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Arts et culture

Chronique européenne | Et Dieu créa la mondialisation

25 novembre 2013

– Par Alex Jürgen Thumm –

Tout d’abord, permettez-moi de répondre à votre question même avant que vous vous la posiez : en effet, bien des Européens, et tous les médias allemands d’ailleurs, sont bel et bien au courant des récréations de Monsieur Ford. Comme il l’a prédit lui-même, il est devenu connu à travers le monde.

Au sujet de la conduite en état d’ivresse, Fribourg pourvoit ses citoyens d’un réseau d’autobus nocturnes bien plus humain qu’Ottawa ne sait faire. Afin de paraître à la mode, j’imagine, on l’appelle « Safer Traffic », et personne ne trouve cet emprunt à la langue anglaise bizarre sauf moi. Quand j’ai des difficultés avec la langue allemande, ce n’est pas avec les mots à 20 lettres, c’est plutôt avec leur usage douteux de ma langue maternelle qui se glisse autant dans le parler populaire que dans celui des universitaires. Le groupe Wise Guys (ils chantent en allemand) fait voir la pente glissante de Denglisch en chantant « Oh Lord, please gib mir meine Language back ». Une prière qui conviendrait également aux Canadiens français.

Au moment de vous écrire, je me trouve à Ravensbourg, la ville natale de mon grand-père ainsi que du « quotidien pour la politique et la culture chrétiennes » (le sous-titre du journal régional). J’assiste à un colloque dans un ancien monastère où, en journée, on discute de la société civile asiatique et de son rôle en démocratisation et, en soirée, du tout dernier placotage à la faculté. Au contraire de la France apparemment, les étudiants en Allemagne semblent « connaître » leurs profs; des fois même leurs filles.

L’Halloween s’est transplantée ici avec succès (les fantômes sont aussi complices de la mondialisation), et l’Oktoberfest en Amérique, mais pas tous les évènements se diffusent aussi facilement. Parmi nous au colloque se trouve un Suisse qui porte un coquelicot (rouge) ; j’ai découvert plus tard qu’il travaillait avant chez Nortel, en Ontario. Mes amis (à la maîtrise en science politique) se demandaient entre eux ce que c’était que cette fleur. J’ai dû leur expliquer non seulement le coquelicot, mais aussi le concept du 11 novembre. Tout comme la colonisation au Canada et au Québec, la Guerre a vite été oubliée au fil des générations.

À l’étude d’étudier

J’ai une fois hébergé une couchsurfer allemande chez moi qui faisait sa maîtrise à Waterloo. Elle fumait, mais seulement depuis son arrivée à Waterloo. Pourquoi? L’université canadienne, dit-elle, est trop folle, trop stressante. Je me souviens de ses récits du paradis universitaire, l’Allemagne, où les choses seraient détendues et où on pourrait encore espérer faire une carrière universitaire.

Elle n’avait pas tort. Quoique complexe en maudit, le système n’est pas trop exigeant. Bien des profs sont sereins et les étudiants, sans frais de scolarité, n’ont pas peur de ne suivre que deux ou trois cours par semestre. Le sujet de conversation par défaut n’est pas les examens et la crainte qu’ils peuvent provoquer. On ressent peu de stress dans l’air universitaire.

Et peu de politique étudiante. La dernière fois, je vous ai promis de revenir sur le Studentenwerk (SW), l’équivalent allemand de la FÉUO. Si l’on était assez naïf pour le traduire, le terme serait « travail des étudiants ». Le SW fédéral, qui regroupe tous les SW, fait du lobbying auprès du gouvernement et agit politiquement, mais c’est un devoir dont les unités régionales se débarrassent avec plaisir. À l’échelle locale, le SW fribourgeois ne mène pas de campagnes, ne parle pas d’assemblées générales ou de participation politique et n’a pas de scandales apparents. Son mandat est la prestation de services. Certes, la FÉUO dirait pareil, mais le sens de « services » diffère d’un côté à l’autre de l’Atlantique. Sans Centre de développement durable ou de la fierté, le SW s’occupe plutôt des défis financiers et banals des étudiants. Il propose des assurances, de la psychothérapie et des ateliers divers (le yoga, lire rapidement, parler sans accent, les langues et encore plus). Il ne s’adresse pas, peut-être comme à Ottawa, principalement aux femmes ou à la communauté LGBT, mais plutôt aux étudiants avec enfants et aux étudiants internationaux ; pour ceux-ci, il propose des évènements sociaux, des voyages pas chers et du logement.

Outre les cafés étudiants, le SW s’occupe aussi de l’alimentation sur le campus et des résidences. Mais on tombe rarement sur une entrevue avec le président. Rien de controversé ne se passe. Le concept d’une fédération étudiante, par et pour nous, est universel, mais les manières de la penser sont aussi variées que les sortes de müesli allemand. Visitez swfr.de/en pour voir vous-même le modèle allemand en action.

Notre campus est joli et central et me rappelle l’U d’O, sauf qu’il est plus vieux et bien plus petit et qu’il y a de petites cours un peu partout. Ce qu’il n’y a pas, ce sont des aires de travail. On ne trouve pas de salons étudiants ou de tables comme dans FSS. Les sacs à dos sont interdits dans la bibliothèque ; la FÉUO ferait une campagne là-dessus, non? En se promenant à travers les immeubles, on ne rencontre que des portes fermées. (La porte fermée : une autre particularité culturelle. Les Allemands ne voient aucun symbolisme de fermeture derrière une porte fermée. Elle laisse simplement une invitation à se faire cogner.)

Du moins, je pourrais aller chez moi pour étudier. Mais en y allant, je ferai un tour chez

« Bud’s Bikes ». Il me manquait d’argent la semaine dernière en achetant un vélo, mais puisque Bud a un ami canadien qui vient tous les ans, et puisque les Canadiens savent bien faire la fête, Bud m’a fait confiance pour revenir lui payer le solde.

La mondialisation, ça nuit à l’environnement chez nous, je sais, mais au moins le monde considère les Canadiens comme des gens honnêtes. Pré-Rob Ford, au moins.

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