Sports
Par Philippe Marceau-Loranger – Chef de pupitre Sports
Alors que le championnat de descente Ice Cross Red Bull Crashed Ice nous faisait l’honneur de faire escale à Ottawa les 3 et 4 mars derniers, force est d’admettre que les lieux enchanteurs du site et l’ambiance à la fête m’ont presque fait oublier que ce qui se déroulait sur la glace ne me faisait ni chaud ni froid.
Outre le succès markéting retentissant de l’évènement, qui a une fois de plus permis à Red Bull de consolider sa place de chef de file sur le plan de l’image de marque jeune, tendance, urbaine et festive, j’avoue avoir été surpris de bâiller aux corneilles à regarder défiler ces amateurs de sensations fortes, réaction que j’ai tenté de déconstruire, dans la réflexion suivante.
Pourquoi tant de gens consomment-ils du sport professionnel? C’est d’abord et avant tout pour se divertir, s’émerveiller et rêver devant des exploits que la personne lambda ne pourrait espérer réaliser que dans ses rêves les plus fous. Les amateurs de hockey trépigneront devant une feinte à la Pavel Datsyuk, les amateurs de soccer, devant un coup franc brossé dans la lucarne. C’est ce geste technique pratiqué et répété ad nauseam qui vient fasciner les spectateurs, eux qui n’ont peut-être ni les habiletés ni la persévérance pour arriver à reproduire l’exploit. Certains autres sports marqueront les esprits de par la vitesse, ou la force brute démontrée par ses athlètes, qui ne sont ni plus ni moins que des machines bien huilées. On n’a qu’à penser à un Usain Bolt qui survole la piste de 100 m, ou à un Michael Phelps qui anéantit la compétition au papillon. Il y a aussi cette grande complexité stratégique entourant les sports, comme le football et le baseball, qui attise les passions des amateurs.
Voilà ce qui m’a fait sourciller lorsque sur le site de l’évènement, on se plaisait à répéter que l’on assistait au « sport le plus rapide sur glace ». Il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une tentative subreptice parmi d’autres de glorifier ce sport, en nous faisant oublier que les patineurs de vitesse et les joueurs de hockey explosifs comme Connor McDavid sont ceux qui devraient être qualifiés d’athlètes sur patins les plus rapides au monde. Au lieu d’utiliser à leur avantage un dénivelé de 35 m pour générer leur vitesse, ils reposent entièrement sur leurs qualités athlétiques exceptionnelles. Sans rien ne vouloir enlever aux athlètes de descente Ice Cross, qui doivent tout de même posséder un certain degré d’explosivité, d’équilibre, mais surtout de courage, qu’est-ce qui ne dit pas qu’un hockeyeur, ou un patineur de vitesse ne pourrait faire mieux? Voilà un aspect qui rend le spectacle mièvre, c’est-à-dire que le degré de contingentement en descente Ice Cross est dans une autre stratosphère par rapport à celui des sports plus traditionnels, où des milliers, voire des millions espèreraient atteindre les hautes sphères de leurs disciplines, mais où seule la crème de la crème y parvient. Combien de jeunes ont commencé à pratiquer le hockey à 18 ans et ont atteint la ligue nationale? Peu, voire aucun, alors que la réalité n’est pas analogue en descente Ice Cross. Bien sûr direz-vous, il faut aussi accuser le fait que, ne serait-ce qu’en raison du casse-tête logistique qu’il représente, ce sport ne se démocratisera pas avant longtemps.
Finalement, sur le plan stratégique, j’ai trouvé désolant de voir l’air hagard des athlètes victorieux, lorsqu’interrogés sur leur stratégie adoptée lors de la compétition. Alors qu’ils s’adonnaient à bredouiller des réponses quelconques, le sous-texte était clairement que le seul objectif était de compléter le parcours le plus rapidement possible sans se casser la margoulette. Avouez que l’on est à des années-lumière de Tom Brady et de son livre de jeux aux airs d’Encyclopaedia Universalis. Voilà pourquoi les animations sur le site et autres fioritures n’auront pas réussi à me convaincre que la descente Ice Cross devrait être une discipline olympique plutôt qu’un simple coup d’éclat markéting. Et paraitrait-il que les bâillements sont contagieux?