– Par Marc-André Bonneau –
Au lendemain de l’ajournement de la session parlementaire pour la période des Fêtes, Postes Canada a annoncé une série de mesures visant à redresser les finances de la société d’État. Le président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Denis Lemelin, s’est entretenu avec La Rotonde pour discuter ces changements.
M. Lemelin affirme que ces mesures s’inscrivent dans « une lutte politique » et que plusieurs activités de mobilisation sont à prévoir. « On organise une manifestation à Ottawa le 26 janvier, qui va se terminer devant le bureau du premier ministre. On cible directement le premier ministre Harper, puisqu’il est en mesure de changer et de ramener Postes Canada à l’ordre. »
Selon les plans de la société de la couronne, d’ici 2015, des boîtes communes remplaceront le courrier à domicile tel qu’on le connaît aujourd’hui. Ces dernières, qui sont déjà présentent dans certains quartiers, obligeront les gens à se déplacer pour obtenir leur courrier, ce qui peut être problématique pour les individus à mobilité réduite. Actuellement, on estime que le tiers des foyers canadiens reçoivent leur courrier à domicile.
Sans ces mesures, Postes Canada prévoyait souffrir d’un déficit annuel de près d’un milliard de dollars par année, jusqu’en 2020. En plus de délaisser les services à domicile, une hausse importante du prix des timbres postaux est prévue. Coutant actuellement 63 ¢, leur prix à l’unité grimpera à 1 $ à partir du 31 mars 2014.
M. Lemelin souligne que d’autres alternatives sont possibles pour Postes Canada. « On a fait d’autres propositions. Par exemple, au lieu de couper, il est possible de faire l’expansion de services, tels que les services bancaires et financiers. »
Le président du syndicat affirme que tous ont un mot à dire dans les discussions sur l’avenir des postes. « On invite l’ensemble de la population à y participer. En même temps, le 27, on va organiser des activités partout au pays, soit des activités publiques, soit des rencontres avec les municipalités. Il y a plusieurs aspects à cette lutte politique ». Comme l’indique M. Lemelin, au-delà du questionnement de la position du gouvernement, les impacts de ces mesures doivent aussi être abordés au niveau municipal.
En décembre, Postes Canada a défendu son plan en comité parlementaire. Deepak Chopra, président de Postes Canada, a affirmé que les changements apportés ont été « réfléchis » et que ceux-ci seront graduels.
Face au fait que l’annonce ait été faite au lendemain de la fermeture de la session parlementaire, M. Lemelin affirme que « c’est évident que c’est l’approche du gouvernement Harper ». En procédant ainsi, ce dernier explique que « comme le gouvernement ne voulait pas avoir un débat sur le service postal avant Noël, l’annoncer le lendemain était comme un pacte avec Postes Canada. D’un côté, le gouvernement a donné un congé de paiement au niveau de certains aspects du fonds de pension et Postes Canada se retourne de bord et met en place un plan qui va éliminer l’équivalant de 6000 à 8000 emplois partout au pays. »
M. Lemelin a aussi soulevé qu’une multitude d’aspects qu’apporte la poste doivent être soulevés dans le débat, comme le lien social entre le facteur et les citoyens qui est créé par la livraison à domicile. De plus, beaucoup d’individus se déplacent en voiture pour aller chercher leur courrier dans les cases postales, ce qui pourrait être une source de pollution considérable. Ainsi, selon ce dernier, il y existe plusieurs conséquences indirectes.
La conversion de plus en plus de comptoirs postaux qui prendront la forme de comptoirs concessionnaires est une autre mesure qui permettra à la société d’État d’économiser. Ces comptoirs sont généralement installés dans d’autres entreprises qui acceptent de les héberger, telles que les pharmacies. Cette mesure sera principalement mise en place dans les plus petites communautés.
Ces modifications ont notamment été présentées comme nécessaires à cause du changement des habitudes des Canadiens. L’agence explique que la « transition historique de communications utilisant le papier à des échanges numériques » a causé cette baisse dans le volume de lettres envoyées. Un ménage canadien achète en moyenne une ou deux douzaines de timbres par année.
Les représentants du Nouveau Parti Démocratique (NPD) se sont montrés inquiets quant aux besoins particuliers de certains groupes, tels que les personnes âgées, et ont évoqué que tout sera fait pour que la livraison à domicile demeure. Un député du NPD, Robert Aubin, a décrié ces mesures en affirmant « qu’il faut être aveugle pour ne pas voir qu’il y a dans ce gouvernement une arrière-pensée pour une privatisation éventuelle. C’est dans l’idéologie conservatrice. »
Cette diminution de services et hausse de frais ont été appuyées par le gouvernement du Canada. La ministre des transports, Lisa Raitt, a déclaré que « le gouvernement du Canada appuie Postes Canada dans ses efforts pour remplir son mandat d’assurer son autonomie financière afin de protéger les contribuables. »
Le président du syndicat souligne que « tout va être mis en œuvre pour qu’un débat se fasse ». De ces compressions émergent de nouvelles questions, telles que le genre de service public dont veulent les gens. « On veut susciter un large débat public autour du service postal. On commence avec le retour en chambre. On sait qu’on a des rencontres avec les partis de l’opposition et on espère que le relais au niveau de la chambre va être pris en charge par les partis de l’opposition, ce qui va nécessairement se passer. On a aussi une pétition qu’on invite les gens à signer et des lettres à envoyer aux députés. »