Crédit visuel : Annie Éthier – Contributrice
Entrevue réalisée par Aïcha Durcharme-Leblanc – Journaliste
Codirectrice du collectif de poésie Les Frivoles, autrice et comédienne, Clémence Roy-Darisse est aussi, depuis septembre, étudiante à la maîtrise en théâtre à l’Université d’Ottawa. L’artiste se livre sur sa passion pour l’art, l’environnement, la justice sociale, et sa lutte contre la crise climatique.
La Rotonde (LR) : Qu’est-ce qui vous a poussé vers le théâtre ?
Clémence Roy-Darisse (CRD) : J’ai commencé à toucher aux arts avec le violon […]. J’aimais beaucoup la musique, mais le seul petit hic, c’était qu’à chaque fois que je faisais une erreur, ça se voyait tout de suite sur mon visage. Les gens me disaient en blaguant : « tu devrais faire du théâtre parce que t’es tellement expressive ».
C’est seulement à l’âge de quatorze ans que j’ai commencé à en faire concrètement avec des cours. J’ai abandonné le violon pour me plonger d’abord dans le théâtre musical […], puis j’ai fait du théâtre avec le Théâtre de l’Île au cégep, et à l’Université. Ça a l’air que je suis encore dans ça, malgré la pandémie ; c’est impossible pour moi d’arrêter, même si tous les théâtres sont fermés.
LR : Qu’est-ce que vous aimez dans le théâtre ?
CRD : Son aspect collectif et rassembleur. C’est un art qui, comparativement au cinéma et à la télévision, repose sur le présentiel […]. La base du théâtre, c’est d’être un groupe de gens dans une même salle qui vit la même chose en même temps.
Pour moi, c’est aussi un art qui permet d’être un peu plus éclaté dans la forme, de faire sortir les choses du cadre réaliste, qui doit être quand même un peu plus respecté avec la télévision ou le cinéma. Parce que le théâtre impose que les gens soient dans la même pièce, il a un caractère qui est un peu plus politique [que les autres formes d’art]. Mais après tout, c’est aussi que j’aime en faire.
LR : Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à votre public en écrivant ?
CRD : Ça change avec le temps. Mais je dirais qu’en ce moment, ce que je veux transmettre c’est plutôt un désir de révolte, d’action, un désir de changer le monde […]. C’est un peu idéaliste.
Ma maîtrise porte sur le théâtre écologique, et ma grande question c’est : « Comment est-ce que le théâtre peut contribuer à lutter contre le sentiment d’impuissance face à la crise climatique ? » C’est une problématique qui nous sidère, qui nous rend souvent plus apathiques que motivé.e.s à changer les choses. Pourtant, la tâche est tellement énorme qu’il faut qu’il y ait des gens qui mettent la main à la pâte.
Mais, comment peut-on justement trouver ce désir d’agir, et cet espoir, qui est parfois difficile à avoir face aux statistiques et à l’urgence quasiment déclarée. Donc, [ce qui est important] c’est de créer des pièces qui contribuent à créer des espoirs collectifs. Et si quelques personnes dans la salle peuvent sentir qu’elles font partie de quelque chose de plus grand qu’elles, je pense qu’à partir de ça, elles vont avoir envie de créer des liens avec leur collectivité et de changer les choses.
LR : Vous avez donc une passion pour l’écologie. Pouvez-vous parler un peu plus de comment vous l’intégrez dans votre pratique ?
CRD : En fait, mon rêve ce serait d’avoir ma propre compagnie de théâtre qui serait écologique ; donc neutre en carbone, zéro déchet, et j’aimerais faire ça dans une serre […]. Ma maîtrise en théâtre est comme une amorce à ce grand projet que j’aimerais mettre en place dans les prochaines années.
Pour l’instant, ça [la passion pour l’environnement] s’inscrit dans ce que j’écris par une parole plus sociale et politique. L’écriture, je l’ai commencée avec le slam, une forme de parole souvent très engagée. C’est de la poésie parlée […]. Certaines revendications se sont inscrites avec cela, puis des fois j’essaie d’en inscrire un peu dans mes histoires, mais je ne l’ai pas encore fait directement dans mes pièces de théâtre. Je n’ai pas encore osé parler directement d’environnement, mais ça va être la prochaine pièce.
LR : Pour conclure, auriez-vous une anecdote amusante liée à votre expérience de comédienne et autrice ?
CRD : J’ai eu plusieurs moments malaisants sur la scène. Au secondaire, quand j’ai fait de la scène [pour la première fois], c’était de l’animation. J’animais un genre de petit cabaret qui s’appelait Le café des artistes. Je ne savais aucunement comment animer quoi que ce soit, donc j’allais sur l’internet pour trouver des blagues plates et les raconter devant un public.
Imaginez, je suis devant une cinquantaine de personnes. J’arrive, toute, fébrile et je suis comme : « Connaissez-vous la blague des boulettes de viande ? » Personne ne me répond. Je continue : « Deux boulettes jouent à cache-cache. L’une dit à l’autre “Où steak haché ?” [où es-tu cachée], et l’autre répond “Juste là” ». Malaise. Grand malaise dans la salle. […] Bref, à ne pas faire devant un public !