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Chronique actu : Suis-je entourée de toxicomanes ?

12 novembre 2012

– Par Caroline Ramirez –

Illustration : Caroline Ramirez

Je me souviens de la visite d’un professionnel de la santé dans ma classe, alors que j’étais en seconde (l’équivalent du secondaire 4 au Québec ou de la dixième année en Ontario). Il nous avait parlé avec un ton alarmé des dangers de la drogue. J’avoue ne pas avoir retenu grand chose de cette séance, ni d’avoir par la suite éprouvé une méfiance particulière à l’égard des substances illicites. J’avais été bien plus perturbée par la visite, un an plus tard, d’une personne atteinte du cancer de la gorge, qui continuait à fumer par le trou de sa trachéotomie et qui nous parlait d’une voix métallique.

Et puis, vers mes 17 ans, je suis tombée sur un reportage, à la télévision, où l’on suivait l’itinéraire quotidien de toxicomanes, à la recherche de drogues dures et d’une seringue propre. Ils étaient terriblement maigres, les yeux creusés et le visage émacié. Leurs regards étaient parmi les plus désespérés au monde. Mon esprit a automatiquement associé cette détresse physique et mentale aux images cauchemardesques des prisonniers d’Auschwitz, auxquelles j’avais été confrontée depuis mes premiers cours d’histoire et ma lecture de Si c’est un homme, de Primo Levi, et de la bande dessinée Maus, d’Art Spiegelman.

Parfois, je me demande à partir de quand on devient toxicomane (du grec toxikon – poison – et mania – folie). Je n’ai jamais connu quelqu’un accro aux drogues dures, mais j’en ai connu beaucoup qui l’étaient, plus ou moins, au cannabis. L’agressivité ou l’apathie de quelqu’un qui n’a pas encore fumé son énième joint de la journée est-elle un problème, une preuve d’addiction? Si oui, alors je suis entourée de toxicomanes. Mais j’ai du mal à voir chez les fumeurs de cannabis des drogués au même titre que les zombies dont je parlais un peu plus haut. Au fond, ils cherchent juste à redevenir, « l’instant d’un spliff, des souverains improductifs », comme le chantent Les Colocs. C’est un moyen comme un autre de se laisser aller à une pause sereine dans une société un peu trop rapide.

Une amie m’a dit, un jour : « Le joint, c’est une manière très paresseuse de trouver une forme de légèreté quand on n’est pas capable de se satisfaire de l’ivresse de la vie ». Je ne pense pas que cette maxime aura beaucoup plus d’influence sur vous que ma première séance de prévention sur la drogue, mais elle vous invitera peut-être à ne pas oublier qu’il est possible de diversifier vos moyens d’échapper, pour un instant, à votre quotidien.

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