– Par Élise Vaillancourt –
Pran devanpaanyen, se konnlawout ki tout
Tradcution : Nul besoin de prendre les devants si tu ne connais pas le chemin. D’abord, la chaleur. Une chaleur humide qui vous fait suer de la moustache (assez disgracieux). Ensuite, les montagnes. C’est surprenant que l’idée faite d’Haïti soit celle d’un paysage désertique alors qu’ici, tout est vert et vivant. Il y a maintenant deux semaines que j’ai mis pied à Sainte-Suzanne, dans le Nord-Est du pays. Au plein cœur des montagnes, la ville compte 25 000 habitants mais semble plutôt en accueillir 300, en raison du relief montagneux qui agit comme clôture naturelle entre les voisins. La végétation est luxuriante, tout comme la faune (certains insectes feraient frémir Crocodile Dundee). L’électricité n’est pas encore arrivée, pas plus que l’eau courante. Dès 20 h, la ville dort, dépendante de la présence du soleil pour s’éveiller à nouveau le lendemain.
Les activités sont principalement agricoles, surtout caféières. La vie s’articule autour du cycle solaire et du cycle agricole. D’ailleurs, l’on me prévient de ne pas marcher seule la nuit, temps où les loups-garous et les zombies cherchent des proies faciles dans les rues sombres de la ville. Des discussions de ce genre sont courantes en Haïti ; les Haïtiens préférant la science nocturne à la science diurne occidentale. Jusqu’à présent, je compte trois divertissements dans la commune de Sainte-Suzanne. D’abord, l’école de karaté,un local odorant et surchauffé où l’on peut faire des push-ups et pousser des cris de guerre en bougeant de manière saccadée. Pas de Jackie Chang en vue. Ensuite, le cinéma. Situé dans un recoin du quartier, le bâtiment doit faire une quinzaine de mètres de long. Les films sont en créole,en français, en anglais ou en espagnol. Coût d’entrée : 5 gourdes, l’équivalent de 30 cents. Le hic, c’est qu’aucun habitant de Sainte-Suzanne ne parle anglais ou espagnol et qu’une maigre minorité peut se vanter d’avoir une maîtrise partielle du français. Aussi, la télé doit faire autour de dix pouces de large. Le cinéma est plus un lieu de socialisation qu’autre chose : ne vous attendez pas à regarder un film, mais plutôt à écouter les commérages de vos voisins et voisines. Finalement, les habitants peuvent se distraire en fréquentant une panoplie d’institutions religieuses. Je m’y suis risquée, ce week-end, et j’ai définitivement poussé mon mimétisme culturel trop loin : d’une durée de près de 2 h 30, la messe, entièrement en créole, s’est clôturée par les états financiers de l’institution.
Quelles sont les raisons me poussant à m’aventurer hors du confort que m’offre le gouvernement Harper? En avril dernier, j’ai gradué du programme de développement international et mondialisation de l’U d’O. J’avais besoin d’acquérir des compétences techniques avant de me lancer dans des projets de maîtrise. J’ai appliqué et été choisie à titre d’intervenante en travail social pour l’Institut en recherche et d’appui technique en aménagement de milieu (IRATAM). IRATAM vient appuyer les agriculteurs par la gestion d’une coopérative de café,en donnant des formations techniques en agriculture et en développant des activités parallèles génératrices de revenus, telles que le micro-jardinage et le micro-élevage. Je vais passer six mois dans la Perle des Antilles, la moitié à Ste-Suzanne et l’autre au Cap Haïtien, la deuxième plus grande ville du pays. Mais je vais vous parler davantage de tous ces détails au cours de l’année : La Rotonde m’offre une tribune pour partager mon expérience, un peu comme une correspondante à l’étranger (je suis la prochaine Céline Galipeau). J’espère parvenir à vous expliciter une réalité culturelle tout autre que celle vécue sur le campus de l’U d’O.