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Chronique d’une cousine : La face cachée des profs

3 Décembre 2012

– Par Caroline Ramirez –

Je me souviens de ma première année à l’université, en France. J’y ai assisté à des cours de professeurs ennuyés et ennuyeux, alors que d’autres étaient passionnés et passionnants. Tous m’ont marquée à leur manière.

Il y avait cette prof d’histoire des civilisations qui nous parlait des Phéniciens avec un ton et un regard à se pendre. Elle répondait aux rares questions avec la plus extrême des lassitudes. Il y avait ce prof, qui ressemblait un peu au Père Noël, qui évoquait la notion de justice territoriale et d’indicateurs de développement avec des yeux brillants et un bel optimisme. Il y avait ce jeune chargé de cours, un peu trop exigeant, qui nous faisait apprendre par cœur les conséquences des diarrhées d’Alexandre le Grand sur ses batailles. Il y avait cette prof à quelques années de la retraite, très pointilleuse, qui s’amusait à nous piéger sur d’infimes détails en cours de cartographie.

En France, les professeurs ont toutefois toujours conservé un semblant de distance avec leurs étudiants, du moins au premier cycle. Même s’ils étaient parfois de mauvais pédagogues, je les érigeais en savantes statues, aux sentiments certes présents mais toujours mesurés, aux choix raisonnés et aux éventuelles passions modérées.

Et puis, je suis un peu passée de l’autre côté du miroir, avec ma maîtrise, puis mon début de doctorat. Le bouleversement de ma vision à l’égard des professeurs a été d’autant plus radical que j’ai changé de pays. Au Canada, les rapports me semblent bien moins formels et je ne sais pas si c’est pour le mieux.

J’ai réalisé qu’on oubliait souvent que, derrière nos enseignants, il y a des femmes et des hommes qui portent des shorts l’été, pestent contre les autres conducteurs dans les bouchons, et grignotent des chocolats le soir devant des navets. Lorsque je l’ai compris, j’ai arrêté de les entourer d’un halo mystique, d’un sévère savoir et de solides convictions. Je les ai descendus de leur piédestal. Je me suis montrée plus empathique.

Nos profs, dans leur vie cachée, ce sont des chercheurs qui doutent, des parents qui s’inquiètent, des amis qui consolent. Parfois même, des écrivains de polar érotique (à l’instar du Pr. Claude Emmanuelli, de la Faculté de Droit de l’Université d’Ottawa)! Ce sont aussi des personnes avec leurs hauts et leurs bas, leurs joies et leurs peines, et qui, dans le milieu universitaire, doivent faire face à de petits conflits usants au quotidien, que ce soit avec des étudiants, des collègues ou des supérieurs.

Je regrette souvent mes premières années universitaires et mon innocence. J’ai pris conscience contre mon gré que personne n’était tout à fait fort ni tout à fait heureux, pas même ceux qui diffusent le savoir.

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