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Par Yasmine Mehdi – Cheffe de pupitre Actualités
J’ai toujours admiré le stoïcisme des journalistes. Je me demande toujours comment ils parviennent à évoquer des tragédies sans être subjugués par l’émotion et comment ils demeurent sérieux lorsque leurs collègues laissent échapper des lapsus insolites.
Un des aspects du détachement journalistique qui ne cesse de m’esbroufer est la capacité d’interviewer des célébrités en restant totalement impassible. J’ai beau essayer de me faire passer pour une cynique, je mentirais en suggérant que je puisse cacher ma fébrilité dans l’éventualité où Drake, artisan de la prodigieuse expression « YOLO », m’accorderait l’honneur de m’adresser à son illustre personne.
Très chers lecteurs et chères lectrices, j’ai une annonce à vous faire. Non, je n’ai toujours pas eu le privilège d’interviewer Aubrey Drake Graham, mais c’est tout comme. Pour la toute première fois de ma jeune carrière, j’ai interviewé une célébrité. Je ne vous mentirai pas : le processus a été ardu. Je me prépare à vous conter une histoire épique qui m’a finalement menée dans un luxueux bureau avec vue sur une capitale internationale.
Il y a maintenant un an, j’apprenais que l’interviewé de mes rêves passerait à Ottawa pour un meet and greet. Enregistreuse à la main, j’étais prête à sauter sur l’occasion lorsque j’ai été arrêtée dans mon élan par la garde rapprochée de Monsieur. « Il n’accorde pas d’entrevue », me dit-on d’un air sec. J’insiste, je plaide, je négocie : rien n’y fait.
Cet après-midi-là, je rentre à la rédaction bredouille, mais n’abandonne pas. Les mois qui suivront donneront lieu, mesdames et messieurs, à une traque effrénée, parfois démesurée et assurément inusitée. Ma vie sera dorénavant rythmée par ce seul impératif : j’aurai mon entrevue.
Je vous ai promis une histoire épique, mais dans les faits, elle est surtout bureaucratique. Pendant de longs mois, j’échange des courriels avec l’équipe médias de ma célébrité. On m’explique que la rentrée est chargée, puis que Noël arrive à grands pas et enfin que Monsieur a à peine le temps d’aller aux toilettes tellement il est débordé.
Je commençais à désespérer lorsque le miracle s’est produit enfin. Béatitude. Extase. Je me sens renaitre. Il sera disponible après-demain, de 9 h 30 à 10 h. Une annulation dans son horaire fort chargé, m’explique-t-on. « Serez-vous disponible? » Je réponds presque : « Je raterais les funérailles de ma propre mère et ma naissance si cela était possible », avant de me raviser et de rédiger une réponse plus mesurée.
De vous raconter le déroulement de l’entrevue serait futile. Vous la lirez dans l’édition de La Rotonde du 10 avril. Pour vous prouver ma bonne foi, je vous dévoile néanmoins en primeur l’identité de ma célébrité. Ryan Gosling? Ricardo? Recep Tayyip Erdoğan? Trêve de suspense chers amis et chères amies, il s’agit de Jacques Frémont, le trentième glorieux recteur de l’éminente Université d’Ottawa.
Voilà. Je file avant d’être envahie par votre indéniable jalousie. Bonne fin de journée.