– Par Didier Pilon –
« Et, le doctorat? », me demande-t-on souvent ces jours-ci. En vérité, le dilemme de m’engager dans d’autres études supérieures se résume en une question : suis-je vraiment prêt à plonger dans la dépression pour les prochains quatre à six ans de ma vie?
Loin d’une simple anecdote, la structure universitaire a réussi à normaliser la dépression. Ceci semble doublement vrai aux études supérieures où, selon certaines études, 60 % des étudiants souffrent de dépression et 10 % ont même des idées suicidaires.
Faire un doctorat, c’est traverser un champ de mines de troubles mentaux à l’aveuglette. Le « syndrome de l’imposteur », convenablement surnommé « syndrome de l’autodidacte », nous porte à douter de la légitimité de notre succès et à craindre qu’on soit un jour démasqué. L’« impuissance apprise » vient saper notre motivation, la charge de travail croissante engendre l’anxiété, la structure de pouvoir est infantilisante et la corrélation entre la dépendance économique et les troubles de santé mentale est bien connue. Les étudiants qui proviennent d’ailleurs tentent en vain de maintenir des liens avec leur système de soutien et ont peine à se bâtir une nouvelle communauté tout en remplissant les exigences de leur programme d’étude.
Pour moi, en arts et sciences sociales, c’était plutôt la nature solitaire de la rédaction qui a causé problème. Alors que les cours permettent et même forcent un minimum d’interaction sociale, la thèse impose l’ermitage. La dissolution de la structure de travail qui m’avait accompagné tout au long de ma vie d’étudiant (à partir de l’école primaire) a créé un vide. Les longues heures de travail intellectuel se sont mises à monopoliser mes soirées et j’ai commencé à négliger à la fois mes amis et ma santé.
Le paradoxe de ce style de vie est qu’il nécessite un système de soutien social mais laisse peu de temps à consacrer à la vie communautaire. Ce n’est donc pas surprenant que le taux de participation aux élections de la GSAÉD soit entre 2 et 4 %. Toutefois, outre les PhD Comics partagés sur Facebook, la communauté des étudiants diplômés semble faire abstraction du problème. La dépression est un trouble systémique, il est temps qu’on la traite ainsi.