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Sports et bien-être

Comment allier performance sportive et bien-être pendant le ramadan ?

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique

Article rédigé par Jessica Malutama — Cheffe du pupitre Sports et bien-être

Chaque année, le Ramadan invite les musulman.e.s du monde entier à se recentrer sur leur foi et leur spiritualité. Au-delà des idées reçues, cette période est aussi l’occasion de prendre soin de son bien-être physique et mental. Deux expert.e.s et une étudiante de l’Université d’Ottawa reviennent sur les pratiques qui leur ont permis de concilier jeûne, activité physique et spiritualité pendant ce mois sacré.

Le Ramadan, bien plus qu’un jeûne

Le Ramadan, l’un des piliers de la foi musulmane, implique bien plus qu’une simple abstinence alimentaire, souligne Belal Hafez, co-fondateur de The Healthy Muslims (THM) et entraîneur sportif personnel. L’expert indique que la question de l’optimisation des performances sportives et de la nutrition pendant cette période reste peu abordée dans le monde du fitness. Selon lui, il est essentiel d’avoir des expert.e.s intégrant à la fois connaissances scientifiques et compréhension des réalités culturelles des communautés musulmanes.

Chaymaa Dinouri, étudiante en sciences politiques et communication à l’Université d’Ottawa et vice-présidente interne à Dawah uOttawa, insiste sur la dimension spirituelle du jeûne : « Le but, c’est d’apprendre à contrôler ses désirs en résistant à la faim, à la soif, mais aussi d’implémenter de bonnes habitudes et d’améliorer son caractère, par exemple en priant plus ou en lisant davantage le Coran ».

Nazima Qureshi, co-fondatrice de THM, diététicienne et nutritionniste, évoque les nombreux bienfaits du jeûne, tant sur la santé physique que mentale, de la réduction de l’inflammation à l’amélioration de la concentration. Elle met cependant en garde contre des choix alimentaires déséquilibrés qui pourraient en annuler les effets positifs.

Des initiatives comme THM cherchent à concilier les valeurs culturelles musulmanes et la recherche du bien-être physique. « Il est possible de maintenir sa santé sans sacrifier son identité culturelle », affirment les deux auteur.ice.s d’un livre publié en 2020 alliant conseils nutritionnels et entraînements adaptés au mode de vie musulman.

Adapter ses entraînements 

Loin d’être un obstacle à la pratique sportive, le Ramadan peut offrir une opportunité de repenser son approche du sport, souligne Hafez. Selon lui, il est essentiel d’ajuster l’intensité et le volume des entraînements afin d’éviter une fatigue excessive liée au jeûne.

Hafez conseille de profiter de cette période pour travailler des aspects fondamentaux propres à la discipline sportive que l’on pratique, mais aussi la mobilité, la stabilité et l’amélioration de la technique. « Ce n’est pas un moment pour battre des records. La performance maximale est nécessairement impactée, mais on peut maintenir sa condition physique et sa masse musculaire », explique l’expert, qui recommande un entraînement en résistance, même à intensité réduite.

Pour Dinouri, concilier sport et Ramadan repose sur l’organisation. Elle pratique la boxe, la natation et le renforcement musculaire, mais a nécessairement réduit sa charge d’entraînement : « Non seulement parce que je jeûne, mais aussi parce que je veux prier la nuit (tarawih) et me concentrer sur mes études », explique-t-elle.

Des activités comme la natation requièrent plus d’ajustements, comme nager après la rupture du jeûne pour éviter l’ingestion d’eau involontaire, notifie l’étudiante. Elle profite aussi d’espace comme le Sisters Fitness Club et a récemment fondé WeSport à l’Université d’Ottawa pour offrir aux femmes musulmanes un environnement sportif sûr et inclusif.

Entre les prières du soir et le décalage des repas, le manque de sommeil affecte la récupération et le développement musculaire, notifie Hafez. Il recommande de s’entraîner après la rupture du jeûne, quand le corps a accès aux nutriments, et de se préparer au Ramadan en adaptant progressivement l’intensité des séances des mois à l’avance pour mieux gérer les contraintes du jeûne.

Quoi manger et pourquoi ? 

La nutrition joue un rôle clé pour maintenir l’énergie et la performance durant le mois sacré, indique Qureshi. Contrairement au jeûne intermittent, le Ramadan est un jeûne sec, sans nourriture, ni boisson en dehors des fenêtres de repas : l’iftar (au coucher du soleil) et le sahur (avant l’aube).

La diététicienne-nutritionniste avance que le sahur est un repas essentiel qu’il ne faut pas sauter, car il garantit un apport énergétique durable pendant la journée. « Les étudiant.e.s qui vivent seul.e.s optent souvent pour des plats rapides et faciles, mais qui ne sont pas équilibrés », partage Dinouri. Qureshi recommande d’éviter les glucides simples (pain blanc, céréales sucrées) et les fritures, au profit des céréales complètes, comme les flocons d’avoine, des protéines, des fibres et des fruits.

L’hydratation est également cruciale : elle suggère de boire entre 500 et 700 ml d’eau au sahur, et jusqu’à un litre pour les athlètes. L’ajout d’électrolytes peut également être utile en cas d’activité physique soutenue.

L’iftar, souvent synonyme de repas festifs riches en sucre et en graisses, peut être équilibré en privilégiant des protéines maigres, des glucides complets et des légumes, souligne la nutritionniste-diététiste. Dinouri rappelle qu’il est possible d’adapter les plats traditionnels, en optant pour la cuisson au four plutôt que la friture, ou en remplaçant le sucre par du miel.

Prendre soin de soi et des autres, un devoir spirituel 

« Le Coran encourage à protéger son mental, son coeur et son corps. Beaucoup de personnes minimisent les bénéfices du sport, mais cela m’a beaucoup aidé pour ma santé mentale, comme la prière », affirme Dinouri. « Une des choses qui nous est enseignée en Islam, c’est de manger halal et sain (tayyib) », pour garantir un bien-être global, mais aussi pour des raisons spirituelles, ajoute Hafez.

Pendant le Ramadan, il est facile de négliger la nutrition et l’activité physique, mais Qureshi insiste sur l’importance de maintenir un mode de vie équilibré : « On pense souvent que nous n’avons pas le temps de bien manger ou de s’entraîner, car on se concentre sur la prière. Pourtant, faire de meilleurs choix alimentaires et rester actif.ve.s, par exemple en marchant pendant ses pauses plutôt que de rester assis.es, nous donne plus d’énergie pour être pleinement investi.e.s dans notre spiritualité », affirme-t-elle. Elle précise que prendre soin de sa santé ne profite pas qu’à soi : faire des choix plus sains permet selon elle d’être plus patient.e et d’avoir l’énergie nécessaire pour interagir avec ses proches.

De son côté, Dinouri rappelle que préserver sa santé est essentiel pour remplir ses responsabilités envers sa communauté. « Il est de notre devoir en tant que musulman.e.s de prendre soin de notre famille et de notre communauté. Si toi-même tu n’es pas bien dans ton corps ou pas en santé, comment peux-tu faire ça ? », demande l’étudiante. Bien-être physique, santé mentale et engagement spirituel ne sont donc pas des éléments isolés, mais qui se renforcent mutuellement, conclut Qureshi.

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