiracisme a une longue histoire.

C’est important de pouvoir aborder ces questions dans un contexte francophone. L’enjeu linguistique prend beaucoup de place au sein de la francophonie, quitte parfois à en oublier l’antiracisme ou à le reléguer à l’arrière-plan. Je voulais créer un espace où il est possible d’avoir des discussions tant sur la francophonie que sur la race ; pas soit l’un soit l’autre. Dans un pays où il y a de l’immigration, de la diversité, il faut avoir ces discussions-là pour nous, pour nos enfants et pour les générations futures.

LR : Vous avez été à la direction de la revue « Voix amplifiées », pouvez-vous nous parler de cette initiative ?

EN : La revue a été un merveilleux projet, l’un de ceux dont je suis le plus fier. L’idée était de mettre sur papier les conversations que nous avions au sein du GaCran et avec les étudiant.e.s. Comme nous sommes aux études supérieures, l’écriture et la recherche sont importantes. Nous souhaitions encourager la rédaction académique, mais aussi la rédaction de formats libres qui permettent simplement de s’ouvrir et de parler d’enjeux qui sont chers à la communauté étudiante. Comme l’explicite le titre de la revue, nous souhaitions amplifier les voix qui sont souvent marginalisées.

LR : Comment parvenez-vous à mener à bien tous ces projets et à les concilier avec d’autres sphères de votre vie ?

EN : J’aimerais souligner que plusieurs des initiatives que j’ai pu mettre en place ont été possibles grâce au soutien de la Faculté d’éducation. Par exemple, nous [équipe du GaCran] avons obtenu des financements pour la revue et pour des conférences.

Sur le plan personnel, j’essaie de m’entourer de personnes bienveillantes qui me stimulent intellectuellement. Quand je ressens un poids et que j’ai besoin d’être épaulé, je sais que je peux aller chercher conseil auprès d’elles. Puis, je suis quelqu’un qui est très optimiste et qui pense que rien n’arrive par hasard. C’est peut-être à cause de ma foi, car je suis très croyant. Souvent, je prends des moments pour me retrouver avec moi-même et j’essaie de m’aligner avec la raison. C’est le destin qui me guide et j’essaie de garder cette mentalité pour avancer.

LR : À quoi ressemblerait la société idéale ?

EN : Je trouve cette question très intéressante, quitte à passer pour un utopiste. Je dirais un monde dans lequel il est possible d’avoir des échanges beaucoup plus ouverts, où les personnes vont à la rencontre des autres. Après la mort de George Floyd, certaines personnes ont commencé à me poser des questions sur mon expérience : « Qu’est-ce que cela fait, Elie, d’être noir et de vivre dans ta peau ? Quelles sont les micro-agressions que tu reçois ? ». C’est un premier pas et il faut continuer à s’affranchir de l’individualisme pour discuter ensemble de race, de religion, de genre, de classes sociales, etc. Dans ma culture, où on élève les enfants ensemble dans la communauté, les gens sont portés vers les autres. C’est une approche qui permet d’avoir en tête le bien commun et de s’intéresser à ce que les autres vivent.

LR : Que diriez-vous aux étudiant.e.s qui n’osent pas s’engager ou faire un pas vers les autres ?

EN : Il faut tenter sa chance, puis voir quelles sont les réactions et les résultats. De nature, je suis quelqu’un de très introverti, donc j’ai été à leur place. Aux études, j’ai réalisé que dans des domaines comme l’éducation, c’est impossible d’avancer seul.e. J’aime beaucoup le proverbe : « Seul, on va vite, mais ensemble, on va plus loin. »

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