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Chronique philo : Quelles vues sur l’enseignement?

10 novembre 2014

Avec le début du processus d’évaluation des cours et des professeurs de l’Université, on est en droit de se questionner sur la pertinence de ces évaluations, ainsi que sur les alternatives à ce processus, alternatives qui semblent, depuis longtemps, avoir séduit nombre d’étudiants.

Le site web ratemyprofessors.com, malgré les critiques dont il fait l’objet, notamment pour sa forme et son processus d’évaluation, ne cesse de gagner en popularité. Les critiques qui reviennent le plus souvent sont, bien entendu, celles de la sélection des participants, ceux-ci n’ayant pas à prouver s’ils ont assisté au cours qu’ils évaluent, en plus de pouvoir faire plus d’une évaluation pour le même enseignant, biaisant de ce coup les résultats finaux. Une autre critique sera certainement celle du nombre de participants au sondage, le site web offrant des « statistiques » même si le sondage n’a qu’une ou deux réponses. On voit donc là des problèmes méthodologiques de base qui remettent en question la valeur d’un outil qui se donne à l’étudiant comme un gage de qualité de l’enseignement. Cependant, il y a, selon nous, un problème d’un tout autre niveau dans la popularité d’un tel outil, problème dont nous tracerons ici les contours.

Les problèmes éthiques qui sont liés à l’évaluation d’un individu sur la toile ne sont pas négligeables. Devons-nous rappeler ici que l’un des critères d’évaluation des enseignants est leur « hotness », critère qui témoigne, si nous pouvons l’exprimer ainsi, d’une appréciation nullement académique de l’enseignement. Ce même critère, soulignons-le, s’il se donne comme un outil pour choisir ses cours, évacue toute prétention à donner une valeur académique à l’enseignant, ou même, comme certains le prétendent, à aider les enseignants à améliorer leur cours. De même en est-il du critère dit « easiness » qui témoigne non pas de l’intérêt des étudiants pour l’enseignement, mais plutôt d’une culture universitaire bien particulière, celle de la course au diplôme. Du fait de cette culture, il est à peine surprenant de constater que le premier réflexe de l’étudiant, lorsqu’il s’agit de choisir un cours, soit de recourir à ces évaluations qui ne témoignent en fait que de la facilité du cours, plutôt que de consulter la liste de publications de l’enseignant, ses formations, ses champs d’intérêt, etc., ces informations étant disponibles sur sa page personnelle. L’intérêt ne serait donc pas pour le contenu du cours, mais plutôt pour sa forme. Ce constat n’est pas si surprenant. Effectivement, ce n’est pas la première fois que cette culture des étudiants de premier cycle s’oppose à celle des étudiants diplômés et du corps professoral.

Finalement, cette habitude de la critique publique du travail de l’enseignant doit certainement nous faire réfléchir sur la question de la ligne entre vie privée et activité publique dans le cadre de l’enseignement, ainsi que sur la question de savoir quand la critique devient diffamation. Posons la question : ces critiques anonymes, en quoi sont-elles différentes de ces caméras cachées que certains installent dans les CHSLD? Ne risquons-nous pas de condamner quelqu’un sur la base d’un portrait qui est tout sauf représentatif du réel travail de l’enseignant, et ce, dans l’espace public, sans droit de réplique?

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