– Par Élise Vaillancourt –
Pendant que les arbres et les vignes commencent à se colorer et que tous se préparent à affronter les déboires automnaux (la pluie frette de novembre), j’en suis déjà à un mois en Haïti et j’ai maintenant presque l’air bronzée (c’est une fierté – je suis superficielle). Durant les deux dernières semaines, j’ai visité Cap Haïtien, je suis devenue membre du club de karaté (je beugle en essayant d’avoir l’air brave) et j’ai commencé mes enquêtes sur le terrain. Plus concrètement, je m’intéresse à la gestion des risques naturels dans la commune de Sainte-Suzanne en posant le bilan du système pré-désastre de la municipalité. Plus simplement dit, je fais de la recherche sur les cataclysmes naturels et sur les mesures pour réagir afin de limiter les dégâts subséquents. Assez badass quand même.
Durant mes derniers jours d’immersion, j’ai pu comprendre à quel point le romantisme est au cœur de la culture ici. On aime vite et on aime fort. On l’exprime peu discrètement aussi. Ci-dessous sera discuté ce fait au travers de deux points : les prénoms et la musique.
Lamartine, source d’inspiration pour les nouveaux parents
Le romantisme excelle dans sa forme pour ce qui est des prénoms. À Longueuil, j’avais assisté au spectacle d’un humoriste originaire de Port-au-Prince, Richardson Zéphir. Sa théorie était la suivante : l’Haïtien, tu le reconnais par son nom qui a la résonnance d’un poème. Eh bien j’en ai vu de toutes les couleurs en terme de poème depuis mon arrivée, un peu comme s’il y avait un excès de créativité terminologique. Jusqu’à présent, je dois accorder mon vote à la petite « Christmylove », vite suivie par «Jennylove».
Chacun a également un « tit-nom », un surnom donné afin de refléter davantage les caractéristiques d’un individu. Puisqu’il est chauve, le président Michel Martelly s’est mérité le surnom de Tèt Kalé, par exemple. J’ai un ami qu’on appelle Black Posé : il est plus noir que la moyenne et de tempérament assez calme. Les surnoms peuvent également constituer en un diminutif affectueux. De ce côté, j’ai un coup de cœur pour le surnom de Ketteline, la femme d’un agronome avec qui je travaille. On l’appelle « Quéquette ». Je n’ai pas eu le cœur d’expliquer à mon collègue mon soubresaut quand j’ai entendu ça pour la première fois. Quoiqu’il en soit, cette créativité est belle à constater, ça change de nos Maxime, nos Alexandre et de la liste interminable des Marie-Jenesaisquoi ou même J’ai-huit-noms-de-famille-et-l’alphabet-complet-dans-mon-nom.
Le kompa, ou la musique de l’amour pas platonique du tout
Fierté nationale, le kompa est à la fois une danse et une musique qualifié par Wikipedia de « meringue moderne ». Apprécié de tous, le kompa constitue le cœur de la culture haïtienne. Le groupe de l’heure, c’est KLASS et on écoute leur musique 100 % LOVE (comme ils disent) sur toutes les ondes radio du pays. Les paroles laissent peu de place à l’imagination. Laissez-moi vous partager deux de leurs plus grands succès. Dans l’une, des hommes encouragent les femmes à se procurer des dildos pour éviter qu’elles ne les trompent. Une autre est moralisatrice et exige que les hommes fassent plaisir à leur femme avant de penser au leur. Ça serait mal vu et vulgaire d’aborder ces thèmes au Canada. Pourtant, ici c’est la musique qui fait que chacun délaisse la bière Prestige pour se trémousser sur la piste de danse. Et la danse, quelle danse ! Expression sublime de sensualité, tout âge confondu. Croyez moi, les fermiers de Sainte-Suzanne n’ont rien à envier aux (non-)talents des Québécois en danse. C’est magnifique à voir. Alors que le Québec débat sur ses valeurs sociétales communes, Haïti n’a besoin que de danse et de musique pour assurer sa cohésion sociale.
Anecdote antillaise bimensuelle: Puisque j’ai fait un mois dans la Perle des Antilles, Facebook me suggère de devenir fan de Luck Mervil. Non merci. La carrière de M. Mervil était à son apogée il y a 10 ans dans son sublime duo avec Gabrielle Destroismaisons pour la toune de Mixmania 1.