– Par Claire Delattre et Camille Lhost –
Bien que l’hiver touche à sa fin, les sans-abris d’Ottawa ont encore de lourdes épreuves à affronter afin de se loger convenablement. Les différents centres d’hébergement présents dans la ville restent une aide majeure, mais aussi une solution temporaire à l’itinérance.
Une demande croissante
D’après le rapport publié en janvier 2011 par Alliance, pour mettre un terme à l’itinérance à Ottawa, plus de 7000 personnes se sont présentées dans les centres d’hébergement de la ville, pour un total de plus de 500 000 lits offerts durant l’année, une augmentation de 10 % par rapport à l’an passé. « Le nombre de femmes sans-abris à Ottawa augmente, mais le nombre de femmes accueillies diminue. Elles y restent plus longtemps, puisqu’elles n’ont pas d’autre logement où aller », confirme Sue Garvey, directrice du centre Cornerstone.
Une variété de centres
Il existe toutes sortes d’abris, qui visent les familles ou un sexe spécifique. Shirley Roy, coordinatrice des relations avec les médias au sein du centre d’hébergement pour hommes, The Mission, explique que ce centre accueille seulement des hommes mais, précise-t-elle: « Hommes, femmes et enfants peuvent manger ici deux fois par jour. » Avec 235 lits, c’est le plus grand centre pour hommes de la ville. Le plus grand abri pour femmes, Cornerstone, ne compte qu’une soixantaine de places.
Le financement de ces centres relève en partie d’aides gouvernementales, mais l’essentiel dépend des nombreuses donations. Vêtements chauds, couvertures, nourriture et argent: 60 % de ces dons proviennent d’entreprises locales et des citoyens.
En ce qui concerne The Mission, cette dépendance aux ressources extérieures se justifie notamment par l’ancienneté de l’hébergement. « The Mission offre ses services depuis 107 ans, cela a donc touché beaucoup de familles, certaines personnes ont vu leur oncle, leur grand-père ou leur frère passer par ici », soutient Mme Roy.
Un tremplin vers une solution permanente
Chacun a son histoire, que les responsables des centres d’hébergement cherchent à connaître pour pouvoir aider du mieux possible les personnes qu’ils accueillent, car les centres d’hébergement ne constituent pas uniquement un endroit où dormir. En plus d’offrir des repas, les différents abris prodiguent des soins aux addictions et autres services de santé, ainsi qu’une aide pour trouver un emploi et un centre éducatif. « Nous faisons de notre mieux pour trouver la meilleure solution pour chaque femme qui passe le pas de notre porte », explique Mme Garvey qui soutient qu’il s’agit véritablement d’une aide au cas par cas.
Les abris sont parfois envisagés comme une simple aide temporaire. « Certaines personnes sont juste de passage, voient presque les centres d’hébergement comme des hôtels. Elles vont de centre en centre et voyagent, mais cela concerne un petit nombre d’entre elles », raconte Mme Roy.
Au-delà d’un abri d’urgence, les centres visent une solution plus permanente. « Depuis 20 ans, The Mission a vraiment évolué comme un endroit qui essaie d’aider les gens à quitter le centre », continue Mme Roy. Les initiatives de logements permanents et les programmes d’aide continue se développent. « Nous gérons d’abord des centres d’hébergement d’urgence et ensuite des centres de transition pour remettre les personnes sur pied et les aider à se stabiliser. »
« Finalement, la solution reste l’accès à des logements abordables et un soutien pour que les femmes puissent guérir et commencer une nouvelle vie », note Mme Garvey.
Alerter les pouvoirs publics
Pour Tim Aubry, professeur de sociologie à l’Université d’Ottawa, le gouvernement doit construire des logements sociaux qui permettraient à ces personnes de se bâtir une vie sociale stable. « Au Canada, seulement 5 % des habitations sont gérées par les pouvoirs publics, c’est ridicule », déplore le professeur. En Ontario, un foyer sur cinq dépense plus de 50 % de ses revenus dans le loyer. Une situation qui doit alerter les responsables pour mener de véritables politiques sociales.
Le gouvernement municipal investit 14 millions de dollars chaque année dans les aides au logement, une solution qui vise à cibler le problème en offrant des subventions. « C’est un bon début, mais cela n’est pas suffisant », renchérit M. Aubry. Il affirme que 9000 personnes sont sur liste d’attente pour accéder à un logement abordable. Seules 150 unités d’habitation sont présentes à Ottawa. « Oui, c’est un problème significatif et, pourtant, on a les moyens financiers et les technologies pour résoudre cet enjeu de société », conclut M. Aubry.