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Sports et bien-être

Commotions cérébrales dans le sport : À en perdre la tête

commotion– Par Douglas De Graaf –

Les avancées médicales des dernières années ont révélé que les problèmes engendrés par les commotions cérébrales peuvent être une plaie conséquente pour le sportif. En plus de symptômes persistants gênants et d’une période d’indisposition souvent longue, il semblerait qu’il y ait également chez les victimes des conséquences à long terme plus graves comme l’augmentation du risque de développer des formes de démence.

Un intérêt récent

Les commotions cérébrales ont longtemps été un phénomène négligé par la recherche médicale et les instances sportives. Cependant, depuis quelques années, il commence à faire l’objet d’une attention accrue au niveau sportif et médical au Canada. En effet, sa médiatisation est devenue plus forte depuis la multiplication de commotions cérébrales, notamment à cause de l’explosion des sports de contact en Amérique du Nord, des problèmes de la star du hockey Sidney Crosby, mais aussi et surtout à cause des déclarations d’anciens boxeurs ou joueurs de football se lamentant de leur état mental. La recherche médicale a alors commencé à établir un lien éventuel entre les chocs à la tête et l’apparition future de formes de démence (troubles cognitifs et psychologiques), voire la maladie d’Alzheimer. Pour François Tremblay, professeur à la Faculté de sciences de la santé et directeur du laboratoire des neurosciences cliniques à l’Institut de recherche Bruyère, « on prend de plus en plus conscience ces dernières années de l’ampleur du problème ».

Un choc à ne pas prendre à la légère

Janie Cournoyer, étudiante au doctorat en sciences de l’activité physique se spécialisant dans la biomécanique des commotions cérébrales, a été thérapeute du sport pour une équipe de football. Elle était la première personne qui s’occupait des joueurs après un choc à la tête. Pour elle, une commotion cérébrale peut très bien résulter d’un impact au niveau du cou ou d’une autre partie du corps (le contrecoup se faisant au niveau de la tête). Souvent, rien ne permet de le deviner à l’œil nu. De plus, la majorité d’entre elles sont « légères » : le joueur est juste sonné et pense pouvoir reprendre le jeu. C’est pour cela que la plupart des commotions cérébrales ne sont pas signalées. Pourtant, les conséquences peuvent être dramatiques. Mlle Cournoyer parle notamment du « second impact syndrome » : quand un adolescent subit un deuxième choc à la tête peu après une commotion cérébrale, les conséquences peuvent être mortelles. Il est donc très important de ne pas prendre de risque et de retirer le joueur du jeu après une suspicion de commotion. Des syndromes de commotion peuvent apparaître un ou deux jours après (maux de tête, nausée, perte d’équilibre, d’attention). Cependant, pour M. Tremblay, « dans 85 % des cas, les jeunes récupèrent très bien après deux à trois semaines et ne présentent plus de séquelles ». Mais comme il le souligne également, dans 15 % des cas, « des problèmes à plus long terme vont survenir et sérieusement affecter la vie de tous les jours ». En outre, subir une première commotion cérébrale augmente considérablement le risque d’en avoir une deuxième.

Un lien supposé avec des formes de démence

M. Tremblay tient toutefois à faire remarquer que « la relation de cause à effet [entre des traumatismes mineurs et des troubles neurodégénératifs précoces] n’est pas encore clairement établie ». Cependant, plus les études s’accumulent, plus le lien doit être envisagé. M. Tremblay note qu’« il faut le voir comme un facteur de risque pouvant accélérer le déclin des fonctions cognitives avec l’âge ». Toujours selon le professeur, « avoir plus de trois commotions cérébrales par saison multiplierait par cinq le risque de développer des formes de démence dans le futur ». Des travaux ont mis en évidence que le cerveau de jeunes sportifs de 18 ans ayant subi de multiples commotions cérébrales présenterait déjà des signes neurodégénératifs apparentés à ceux détectés dans la maladie d’Alzheimer. Ces jeunes ont connu des fins tragiques (mort par accident ou suicide) et leur existence était caractérisée par des problèmes typiques d’adaptation au niveau social (isolement, relations conflictuelles).

Des avancées freinées par des obstacles majeurs

Avec la médiatisation accrue du phénomène, des améliorations ont suivi. Dans le cadre de ses fonctions de thérapeute, Mlle Cournoyer utilisait notamment le SCAT, un questionnaire sur la mémoire et l’attention, qui permet de détecter plus facilement une commotion. L’investissement dans l’équipement a également permis de réduire considérablement l’impact du choc. La prévention existe aussi, pour diminuer les risques, comme des exercices physiothérapiques qui permettent de renforcer les zones du cou et de la tête. Enfin et surtout, de nouvelles lignes directrices récemment publiées en Ontario permettent aux soigneurs et aux médecins de mieux diagnostiquer et traiter les commotions. Toutefois, plusieurs obstacles majeurs subsistent toujours. Mlle Cournoyer et M. Tremblay se rejoignent sur deux points : l’éducation et la sensibilisation. Très peu d’entraîneurs ou de parents connaissent les conséquences d’une commotion cérébrale, et ils laissent souvent les joueurs qui viennent d’en subir continuer le jeu. Les joueurs eux-mêmes, par peur de « perdre leur place dans l’équipe » notamment, privilégient le jeu à leur sécurité, selon Mlle Cournoyer. La mentalité des sports de contact est aussi fortement mise en cause par M. Tremblay. « On se relève, on joue », mentionne-t-il. Quant aux parents, ils ne devraient pas inscrire leur enfant aux sports de contact avant 14 ans car leur corps n’est pas encore adapté à supporter les chocs. Mais le problème majeur pour le professeur est surtout le manque de soigneurs formés au niveau amateur, et surtout scolaire. Beaucoup de médecins eux-mêmes méconnaissent le phénomène (le scanner ou l’IRM ne permettent pas de détecter une commotion). Au niveau supérieur, enfin, la NFL et la LNH ont voulu se débarrasser du problème en investissant dans l’équipement, qui ne permet pas d’éviter le contrecoup du choc, plutôt que dans du personnel qualifié. Des problèmes subsistent donc à tous les niveaux et chacun doit agir dans le bon sens. « Il reste encore énormément de chemin à faire », conclut M. Tremblay.

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