Par Nonibeau Gagnon-Thibeault – Journaliste
Comment est-ce que la langue peut amener le caractère authentique d’une culture et d’une identité? C’est ce que s’est demandé Isabelle Violette, professeure adjointe de linguistique à l’Université de Moncton, lors de sa conférence intitulée « Tu viens d’où? Immigration, authenticité et français canadien », en partenariat avec la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques (CRFPP) au pavillon des Sciences sociales de l’Université d’Ottawa.
Lors de ses études, Mme Violette a remarqué que le chiac, dialecte acadien, est un gage qu’une personne est authentiquement acadienne. C’est aussi avec cette particularité que plusieurs artistes acadiens se distinguent. Le mélange de français et d’anglais ainsi que l’accent du chiac « leur octroient une visibilité », affirme Violette. Toutefois, cette approche de marketing a un double tranchant. « Certains artistes s’insurgent qu’on les réduise à leur façon de parler », explique-t-elle.
Donc, autant l’usage du chiac peut être la preuve qu’une personne est « authentiquement » acadienne, autant cela peut être trop réducteur lorsqu’on décrit l’identité d’une personne.
Différenciation
C’est une problématique qui revient également dans le domaine de l’immigration en Acadie. Comme l’explique Mme Violette, le chiac est souvent vu par la population comme ce qui différencie un « vrai Acadien » d’un étranger. La maîtrise de ce trait culturel devient alors un enjeu vital pour plusieurs nouveaux arrivants acadiens.
La professeure donne l’exemple de Mohammed, un étudiant international originaire du Maroc qui est maintenant installé à Moncton. Il a une « hyper conscience du processus de différenciation » basé sur son nom, son origine et « sa face d’étranger » comme il le dit lui-même, remarque Violette. « Quand je rencontre quelqu’un pour la première fois, tu peux voir qu’il est surpris », raconte Mohammed.
Authenticité
Le fait qu’il parle chiac est ce qui lui permet de se faire voir comme acadien, mais cela a ses limites. Pour d’autres immigrants, l’élément d’authenticité qu’apporte le chiac peut s’effacer par d’autres caractères qui semblent trop anormaux pour un Acadien typique.
Sur la scène culturelle, l’Acadie pourrait voir une transformation de son authenticité dans les années à venir, comme cela a été le cas à Montréal, croit Violette. « Il y a des groupes de musique qui font leur art avec du franglais, mais cet usage du franglais est lié à leur territoire montréalais. Au Nouveau-Brunswick, jusqu’à présent, il n’y a pas eu vraiment beaucoup d’artistes qui sont issus de l’immigration qui se produisent, mais ça serait intéressant de voir dans les prochaines années […] parce qu’il y a une augmentation de la population qui sont des jeunes immigrants », analyse-t-elle.