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Sports et bien-être

Chronique : L'exception nord-américaine

5 octobre 2015

Par Ghassen Athmni

Mon expérience à La Rotonde m’a permis, à quelques reprises, d’assister à des joutes de football canadien universitaire. Jusqu’alors, ce que je connaissais de la version nord-américaine du football se limitait à quelques images du Super Bowl et à l’excellent Any Given Sunday d’Oliver Stone.

Contrairement au hockey, le football n’a pas attiré mon attention en tant que spectacle ou en tant que jeu. La ressemblance avec le rugby y est peut-être pour quelque chose. Les deux sports ont aussi une histoire commune avec le soccer. Au XIXe siècle, les règles du football variaient d’une association à une autre et d’une université à une autre au Royaume-Uni et en Amérique du Nord. Au fil des codifications, les trois sports se sont différenciés pour donner les disciplines que l’on connait aujourd’hui.

Bien que le soccer semble avoir été d’égale importance jusqu’au début du XXe siècle – L’équipe des États-Unis termine troisième de la toute première Coupe du monde en 1930 – les universités nord-américaines, pour des raisons évidentes, avaient déjà opté pour le sport de l’élite, le rugby, et l’ont fait évoluer pour en faire un nouveau sport.

Ce qui est intrigant, c’est que l’Amérique du Nord est la seule région du monde à avoir inventé des sports à grande diffusion, qui diffèrent des sports européens et surtout britanniques. Cet exceptionnalisme reflèterait des caractéristiques sociales qui, dans le cas du football, grâce à la comparaison avec les disciplines sœurs du soccer et du rugby, sont assez perceptibles.

Les règlements du football font en sorte que chaque mise en jeu doit être une tentative directe de marquer, de gagner du terrain. Comparé au soccer et même au rugby, il y a très peu de jeu latéral ou de recul en arrière. Il y a une vectorialité beaucoup plus prononcée que dans d’autres sports, qui nécessite et donc valorise la force et la confrontation. Selon la stratégie, les joueurs sont en position avant qu’on passe à l’exécution, chacun a un rôle très bien défini et une spécialisation nécessaire au bon déroulement du jeu. Au soccer, il y a beaucoup de déchets techniques, de pertes de balles, de jeu latéral. Le match s’éternise aussi souvent au milieu du terrain et les matchs se terminent parfois sans buts. Mais au football, on tente de ne laisser aucun espace pour ce qui, du point de vue du résultat, est trivial.

Comparé au rugby, le découpage du terrain de football oblige le jeu à avancer d’une manière précise et à ne pas se perdre dans les cafouillages et les mêlées. Le décompte des verges a fait en sorte que chaque jeu résulte en des données quantifiables synonymes de réussites ou d’échecs. Tout gain en devient quantifiable. Les sports nord-américains mettent d’ailleurs énormément d’emphase sur les chiffres et les statistiques.

Les schémas du football nord-américain reflètent certains aspects et certaines tendances dont j’avais une petite idée avant d’atterrir au Canada et que j’ai vérifiés ces dernières années. La valorisation de la productivité et du straight forward, de la régulation minutieuse (dont la spécialisation est la définition des rôles) de tous les processus de production ressemble beaucoup à ce qui se fait sur les terrains. Faire face à l’adversité, faire preuve de solidité et réussir son coup rapidement en affaires sont de la plus haute importance. Le jeu typique du football, avec son explosivité, sa force et ses rushs offrent à son public un spectacle ponctué de plusieurs pics d’adrénaline, potentiellement dans un souci d’assouvir un besoin d’immédiateté des plaisirs.

 

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