– Par Christopher Bernard –
J’ai eu beaucoup de difficultés à écrire cette chronique. Depuis jeudi matin, je sais qu’il n’y a qu’un seul sujet que je peux, que je dois aborder. Comparés à celui-ci, tous les autres sujets semblent banals, presque insignifiants. Je parle bien entendu des attentats qui ont eu lieu au journal Charlie Hebdo, la semaine dernière à Paris. À moins que vous viviez sous une roche, au cœur de la Sibérie, vous êtes probablement au courant que la France a été victime de son pire attentat terroriste depuis plus de 50 ans. Loin de moi l’idée de refaire le récit des événements troublants. Je crois en effet que la couverture médiatique qui a suivi les attentats de Paris dans la dernière semaine a suffisamment fait le tour de la question. Je voulais tout d’abord parler des grands principes, de la liberté d’expression. À quel point, plus que jamais, il faut se battre pour celle-ci lorsque des groupes de gens refusent la prémisse selon laquelle chacun a droit à son opinion. Je voulais insister sur le fait que l’on ne peut laisser les extrémistes gagner en s’autocensurant. Je voulais parler du fait que le Charlie Hebdo était un fort de liberté d’expression qui n’a jamais eu peur de la controverse pour faire respecter ce droit. Je voulais ensuite parler d’ouverture d’esprit, de respect des différences. De pourquoi c’est important de ne pas sombrer dans le sensationnalisme, de faire la part des choses. De parler des musulmans qui, de par le monde, ont dénoncé ces gestes. Expliquer, comme c’est le cas lors de chaque acte violent, que ce ne sont pas trois individus qui représentent un groupe de plus d’un milliard d’individus. Mais pour une raison quelconque, je n’arrivais pas à écrire sur ce sujet. J’en suis venu à la conclusion que la raison pour laquelle je n’arrivais pas à écrire un texte cohérent sur le sujet est que j’ai toujours de la difficulté à saisir l’ampleur de la tragédie qui s’est déroulée. Comment peut-on s’expliquer qu’au XXIe siècle, des gens considèrent encore qu’ils ont la réponse absolue. Et que non seulement on ne peut s’opposer à celle-ci, mais le faire est une raison valable de mourir. Comment est-ce que l’on explique que pour certains, la société qui leur offre la liberté de religion, ne devrait pas offrir la liberté d’expression à ceux qui ne pensent pas comme eux? Comment est-ce qu’on explique que pour certains, les caricatures dans un journal tiré, à à peine 100 000 exemplaires, sont si menaçantes que la seule option soit d’ouvrir le feu sur ses créateurs? Je ne sais pas s’il y a vraiment quelque chose à saisir du massacre de Charlie Hebdo. Après tout, il est toujours hasardeux d’essayer de donner du sens à des gestes commis par des illuminés. Cependant, lorsque j’entends le président de la ligue catholique américaine dire que les créateurs du Charlie Hebdo ont finalement été les artisans de leur propre mort, je me dis que Voltaire était bien plus sage que moi lorsqu’il a dit : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ».